Des arguments néolibéraux pour « assurer une économie résiliente »

Richard Florizone est le président et PDG de l'Institut international du développement durable et un des dirigeants du Groupe de travail pour une reprise économique résiliente, qui se décrit comme étant « un groupe indépendant et diversifié des leaders canadiens des domaines de la finance, de la politique et de la durabilité résolus à faire en sorte que le Canada saisisse cette occasion qui s'offre ». Florizone dit qu'« assurer une reprise résiliente n'est pas seulement une question de ce qui est bon pour l'économie ou de ce qui est bon pour l'environnement. C'est maintenant une question de compétitivité nationale. »

Il a présenté ses arguments sur le sujet de la façon suivante dans un article du Ottawa Citizen du 24 août :

L'idée que les dépenses de relance doivent viser une relance verte résiliente est malheureusement devenue un enjeu partisan dans ce pays, qui semble avoir joué un rôle d'un côté dans le départ de Bill Morneau en tant que ministre des Finances et qui met en lumière le manque de leadership sur les questions climatiques de la part des conservateurs, de l'autre.

Assurer une reprise résiliente n'est pas seulement une question de ce qui est bon pour l'économie ou de ce qui est bon pour l'environnement. C'est maintenant une question de compétitivité nationale.

Les dirigeants du monde entier et de tous les horizons politiques prennent des engagements historiques pour bâtir un avenir à faibles émissions de carbone, rejetant ainsi le faux compromis entre croissance économique et action climatique. L'ampleur des investissements et des changements économiques partout dans le monde illustre qu'il y a urgence et que le Canada doit fixer son regard sur cet horizon et aller de l'avant, muni des meilleures idées canadiennes nourries des tendances mondiales en mouvement rapide.

Il est certain que nous avons besoin de plans de relance axés sur notre propre pays — prenant en compte d'abord et avant tout les besoins des Canadiens les plus affectés par la pandémie. Mais si nous, ainsi que nos dirigeants politiques, ne portons pas attention aux efforts mondiaux plus larges, nous courons le risque de prendre du retard.

La feuille de route de Chrystia Freeland, notre prochaine ministre des Finances, est claire. Elle puise à même son expérience internationale et sa perspective économique en tant qu'ancienne ministre des Affaires étrangères et du Commerce international.

Il est utile de commencer en examinant les exemples qui nous parviennent de l'Europe. En juillet, l'Union européenne a décidé qu'au moins 30 % de son budget de 1,8 billion d'euros sur plusieurs années, ainsi que le fonds de la COVID-19 auraient pour cible les objectifs climatiques. Cet engagement historique est appuyé par des investissements nationaux et régionaux, dont plus de 40 milliards d'euros en fonds de relance verte en France et en Allemagne, respectivement.

Il s'agit d'investissements massifs. Dans un contexte canadien, ils représenteraient près de 2 000 dollars par personne, ou une dépense totale de 74 milliards de dollars canadiens pour notre nation. C'est l'équivalent de près d'un quart du budget fédéral de 2019, quoique les dépenses se feront au cours d'une période de trois à sept ans.

Une grande partie des dépenses prévues sont axées sur les recherches universitaires du lauréat du prix Nobel Joseph Stiglitz et d'autres personnalités sur des mesures qui vont donner rapidement les meilleurs résultats économiques et environnementaux, comme des rénovations écoénergétiques, des infrastructures à énergie propre et des investissements dans la nature. Les gouvernements investissent aussi dans un transport plus propre et plus efficace.

Plusieurs Canadiens seront surpris d'apprendre que des gouvernements conservateurs sont les chefs de file de certains de ces programmes. Par exemple, au Royaume-Uni, le gouvernement de Boris Johnson a annoncé récemment des milliards en nouveaux investissements dans des projets de rénovation, de transport en commun et d'infrastructure pour piétons et cyclistes.

Ces investissements font suite à la décision du pays d'interdire les futures ventes de voitures de tourisme à essence et au diésel, une décision que le gouvernement conservateur a mise en mode accéléré l'année dernière, changeant la date de sa mise en oeuvre de 2040 à 2035. Cette décision fait partie d'une tendance mondiale plus large. Selon l'Agence internationale de l'Énergie, 17 autres pays ont annoncé des interdictions semblables sur les futures ventes de véhicules utilisant des combustibles fossiles, dont certaines entreront en vigueur aussitôt qu'en 2025.

Cette approche contraste énormément avec celle du Canada sur la question du climat et de la relance verte qui est hautement politisée. Tandis que nous nous chicanons sur des questions politiques domestiques, nous courons le risque de miner la compétitivité nationale du Canada, ce qui devrait préoccuper sérieusement tous les partis politiques.

Un bon exemple est l'Allemagne qui a annoncé une Stratégie nationale sur l'hydrogène, qui vise à utiliser l'hydrogène comme support de stockage pour les énergies renouvelables. Selon le Groupe Eurasie, 18 autres pays (représentant 75 % du PNB mondial) sont en train de mettre en oeuvre des stratégies similaires sur l'hydrogène. Le Canada n'arrive pas à se décider, et c'est un risque.

Pendant ce temps, aux États-Unis, advenant la victoire de Joe Biden aux prochaines élections présidentielles, notre plus grand partenaire commercial ira de l'avant avec un plan de relance verte de l'ordre de 2 billions de dollars US. Le Canada peut soit en profiter ou perdre du terrain sur le marché américain.

Comment le Canada réagira-t-il à tous ces changements mondiaux historiques ? Comment les dirigeants – de tous les horizons politiques – vont-ils garantir que nos industries de l'automobile, de l'énergie et toutes les autres survivent et se développent ?

Se contenter de prendre parti sur des questions controversées comme la taxe carbone n'est pas suffisant pour traiter de ces développements mondiaux, et le Canada en souffrira si nous continuons de rester figés dans de vieux débats qui sèment la discorde et d'ignorer les tendances mondiales.

Les Canadiens de tous les horizons politiques doivent oeuvrer à une reprise qui reconstruit d'une meilleure façon. Nous sommes face à une course mondiale pour répondre à la pandémie et assurer une reprise résiliente qui est positive pour l'économie et l'environnement. Cette reprise concerne aussi la compétitivité industrielle du Canada, le soutien des emplois, l'infrastructure et la croissance pour l'avenir. En bâtissant l'économie propre du 21e siècle, est-ce que le Canada va prendre les devants, être à la traîne ou être laissé loin derrière ?


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 59 - 19 septembre 2020

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