Des militants exigent des comptes du gouvernement Legault sur son « programme spécial » restrictif
Plus de 200 personnes ont répondu le
samedi 22 août à l'appel de Debout pour la
Dignité et ont manifesté à la Place de la paix,
devant les bureaux du ministère de l'Immigration,
de la Francisation et de l'intégration du Québec à
Montréal. Ils étaient là pour dire au gouvernement
Legault que son programme spécial pour les
demandeurs d'asile nouvellement annoncé était
extrêmement restrictif et inacceptable, car des
milliers et des milliers de travailleurs
essentiels sans statut qui ont risqué leur vie et
celle de leur famille en ont été exclus.
Le « programme spécial » annoncé le 14
août par les gouvernements fédéral et québécois
n'inclut que certaines professions désignées,
comme infirmières autorisées, infirmières
auxiliaires, préposés aux bénéficiaires,
aides-infirmières, aides-soignants et aides de
maintien à domicile.
Élise Dubé,
d'Extinction Rebellion, dit que : « En tant
que personne racialisée vivant au Québec, je me
retrouve une fois de plus en conflit avec les
décisions révoltantes du gouvernement du Québec.
Mais quel genre d'exemple que ça donne à nous, les
jeunes ? Qu'est-ce que ça nous enseigne comme
valeur que d'utiliser les travailleurs essentiels
qui ont fait plein de sacrifices pendant la
pandémie, comme des objets, de les considérer
comme des déchets et de les abandonner et les
priver de leur statut ? Cette mentalité
d'exclusion est inculquée dans notre société,
comme le système raciste et colonialiste
québécois. On véhicule le message que les
personnes qui ont travaillé pendant la pandémie,
aux risques de leur propre vie et celle de leur
famille, doivent maintenant vivre dans
l'incertitude quant à leur avenir. Nous les
jeunes, on ne veut pas bâtir la société de cette
manière. »
Claire Launay, de Québec c'est nous aussi, une
organisation qui lutte au Québec pour une
immigration juste et inclusive, a fait remarquer
la contradiction flagrante entre les propos du
premier ministre Legault durant la pandémie alors
qu'il remerciait tous les travailleurs essentiels
du Québec et « pourtant on essaie de remercier le
moins de travailleurs possible avec un statut au
Canada ». Elle a demandé : « Quelle
image du Québec, monsieur Legault essaie de passer
au reste du Canada ? » S'adressant
directement au premier ministre et à sa ministre
de l'Immigration, elle leur a dit : « Vous
avez la responsabilité de nous garder en sécurité,
de nous respecter et de nous reconnaître nos
droits humains ! J'ai honte de mon
gouvernement. » Claire Launay a terminé en
disant que durant la deuxième vague du
coronavirus, « ces travailleurs vont être là [...]
parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de ne pas
travailler ».
« Est-ce qu'on pense réellement que la société
peut fonctionner sans les commis d'épicerie, sans
les gens qui se lèvent à 5 heures du matin
pour aller travailler chez Olymel, sans ceux qui
s'occupent du maintien des CHSLD, sans les gens
qui font la cuisine pour nos aînés ? »,
a demandé Olivier Lachance d'Alternative
socialiste. Il a ensuite souligné le besoin de «
bâtir un rapport de force et obtenir un statut
pour tous ainsi que de bonnes conditions de
travail et de bonnes conditions de vie ».
Ève Torres, une militante pour la justice
sociale, a insisté pour dire que ce qu'exige le
mouvement pour un statut pour tous, c'est ce dont
tous les êtres humains ont besoin : vivre
dans la dignité, l'égalité et la sécurité. «
Pourquoi les immigrants doivent-ils risquer leur
vie ? » , a-t-elle demandé. Elle a encouragé tout
le monde à parler en appui à ces travailleurs
vulnérables. « Le Québec, a-t-elle conclu,
appartient à tous ceux et celles qui le bâtissent,
qui y contribuent. Nous sommes tous
essentiels ».
Guilllaume Cliche-Rivard, de l'Association
québécoise des avocats et avocates en droit de
l'immigration (AQAADI), a fait remarquer que ce
n'est pas leur première bataille contre le
gouvernement Legault. Il a rappelé la réforme du
Programme de l'expérience québécoise (PEQ) que le
gouvernement Legault a été forcé de réviser deux
fois en raison de l'opposition populaire et que
même si au bout du compte la version finale «
n'était pas parfaite », elle était beaucoup
mieux que la première version.
