Contexte de l'Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis

L'Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis force les demandeurs d'asile qui fuient la répression et la persécution aux États-Unis à entrer au Canada de façon irrégulière pour réclamer un statut de réfugié. Toutes les lois de l'immigration et du travail du Canada sont organisées pour favoriser l'exploitation de ces demandeurs et des autres migrants vulnérables, de même que le trafic d'êtres humains, au nom de la sécurité nationale.

L'origine de l'Entente sur les tiers pays sûrs

En décembre 2001, deux mois après les attentats du 11 septembre, le gouvernement libéral de Jean Chrétien a signé la Déclaration sur la frontière intelligente et le plan d'action en 30 points avec les États-Unis visant à « améliorer la sécurité de notre frontière commune, tout en facilitant le passage légitime des gens et des biens ».

Le plan d'action comprend quatre piliers : le passage sécuritaire des gens, le passage sécuritaire des biens, une infrastructure sécuritaire et le partage de l'information et la coordination de la mise en oeuvre de ces objectifs.

Un rapport au Comité sénatorial permanent des Affaires étrangères du Canada intitulé « Rapport d'étape sur le plan d'action pour une frontière intelligente », daté du 6 décembre 2002 - le lendemain de la signature de l'Entente Canada-États-Unis sur les tiers pays sûrs - comprend une explication de la situation à laquelle sont confrontés les demandeurs d'asile :

#4 Traitement des réfugiés et des demandeurs d'asile

« Le Canada et les États-Unis ont bien avancé un protocole d'entente qui devrait rendre plus efficace l'échange de renseignements sur les dossiers relatifs à l'immigration. Les deux pays s'apprêtent à conclure un accord en vertu duquel ils échangeront systématiquement des renseignements sur les demandeurs d'asile, ce qui les aidera à repérer les personnes qui risquent de représenter une menace à la sécurité ou une menace criminelle, et à démasquer les gens qui font du ‘magasinage de tribunal' dans chaque pays. L'échange de renseignements s'effectuera en conformité avec le droit relatif au respect de la vie privée des deux pays. »

#5 Gestion des demandes d'asile et de statut de réfugié

« Une entente sur les tiers pays sûrs permet au Canada et aux États-Unis de gérer le flux de personnes cherchant à accéder à leurs systèmes respectifs d'octroi d'asile. Cette entente vise les demandes d'asile qui sont faites aux postes frontaliers terrestres.

« L'entente lie au principe de réunion des familles les décisions relatives à l'exemption, pour un demandeur d'asile/du statut de réfugié, de l'obligation de présenter une demande dans le premier pays où il est entré. L'entente précise également que les personnes qui soumettent une demande dans l'un ou l'autre pays ne seront pas renvoyées dans un autre pays jusqu'à ce qu'on ait statué sur leur revendication.

« Les deux pays mettront la dernière main au cadre de réglementation et les procédures opérationnelles qu'exigera la mise en application de l'entente. »

L'entrée en vigueur de l'Entente sur les tiers pays sûrs

L'Entente sur les tiers pays sûrs, signée par le Canada et les États-Unis le 5 décembre 2002, est entrée en vigueur en décembre 2004. Le Canada et les États-Unis y déclarent chacun que l'autre pays est sûr pour les réfugiés et ils ferment la porte à la plupart des demandeurs d'asile à la frontière canado-américaine. C'est précisément cette entente qui force les demandeurs d'asile à entrer au Canada par des passages frontaliers irréguliers pour faire leur demande, parce que la vaste majorité d'entre eux se voient refuser l'entrée à la frontière officielle entre le Canada et les États-Unis. La plupart des demandeurs de statut de réfugié entrent au Canada à partir de l'État de New York, par le chemin Roxham à Hemmingford au Québec, une petite ville de l'Estrie.

Les décrets présidentiels de Donald Trump

Le 25 janvier 2017, le président des États-Unis, Donald Trump, a émis deux décrets présidentiels, un qui concerne l'immigration et la sécurité et la détention à la frontière, et l'autre qui retire le financement fédéral aux villes sanctuaires. Les villes et comtés sanctuaires sont ceux qui refusent de coopérer avec le gouvernement fédéral dans la mise en oeuvre des lois fédérales de l'immigration, en particulier les requêtes de détention des immigrants « sans-papiers ». Le 27 janvier 2017, un autre décret présidentiel a été émis qui interdisait l'entrée de tout non-citoyen ayant un passeport de l'Iran, de l'Irak, de la Libye, de la Syrie, de la Somalie, du Soudan ou du Yémen et qui suspendait l'entrée des réfugiés aux États-Unis. Les trois décrets ont servi aux attaques contre les droits des immigrants et à la conception et aux responsabilités liés à la citoyenneté. Ils ont également servi à l'intensification des conflits entre les autorités fédérales et celles des États, lesquelles ont toutes leurs forces de police armées, et à la violation des relations de nation à nation et des principes reconnus sur lesquels repose le droit international.

