Ça peut être fait de façon sécuritaire! Ça doit être fait de façon sécuritaire!
- Laura Chesnik et Enver
Villamizar, animateurs
du balado « L'éducation est un droit » -
En ce moment, les résidents de pays
comme le Canada et les États-Unis subissent la pression de
prendre parti pour ou contre la réouverture des
écoles, la présence des
élèves en personne ou en ligne, à
temps plein ou à temps partiel en classe. Cela est
présenté comme un débat entre les
risques que les gens sont prêts à prendre avec
leurs enfants et les enfants des autres et les coûts en fait
de bien-être mental et physique des enfants s'ils ne sont pas
présents à l'école.
Derrière cela, on trouve l'argument selon lequel pour
maintenir les profits de différentes industries, les
écoles doivent être rouvertes afin que les parents
puissent être libérés pour travailler.
Il existe une sérieuse déconnexion entre les
problèmes de santé publique qui touchent tout le
monde et la direction de l'économie qui est socialement
intégrée, mais contrôlée par
le privé. C'est ce qui est à l'origine de la
polarisation de la discussion sur la réouverture des
écoles.
Cela devient un débat très
tendu et personnel où ceux qui n'ont d'autre choix que
d'envoyer leurs enfants à l'école pour travailler
sont mis en opposition à ceux qui ont le choix ou qui ne
peuvent pas risquer d'envoyer leurs enfants à
l'école en raison de conditions de santé
préexistantes qui les affectent, eux ou leurs enfants. Ce
n'est cependant pas ainsi que le problème se pose, comme si
c'était une question d'analyser les risques ou
d'équilibrer les risques et les avantages, ce
qu'on entend souvent.
L'éducation publique et la
participation de la population pour atteindre l'objectif de vaincre la
pandémie sont des éléments essentiels
pour arrêter la propagation du virus et la
maîtriser jusqu'à ce qu'un vaccin ou des
régimes de traitement de masse soient en place. À
cet égard, l'ouverture d'écoles à
plein temps peut être un ingrédient pour
arrêter le virus et pas seulement un «
risque » qu'il faut contrebalancer par rapport
à un autre « risque ».
Cependant, cela peut également contribuer à
propager le virus plus intensément et plus rapidement, selon
les circonstances. Un enjeu important est la
nécessité de maîtriser la transmission
communautaire avant la réouverture des écoles.
Le Dr Michael Ryan, directeur
général du Programme de gestion des situations
d'urgence sanitaire de l'Organisation mondiale de la santé,
a déclaré à cet égard lors
du point de presse du 13 juillet : « Si
nous supprimons le virus dans notre société, dans
nos communautés, nos écoles peuvent ouvrir en
toute sécurité. Il n'en demeure pas moins que
lorsque la transmission communautaire existe et que la transmission
communautaire est intense, les enfants seront exposés
à ce virus et les enfants feront partie du cycle de
transmission. Ils seront exposés, certains seront
infectés et ils en infecteront d'autres[1].
»
Si la propagation communautaire est
contrôlée, l'ouverture d'écoles peut
contribuer à la maintenir sous contrôle et
à éduquer les élèves sur
comment et où le virus se propage. En revanche, si elle n'a
pas été maîtrisée,
l'ouverture des écoles contribuera inévitablement
à accélérer la transmission
communautaire.
Dans certaines provinces où des plans
de réouverture ont été
annoncés, on s'inquiète beaucoup de la
manière non sécuritaire avec laquelle les
gouvernements proposent de rouvrir les écoles, en
particulier dans les endroits où la pandémie
n'est pas sous contrôle et où le nombre de
nouveaux cas continue d'augmenter.
Des réponses telles qu' « il
n'y a pas d'approche totalement sans risque » et
qu'il y a des conséquences négatives à
garder les enfants à la maison, bien que vraies, ne sont pas
des réponses suffisantes et sont utilisées pour
essayer de réduire au silence ceux qui soulèvent
des préoccupations sérieuses auxquelles il faut
répondre. Les parents sont placés dans une
position où ils doivent faire un choix individuel entre le
risque sérieux d'envoyer des enfants dans une salle de
classe de 30 élèves sans distanciation
physique, comme c'est le cas en Alberta et maintenant aussi en Ontario,
et les dommages causés lorsque les enfants manquent
d'apprentissage et de socialisation avec d'autres
élèves. Beaucoup craignent que cette approche ait
des conséquences à long terme sur le
système d'éducation, à mesure que les
parents quittent le réseau d'éducation publique
et choisissent des programmes alternatifs.
