Les travailleurs migrants prennent la parole
Le samedi 8 août, quelque 250 manifestants
ont participé à un rassemblement devant le bureau
de circonscription du premier ministre Justin
Trudeau à Montréal pour exiger un statut pour tous
les migrants et pour que personne ne soit laissé
pour compte. Les manifestants attendaient des
annonces des gouvernements fédéral et québécois au
sujet de l'octroi du statut de résident permanent
à seulement une partie des travailleurs essentiels
qui continuent de travailler durant la pandémie.
Le principal organisateur de l'événement était
Solidarité sans frontières.
L'action a commencé avec des représentants de
Solidarité sans frontières qui ont expliqué
comment les personnes sans statut permanent sont
contraintes aux travaux forcés dans des conditions
de travail dangereuses et lamentables, sans accès
à des soins de santé, aux avantages sociaux ou au
secours d'urgence. En particulier pendant la
pandémie, alors que de nombreux Canadiens ont eu
la possibilité de rester chez eux et de se
protéger, ils ont été forcés de faire face aux
dangers et ont ainsi permis à la société
canadienne de continuer à fonctionner au risque de
leur propre vie.
« Tout ce que nous
voulons, c'est vivre dans la dignité et être en
sécurité », a déclaré l'un de ces
travailleurs qui a souligné que les sans-papiers
continuent d'être exclus de tous les programmes
gouvernementaux comme l'assurance-emploi, les
soins de santé, les prestations d'urgence, l'aide
sociale et un permis de travail, entre autres.
« C'est comme si nous n'existions pas, a déclaré
un autre travailleur. Nous avons travaillé à
l'extérieur en tant que gardes de sécurité par des
températures de - 40 degrés, fabriqué des
masques pour tout le monde, nettoyé les résidences
privées et publiques, travaillé dans les
épiceries, comme aides-soignants [...], dans les
champs, dans les usines de transformation de la
viande, etc., avant et pendant la pandémie. Nous
faisons continuellement face au danger pour payer
le loyer et nos dépenses. Nous payons même des
impôts ! »
Parce que les gens postulent en tant que réfugiés
pour de bonnes raisons et que personne ne devrait
être laissé pour compte, un travailleur a fait
remarquer : « Réfugiés, étudiants, ouvriers
agricoles, travailleurs sociaux, nous travaillons
tous et ne devrions pas être criminalisés. »
Commentant que plusieurs vivent au Québec depuis
plus d'une décennie, il a ajouté : « Nous
sommes négligés. Nous faisons partie de cette
société. Nous avons laissé nos familles et nos
domiciles sans personne pour prendre soin d'eux,
nous mettant ainsi nous-mêmes et eux en danger. Il
est maintenant temps de prendre soin de nous.
Cette urgence est venue à cause du virus ... nous
ne sommes pas des objets que vous jetez après
utilisation. Nous sommes des personnes, nous
méritons la dignité et le respect ... Nous sommes
tous essentiels. C'est comme un tout ! »
Une femme originaire du Cameroun a déclaré :
« Mon statut est précaire. Je suis infirmière.
Récemment, j'ai été affectée à un dépistage
médical ... J'ai fait toutes sortes de travaux
essentiels pénibles, difficiles et dangereux au
cours des quatre dernières années. » Elle a
ensuite parlé des souffrances qui accompagnent le
travail en chambre froide ou dans les champs
pendant 8 heures sans même le temps de
pouvoir se lever et s'étirer. Elle a demandé que
cessent la discrimination exercée contre ces
travailleurs et les tentatives de les diviser. «
Tous les êtres humains ont droit à l'égalité, au
respect, à la dignité, aux mêmes privilèges à
bâtir un monde meilleur. »
« Nous sommes l'épine dorsale de ce pays, de son
économie », a déclaré un autre travailleur,
précisant que l'épine dorsale doit « se voir
accorder une honnête priorité ».
Un opérateur de machine employé dans l'industrie
agroalimentaire a fait remarquer : « Ce que
nous réalisons aujourd'hui, c'est que le
gouvernement tente de diviser les travailleurs en
disant qu'une certaine catégorie de travailleurs,
celle qui fournit des soins, est plus importante
que celle qui nourrit. » Malgré le fait que
lui-même et beaucoup d'autres ont travaillé aussi
bien avant que pendant la pandémie, il a
commenté : « Quand nous arrivons ici, le
gouvernement nous donne un permis de travail,
qu'il est en mesure de renouveler année après
année, après année, après année. Il refuse de nous
donner un statut pour que nous puissions vivre
sereinement, paisiblement, librement et dans la
dignité, pour que les familles puissent être
réunies. »
« Aujourd'hui, nous vivons une forme d'esclavage
moderne, a-t-il poursuivi. C'est comme si vous
faisiez partie des machines, vous devez travailler
sans relâche. Tout le monde est
stressé ! »
Wilner Cayo, président de l'organisation Debout
pour la dignité, a déclaré : « Les trois
prochaines semaines vont être critiques. Le
gouvernement se prépare à faire une annonce sur la
régularisation. Cependant, si nous ne faisons pas
attention, cette annonce pourrait très bien
toucher seulement un petit nombre de personnes,
laissant derrière elles de nombreux autres
travailleurs essentiels qui ont risqué leur
vie. » Il a ajouté qu'il avait récemment
rencontré des travailleurs migrants employés par
Olymel, une entreprise canadienne d'emballage de
viande et de transformation des aliments. Il a
informé que ces travailleurs sont transportés dans
un autobus scolaire et conduits dans différentes
villes jusqu'aux usines et abattoirs de
l'entreprise. « Ils n'ont jamais cessé de
travailler pendant la pandémie, a-t-il fait
remarquer, bien que d'autres aient reçu des
secours. Ces personnes doivent également être
reconnues et se voir octroyer la résidence
permanente. »
Au début, a-t-il expliqué, son organisation
n'avait demandé la résidence permanente que pour
les personnes qui travaillaient dans les CHSLD
(centre d'hébergement de soins de longue durée) et
les résidences pour personnes âgées. Cependant, «
au fur et à mesure que nos relations se
développaient entre tous nos amis et les autres
organisations, nous avons compris que sans ces
gens qui travaillent dans les champs, dans
l'agroalimentaire, comme gardiens de sécurité,
ceux dans les CHSLD et les résidences pour
personnes âgées ne pourraient pas fonctionner.
Nous sommes tous essentiels. »
« Ne vous y trompez pas, a-t-il poursuivi, ils
n'auront d'autre choix que de nous écouter. Plus
nous mettrons de pression, plus ils devront nous
écouter. Ensemble, c'est possible ! »
Frantz André, du Comité d'action pour les
personnes sans statut (CAPSS), a également
encouragé chacun à intensifier sa lutte. « Combien
d'entre nous sont venus ici en quête d'une vie,
d'espoir ? Et vous le méritez, vous le payez
chaque jour lorsque vous vous aventurez et prenez
des risques. Vous et ceux qui vous ont précédés
avez enrichi la culture québécoise. Nous n'avons
plus rien à prouver », a-t-il déclaré.
Frantz a ensuite invité tout le monde à
participer au campement de Debout pour la dignité
devant le bureau de circonscription du premier
ministre Trudeau, à compter du 9 août, pour
envoyer le message au gouvernement Trudeau que son
traitement actuel des milliers et des milliers de
travailleurs migrants au Canada est en effet
criminel.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 55 - 29 août 2020
Lien de l'article:
Les travailleurs migrants prennent la parole
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