La réponse inacceptable du gouvernement du Canada à la tragédie au Liban


Les Québécois se joignent aux Libanais dans une vigile devant le consulat du Liban à
Montréal le 6 août 2020.

Le Canada rend son aide au Liban au milieu de cette grande tragédie conditionnelle à l'engagement du gouvernement libanais à mette en uvre toutes sortes de réformes exigées par les institutions financières impérialistes. Il blâme le gouvernement libanais pour le sort du pays dont les impérialistes américains, les sionistes israéliens, la France, ancienne puissance coloniale au Liban, et d'autres sont entièrement responsables. Les conditions qui existent au Liban aujourd'hui et les nombreuses tragédies que le peuple libanais a subies dans le passé et dont il souffre aujourd'hui sont leur oeuvre. Au lieu d'assumer leurs responsabilités et de placer le bien-être du peuple libanais au centre de leurs décisions sur l'aide à apporter au Liban, ces gouvernements blâment le peuple libanais pour la lutte entre factions qui se mène au sein du gouvernement, laquelle a son origine dans le modèle que les impérialistes français eux-mêmes ont imposé au Liban, et ils demandent un changement de régime pendant qu'ils acheminent l'aide par le biais de leurs propres agences afin de saper encore plus l'unité du peuple dans l'action pour surmonter la tragédie qui vient de le frapper. L'expérience montre que cela ne fera qu'enrichir ces soi-disant agences humanitaires pendant que le peuple libanais demeure abandoné à son sort.

Le 4 août, deux jours après l'explosion qui a dévasté Beyrouth, le président français Emmanuel Macron a visité la ville sans que sa visite soit sous les auspices du gouvernement libanais, selon les médias. Il a visité le site de l'explosion et certains des quartiers les plus dévastés de la capitale. Macron a tenu à dire qu'il n'était pas venu au Liban pour appuyer les dirigeants libanais et qu'il s'assurerait que toute aide fournie par la France ira directement au peuple. Il a réitéré qu'aucune aide financière ne sera donnée au gouvernement pour contribuer à alléger la grave crise financière, à moins que des réformes substantielles ne soient mises en oeuvre. Visitant un quartier sinistré, le président Macron a dit qu'il était venu demander aux dirigeants politiques de « changer le système, d'arrêter la division et de lutter contre la corruption ». Après avoir rencontré les dirigeants politiques au palais présidentiel, Macron a dit qu'il faut « créer un nouveau pacte politique au Liban » et a réclamé une refonte complète du système et des réformes urgentes dans tous les secteurs.

En ce qui concerne le gouvernement canadien, la position qu'il a prise est méprisable. Lors de sa conférence de presse du 6 août, la ministre du Développement international, Karina Gould, a d'abord versé des larmes de crocodile sur le sort des victimes de l'explosion et leurs familles. « Soyez assurés que le gouvernement du Canada l'est lui aussi [inquiet] et que nous travaillons jour et nuit pour fournir de l'aide et appuyer nos amis au Liban », a-t-elle dit.

Puis elle a fait un discours sur les vertus de l'économie néolibérale et blâmé le peuple et le gouvernement du Liban pour la quasi-faillite du pays, au lieu de blâmer les institutions financières internationales et leurs prêts onéreux et leurs demandes de réformes néolibérales qui saccagent les pays qui en sont victimes.

C'est une logique hitlérienne qui doit être condamnée. Elle a recours à cette logique hitlérienne pour justifier la décision du Canada de fournir son aide humanitaire à de soi-disant « agences humanitaires de confiance ».

Ceci se produit en plein scandale UNIS qui illustre très bien quelle sorte d'« agences humanitaires de confiance » le gouvernement canadien finance et appuie.

La ministre Gould a poursuivi sa diatribe :

« Nous sommes très préoccupés par la situation économique au Liban et, bien sûr, le défaut de paiements sur la dette [1,2 milliards de dollars de dettes en euro-obligations] nous inquiète beaucoup et nous avons pu voir les grandes répercussions que cela a eu parmi les Libanais. Le Canada est toujours prêt à tenir des conversations, que cela soit avec le G7 ou une banque de développement multilatéral, pour voir ce que nous pouvons faire pour aider le Liban. Cependant, nous sommes convaincus de la nécessité de profondes réformes politiques et économiques dans ce pays pour faire en sorte que cette aide soit la plus efficace possible. Nous tenons de telles discussions en ce moment et il est certain que les événements [du 4 août] ont mis en lumière l'urgence de garantir que la situation fiscale du Liban s'améliore de beaucoup. De telles discussions se tiennent en ce moment et je tiens à dire que nous sommes très préoccupés par la situation économique actuelle et l'impact qu'elle a sur le peuple libanais.

« [...] Et notre position est très ferme à ce sujet. C'est là une des raisons pour lesquelles nous continuons à fournir notre aide par le biais de partenaires humanitaires de confiance qui sont actifs sur le terrain tout en reconnaissant que ce désastre particulier a exacerbé ce qui était déjà une situation financière très précaire en ce qui concerne le Liban. »

Ceci est une ingérence grossière, pour des motifs intéressés, dans les affaires internes du peuple libanais. C'est aussi une diversion pour détourner l'attention des dangers réels qui sont posés à la sécurité de tous, avec des substances dangereuses, ici même au Canada, des dangers qui sont directement la responsabilité du gouvernement canadien. Il y a sept ans, les peuples du monde ont observé avec horreur la tragédie de Lac-Mégantic au Québec, lorsqu'un convoi de trains de fret, comprenant 72 wagons-citernes remplis de pétrole brut, a déraillé au centre-ville, répandu son contenu et causé une série d'incendies et d'explosions aux proportions catastrophiques. Quarante sept personnes ont perdu la vie, de nombreuses autres ont été blessées et le centre-ville de Lac-Mégantic a été détruit.

Il a été amplement démontré que des décennies de déréglementation de l'industrie ferroviaire par les différents gouvernements canadiens ont préparé les conditions pour cette tragédie et d'autres déraillements, incendies et explosions majeurs. Si plusieurs de ces désastres n'ont pas causé de pertes de vies humaines, c'est uniquement parce qu'ils se sont produits loin des endroits habités.

Encore aujourd'hui, des trains transportant de l'acide sulfurique et du gaz propane, qui sont des matériaux encore plus dangereux que le pétrole brut, continuent d'être stationnés sans personne à bord et sans une disposition de freins adéquate, au même endroit, sur la même pente, d'où le train est parti à la dérive et a amorcé sa descente vers l'horreur à Lac-Mégantic dans la nuit du 6 juillet 2013. Et une situation semblable existe à l'échelle du pays.

Quelle leçon le gouvernement canadien peut-il donner au peuple et au gouvernement du Liban ? La société canadienne fait face à de nombreux problèmes qui doivent être résolus. Le gouvernement canadien doit arrêter de s'ingérer dans les affaires intérieures des autres peuples et de faire partie d'institutions supranationales asservissantes qui privent le peuple libanais de son pouvoir décisionnel souverain sur ses propres affaires. Les Canadiens doivent dénoncer avec la plus grande fermeté la position inacceptable du gouvernement canadien.

(Photo : LML)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 51 - 8 aout 2020

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