L'éducation en tant que droit
L'éducation est un droit et les
gouvernements ont le devoir de garantir ce droit dans toutes les
conditions et en toutes les circonstances. Cela signifie
élaborer une approche qui répondra aux besoins de
tous les élèves et de leur famille et qui
harmonise les différents intérêts
individuels avec ceux de l'intérêt collectif. Cela
comprend la prise en compte des familles qui n'ont pas d'autre
alternative que d'envoyer leurs enfants à l'école
cinq jours par semaine ainsi que des familles dont les membres d'un
même ménage courent un risque plus
élevé de conséquences graves s'ils
deviennent infectés par la COVID-19.
Donner la
priorité au droit à l'éducation et
à la lutte pour arrêter la pandémie en
tant qu'objectif réel, et non uniquement un
énoncé de politique, ouvrira des perspectives et
amènera des solutions viables. Un gouvernement ayant cela
comme priorité examinera toutes les options disponibles. Les
enseignants qualifiés qui ont quitté la
profession pourraient être encouragés à
revenir. Quels espaces alternatifs peuvent être
utilisés pour permettre des classes plus petites ?
Des espaces de bureaux inoccupés ou d'autres espaces
appropriés peuvent-ils être convertis en salles de
classe ? Quelle capacité de transport existe dans
les villes et comment peut-elle être
augmentée ? Comment les infirmières et
les autres membres du personnel de la santé publique
peuvent-ils être intégrés dans les
écoles ? Comment faire des tests de
dépistage sur une base régulière et
large ? Comment les travailleurs de l'éducation,
les élèves et les parents peuvent-ils
être habilités à prendre le
contrôle des décisions qui touchent leur
vie ?
Le but de cette discussion n'est pas de dire qu'il
existe une manière ou une formule unique pour y parvenir,
mais plutôt de sortir de l'impasse qui se dessine dans
laquelle les gouvernements refusent de prendre des mesures qui
élimineront réellement le virus, et nous disent
simplement à tous de vivre avec et de prendre nos propres
décisions sur la base de calculs sur les coûts
versus les avantages comme si nous étions des joueurs
astucieux de jeux de hasard. Au lieu de cela, si le but est de vaincre
réellement le virus afin de pouvoir rétablir une
stabilité, nous pouvons voir les écoles et les
êtres humains qui y convergent chaque jour comme un atout qui
peut être mis à contribution pour
résoudre ce problème de santé publique
qui confronte l'humanité.
Ça peut être fait de
façon sécuritaire ! Ça doit
être fait de façon
sécuritaire !
Le besoin de reprendre les choses du
début
pour la réouverture des écoles
Lorsque la pandémie a frappé
le Canada à la mi-mars, des écoles ont
été fermées du jour au lendemain dans
de nombreuses juridictions. Il n'y a eu ni le temps ni l'espace pour
éduquer les étudiants et le personnel sur le
virus ou les protocoles et comportements appropriés qui
contribueraient à empêcher sa propagation. Cela a
été laissé au hasard. Sans s'assurer
que la population comprend les protocoles afin de pouvoir les mettre en
oeuvre selon des circonstances différentes, il est
impossible de vraiment ralentir la propagation du virus et finalement
de le vaincre. Les pays qui ont fait en sorte que le public soit
pleinement informé sur les protocoles et sur les raisons
pour lesquelles ils étaient mis en oeuvre et qui ont ensuite
veillé à ce que la population ne soit pas
laissée à elle-même ont contenu le
virus. Le Vietnam est un bon exemple, avec trois
décès et seulement quelques centaines de cas
à ce jour sur une population de plus de 97 millions
d'habitants. Ceux qui travaillent dans la santé publique au
Vietnam ont démontré que l'adhésion de
la population à mettre en oeuvre et à suivre les
protocoles était essentielle pour contenir le virus, de
même que l'approche de l'ensemble de la
société pour arrêter sa propagation.
Au Canada, si l'objectif de la
réouverture des écoles est pris en main de
manière à contribuer à stopper le
virus et à affirmer le droit à
l'éducation, il peut jouer un rôle très
positif qui devient un catalyseur. Par exemple, l'Organisation mondiale
de la santé a souligné que les écoles
peuvent jouer un rôle clé en diffusant rapidement
des informations et des conseils à la population. Elles
peuvent également servir de plaque tournante pour les
programmes de dépistage et de vaccination. Si le but est
d'arrêter le virus, les écoles pourraient
être utilisées pour identifier le plus de cas
possible et pour organiser la mise en oeuvre des mesures de
santé publique nécessaires pour
empêcher une nouvelle propagation au sein de la population.