« Ce gouvernement écoute, a été son commentaire,
et si la pression monte, de tous les secteurs de
la société, comme on le voit aujourd'hui, il peut
y avoir des résultats, il y aura des résultats.
Alors, ne lâchez pas la bataille, ne lâchez pas la
lutte, demandez la régularisation, vous y avez
droit, vous le méritez et on sera là avec vous
tout au long de la démarche. »
Wilner Cayo, président de Debout pour la Dignité,
a décrit la lutte qui est menée comme étant une «
lutte pour la dignité, pour un véritable
changement et pour accorder la résidence
permanente à tous les travailleurs essentiels ».
Constatant que les
« anges gardiens » du Québec ont plusieurs
visages, il a déclaré : « Ce ne sont pas
seulement des préposés aux bénéficiaires, ce sont
aussi des préposés à l'entretien, des agents de
sécurité, ils sont dans les entrepôts, ils sont
chauffeurs, ils sont des livreurs. Bref, a-t-il
conclu, ce sont tous les travailleurs qui ont
répondu présents, chaque jour de la
pandémie ».
S'adressant au premier ministre, il a dit que «
le coeur de la population québécoise n'est pas
bien apprécié» et que « la société québécoise est
une société aux idéaux élevés, avec les valeurs de
justice, les valeurs de reconnaissance, d'équité,
les valeurs de dignité humaine. Votre position
concrète dans ce dossier est l'une des plus
hargneuses... vous avez finalement pondu un
programme improvisé, mesquin, injuste et imposé.
Vous avez créé une division au sein des
travailleurs essentiels qui furent partout
solidaires devant les enjeux du coronavirus ...
Votre gouvernement s'acharne à rendre invisible
cette précieuse contribution de bon nombre de
travailleurs... Votre gouvernement accouche d'un
programme dépourvu d'humanité, mal ficelé et
déconnecté de la réalité. Votre appréciation des
travailleurs essentiels au cas par cas défie toute
logique ... »
« Nos aînés peuvent-ils survivre grâce aux seuls
soins ? a-t-il demandé. Pourquoi éliminer les
travailleurs du secteur alimentaire ? Ce sont
eux qui nous ont permis de manger, prouvant ainsi
leur rôle essentiel.
« M. Legault et [la ministre de l'Immigration]
Mme Girault, comment pouvez-vous dire qu'ils
n'étaient pas en danger, a-t-il demandé, quand des
dizaines d'employés ont contracté le virus sur
leur lieu de travail pendant leur quart de
travail ? Faut-il vous rappeler que découper
et transformer de la viande n'ont rien à voir avec
le télétravail. »
Il a en outre noté que la plupart de ces
travailleurs essentiels sans statut « ont continué
dans des conditions proches de l'esclavage
moderne, ce qui, selon lui, est la raison pour
laquelle de nombreux Québécois nés ici ne sont pas
prêts à accepter de faire ce que ces personnes
consentent à faire pour leurs familles. Cependant,
ils le font aussi pour leur famille élargie du
Québec. »
Wilner Cayo a
également souligné « les profondes souffrances et
la déception toujours croissantes de ces
travailleurs », face à l'indifférence du
gouvernement. Ces travailleurs, a-t-il dit,
continuent d'être traités comme des « citoyens de
second ordre, malgré leur énorme contribution. La
société, a-t-il poursuivi, se voit fragilisée à
cause de l'exploitation de ces personnes par les
agences de recrutement et de leurs mauvais
traitements aux places de travail ».
S'adressant au gouvernement, il a ajouté : «
Le traitement honteux de ces travailleurs et le
fait que leurs quartiers où ils sont entassés ont
été transformés en terrains fertiles pour la
maladie, c'est votre faute, car on ne leur a même
pas fourni des masques. »
« L'attitude de nos gouvernements, a déclaré
Wilner Cayo, qui continuent de retarder la
régularisation de ces travailleurs, ne reflète pas
les valeurs profondes de notre société. Nous
devons passer à l'action jusqu'à ce que les choses
progressent et qu'un programme satisfaisant soit
mis en place pour accorder la résidence permanente
à tous les travailleurs essentiels. »
« Pour négocier, a-t-il conclu, un rapport de
force est nécessaire. Nous devons nous unir, car
notre force réside dans notre nombre. »
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 55 - 29 août 2020
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