Nomination de Bill Blair au poste de ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé

Le 28 juillet 2018, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la nomination de l'ancien chef de la police de Toronto Bill Blair au nouveau poste de ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé. Par ce tour de passe-passe, le gouvernement Trudeau a trouvé une façon de lier les migrants vulnérables à la sécurité frontalière et au crime organisé. En faisant du passage irrégulier des demandeurs d'asile par le chemin Roxham au Québec et partout ailleurs au Canada une question de loi et d'ordre, Trudeau a transformé la demande d'asile en une catégorie appartenant au crime au nom du traitement équitable et de la primauté du droit, ce qui est inadmissible. La lettre de mandat de Justin Trudeau au ministre comprend ce qui suit : « À titre de ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé, vos objectifs consisteront à assurer la sécurité de nos frontières et à diriger les efforts pangouvernementaux visant à réduire le crime organisé. Vous veillerez à ce que la gestion de nos frontières favorise les déplacements et le commerce légitimes, en plus d'assurer la sécurité des Canadiens et d'offrir à tous un traitement équitable et conforme à nos lois. Vous jouerez un rôle important dans la coordination des efforts visant à réduire la violence liée aux armes à feu, et vous dirigerez le processus de légalisation et de réglementation stricte du cannabis. Vous serez également le ministre responsable de la stratégie adoptée pour gérer la migration irrégulière. »[1]

Nomination de Marco Mendicino au poste de ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté

Le 20 novembre 2019, le premier ministre Justin Trudeau a nommé Marco Mendicino ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Un des rôles du nouveau ministre de l'immigration, tel que stipulé dans la lettre du mandat du premier ministre, est d' « appuyer le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile dans le dossier de la migration irrégulière, notamment la nouvelle Stratégie en matière de protection frontalière, et dans la poursuite des travaux avec les États-Unis visant à moderniser l'Entente sur les tiers pays sûrs ».[2]

Notes

1. En tant que chef de la police de Toronto en 2010, Bill Blair était en charge de l'activité policière au Sommet du G20 à Toronto en 2010, travaillant de façon étroite avec le premier ministre de l'époque, Stephen Harper, et avec la GRC qui coordonnait la sécurité avec le département de la Sécurité intérieure des États-Unis et les services du renseignement des États-Unis. Le personnel de sécurité sur le terrain comprenait 21 000 personnes.

La police a utilisé la terreur contre les manifestants et de nombreux policiers de Toronto ont retiré leur insigne pour qu'on ne puisse pas les identifier. Plus de 1 140 personnes, dont de nombreux passants, ont été arrêtés. La police à cheval et plusieurs policiers à pied ont foncé sur les manifestants avec des bâtons et en ont blessé un très grand nombre. Des centaines de personnes ont été prises dans des opérations de « kettling » (souricière) et maintenus pendant des heures et souvent sans motif à la pluie battante dans une tentative de réprimer l'affirmation par le peuple de ses droits.

2. Marco Mendicino est un ancien procureur fédéral qui a été co-procureur dans l'affaire de ceux qu'on a appelés les « Toronto Eighteen » (les 18 de Toronto), où un groupe de jeunes de minorité nationale ont été piégés par l'État canadien qui a utilisé deux taupes du SCRS grassement payées pour leur travail. À la fin, les accusations contre sept des dix-huit jeunes ont été abandonnées parce qu'il n'y avait aucune preuve contre eux. Ils n'ont pas été indemnisés pour ce mauvais traitement. Ils n'ont reçu aucune excuse de la part de la police ou du gouvernement et seront toujours marqués du sceau d'être de « présumés terroristes ». Les autres jeunes ont « avoué », sous le chantage, être impliqués dans une activité terroriste. On leur a dit qu'ils serviraient une longue peine d'emprisonnement s'ils persistaient à nier.

(Sources : LML, Global News, Archives du département d'État américain, Bureau du premier ministre)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 51 - 8 aout 2020

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