Cela peut sembler contraire à la logique, mais dans une
situation où tout le monde est laissé
à lui-même, faire fréquenter
l'école aux élèves, en particulier
ceux qui ne sont pas en mesure de rester à la maison, est un
moyen de s'assurer qu'ils sont pris en charge et d'apprendre comment
eux et leurs familles peuvent se protéger et
protéger les autres.
Quand et comment rouvrir ?
Dans ce cadre,
une des premières choses à laquelle on doit
s'attaquer lors de la réouverture des écoles est
de savoir quand ouvrir et comment le faire lorsque le moment sera venu.
Différentes régions du Canada et des provinces
connaissent divers degrés de transmission communautaire.
Dans le but d'arrêter le virus, le moment choisi pour
l'ouverture doit être conforme aux conditions. Dans une zone
où la transmission communautaire est relativement
élevée, il serait logique d'offrir les cours en
ligne jusqu'à ce que la transmission communautaire soit
maîtrisée avant de rouvrir physiquement les
écoles, tout cela de manière progressive, pour
s'assurer que le virus reste sous contrôle.
Parallèlement, des mesures doivent
être prises pour arrêter les éclosions
sur les lieux de travail où elles se produisent encore. Dans
une région du sud-ouest de l'Ontario, par exemple, qui a
actuellement le taux d'infection le plus élevé de
la province, la plupart des nouveaux cas continuent de se produire
parmi les travailleurs migrants employés dans les
agroentreprises. Bon nombre de ces travailleurs,
considérés par le bureau local de
santé publique à haut risque en raison de leurs
conditions de travail et de vie, vivent ensemble dans des dortoirs sur
le terrain de l'employeur. Beaucoup d'autres, par contre, vivent dans
la communauté, comme les travailleurs de la
région qui travaillent à leurs
côtés. D'autres sont logés dans des
dortoirs à côté de leur lieu de
travail. Sans maîtriser ces éclosions sur les
lieux de travail, les écoles ne peuvent pas atteindre
l'objectif d'arrêter le virus de manière efficace
et peuvent contribuer à augmenter la propagation
communautaire si elles ouvrent prématurément. Ce
qu'il faut, c'est une approche globale.
Dans les zones où la transmission
communautaire est faible ou inexistante, il y a de meilleures
possibilités de redémarrer les écoles
avec tous les élèves, mais avec des classes plus
petites et des mesures d'hygiène strictes. Cela
nécessite des investissements et la remise du pouvoir de
décision entre les mains de ceux qui sont en
première ligne afin que cela soit fait avec la pleine
participation de ceux qui ont à mettre en oeuvre les
nouveaux protocoles.
Les tests de dépistage, la recherche
des contacts et le suivi
La question suivante concerne les tests de
dépistage. Les écoles peuvent être
utilisées pour évaluer la présence du
virus dans la population en général, en
particulier parmi ceux qui sont asymptomatiques ou
présymptomatiques et pour effectuer une recherche
détaillée des contacts. La possession de ces
informations contribuera à enrichir le corpus de
connaissances sur la façon dont le virus se propage au sein
de la population afin de mieux le vaincre et de gérer les
futures pandémies. Si, au cours de la première
semaine, tous les élèves et le personnel sont
testés, puis renvoyés chez eux jusqu'à
ce que les résultats reviennent, un aperçu de la
population scolaire pourrait être établi. Toute
personne dont le test est positif peut se confiner avec sa famille, et
une rémunération entière et des
mesures de maintien de l'emploi sont fournies au personnel
touché, en plus de la livraison de nourriture et des
vérifications quotidiennes effectuées par les
autorités de la santé publique. Des tests de
dépistage répétés
pourraient alors être effectués une fois par
semaine ou sur une autre base régulière. Les
tests devraient être évalués de
manière accélérée,
éventuellement pendant les fins de semaine, pour identifier
tout nouveau cas positif.
Une fois la première série
de tests de dépistage complétés,
l'objectif principal des écoles serait d'éduquer
les élèves sur les protocoles
d'hygiène et de distanciation appropriés avec des
informations complètes sur le virus, comment il se propage
et pourquoi de telles mesures sont prises. La première
semaine d'école serait une formation à la mise en
oeuvre des mesures et mobiliserait également les
élèves dans l'élaboration de leur mise
en oeuvre dans la salle de classe et à l'école
afin qu'ils puissent être partie prenante des
décisions et s'approprier les règles.
Pendant ces périodes, le personnel
responsable de l'entretien deva effectuer une désinfection
intensive chaque soir.
Un autre aspect important est de savoir s'il faut
ou non prendre la température corporelle des
élèves dans les écoles. Dans de
nombreuses provinces, les autorités n'ont pas
indiqué que cela doit être fait. Une
étude de cas menée dans un hôpital
chinois a montré que
jusqu'à 41 % des enfants
infectés qui étaient à
l'hôpital pour la COVID-19 ont
développé une fièvre. En prenant
régulièrement la température des
étudiants et du personnel et en la documentant, des mesures
immédiates peuvent être prises si une
fièvre se développe et des données
à long terme peuvent être recueillies sur la
façon dont le virus se manifeste.
Masques et ventilation
La question d'exiger ou non des masques dans les
écoles est devenue un sujet de controverse. Le
débat ne tourne pas autour de leur utilité, mais
plutôt de savoir si les enfants peuvent les porter ou non.
Cela a beaucoup à voir avec les conditions dans une
école. Les enfants peuvent et doivent apprendre à
porter correctement un masque et les raisons de les porter. Cela les
aidera à informer également leur famille sur ces
questions. Si des investissements appropriés sont faits pour
assurer une ventilation adéquate, le port d'un masque est
très réaliste. Si les écoles ne sont
pas correctement ventilées et extrêmement chaudes
comme c'est souvent le cas, cela rendra le port d'un masque pendant de
longues périodes très difficile et
peut-être même dangereux. S'assurer que les
écoles ont une ventilation adéquate garantira que
les enfants et le personnel auront les conditions requises pour porter
des masques. Cela peut signifier s'assurer que les fenêtres
puissent être ouvertes. De nombreuses écoles plus
anciennes n'ont souvent pas de moustiquaires et l'ouverture des
fenêtres poserait un nouveau risque tel que des
guêpes ou des abeilles qui pénètrent
dans l'école et provoquent de graves réactions
allergiques chez des enfants ou membres du personnel qui sont
piqués. Des moustiquaires peuvent être
installés pour garantir l'entrée d'air
extérieur.
Des comités de santé et
sécurité au travail
habilités du pouvoir décisionnel
Chaque jour, les comités de
santé et de sécurité sur les lieux de
travail, soit ceux établis par la législation
dans des endroits comme l'Ontario, soit ceux
créés par le personnel dans des
régions où il n'y a pas de comités
mandatés sur les lieux de travail, devront se
réunir pour évaluer comment les choses se sont
déroulées et apporter des changements pour le
lendemain. Sur une base hebdomadaire, les représentants de
chaque école se réuniraient pour partager leurs
expériences et résoudre les problèmes.
Ces réunions pourraient être ouvertes à
tous. Les étudiants devraient avoir des
représentants dans les comités de
santé et de sécurité, car c'est aussi
leur santé et leur sécurité. Il peut
s'agir de représentants de conseils étudiants
là où ces conseils existent ou
d'élèves de chaque cycle qui se portent
volontaires et qui agissent pour aider à obtenir des
informations de la part de leurs pairs et pour eux.
Ces comités devraient être
habilités à superviser l'ouverture et
à être le lien entre l'école, la
commission scolaire et les autorités locales de
santé publique. Dans tout cela, les
élèves, le personnel et les parents ou gardiens
doivent être habilités à se faire
entendre dans leur école locale afin qu'ils puissent
contribuer à comment réaliser l'objectif.
En conclusion, le
point à réitérer ici est que si nous
pouvons contrôler strictement le virus là
où la transmission communautaire est faible, l'ouverture des
écoles peut contribuer à le maintenir
à un niveau bas, éduquer la population sur
l'hygiène et d'autres mesures et également
recueillir des données importantes sur comment le virus se
propage et où il se propage afin que nous puissions
contribuer au corpus de connaissances scientifiques qui peuvent nous
préparer à prévenir ou
arrêter de futures pandémies. Cependant, si les
écoles sont ouvertes sur la base d'un risque
calculé, cela n'inspirera pas la population et l'habilitera
encore moins à participer à la lutte contre la
pandémie. Quand et comment ouvrir des écoles doit
être basé sur les conditions locales et sur
l'affirmation du droit de la jeunesse à
l'éducation et du droit des travailleurs à des
conditions de travail saines et sécuritaires sur lesquelles
ils exercent un contrôle.
Note
1.
« WHO warns against using school reopenings as
‘political football' in coronavirus
debate, » Noah Higgins-Dunn, CNBC.com, 13
juillet 2020
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 49 - 1er
août 2020
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