Discussion sur la
réouverture des écoles
Les enseignants et les travailleurs de l'éducation de l'Alberta doivent s'affirmer comme décideurs
- Kevan Hunter -
Le gouvernement albertain a annoncé
ses plans pour un retour à l'école en septembre
lors d'une conférence de presse le 21 juillet. L'annonce a
été faite alors que les cas de COVID-19 sont
à la hausse de façon significative dans la
province, atteignant des taux de nouveaux cas par jour
inégalés depuis avril. En dépit de
cette tendance, il a été annoncé que
les classes « en personne » reprendront au
commencement de l'année scolaire 2020-2021, dans
des conditions qu'on qualifie de « quasi
normales » avec certaines mesures à
instituer pour contrôler la propagation de la COVID-19. Bien
que les écoles doivent prévoir des plans
d'urgence au cas où le plan changerait et qu'on
décide plutôt que les élèves
ne pourront être en classe que des demi-journées
ou devront exclusivement faire les classes en ligne, pour l'instant le
gouvernement prévoir que les écoles seront
ouvertes à tous les étudiants toute la
journée.
Les directives du
gouvernement pour le retour à l'école imposent
certaines exigences aux commissions scolaires et fait des
recommandations qui sont facultatives. Les étudiants et le
personnel doivent pratiquer le lavage des mains au savon ou au
désinfectant lorsqu'ils entrent et sortent de
l'école et lorsqu'ils entrent dans les salles de classe. Les
écoles doivent prévoir des procédures
de nettoyage intensif des surfaces à contact
fréquent. Les étudiants et le personnel doivent
évaluer eux-mêmes s'ils ont des
symptômes et, s'ils en ont, rester à la maison. Il
y a aussi des procédures pour la consommation de nourriture,
pour les étudiants qui tombent malades à
l'école, etc.[1]
Ce qui est absent de toutes ces recommandations et
exigences est la participation des enseignants et des travailleurs de
l'éducation ainsi que le financement requis pour mettre le
plan en pratique. De toute évidence, la raison pour laquelle
le gouvernement a tout simplement arrêté de
consulter l'Association des enseignantes et enseignants de l'Alberta
(AEEA) en juin est qu'il n'avait aucune intention de tenir compte des
préoccupations soulevées concernant l'application
pratique des nouvelles mesures. Prétendre que ces mesures
peuvent être mises en oeuvre sans la contribution du
personnel et sans le financement nécessaire est totalement
irresponsable et les enseignants, les parents et les
étudiants sont nombreux à s'inquiéter.
En tant que travailleurs de l'éducation qui font fonctionner
les écoles, enseignent aux enfants et entretiennent les
écoles, nous devons avoir un mot décisif dans la
planification du retour à l'école. Les annonces
arbitraires du gouvernement indiquent qu'il refuse de prioriser les
intérêts des enfants et des jeunes et de ceux et
celles qui dispensent l'éducation.
Les problèmes actuels de ratios
élèves/enseignants trop
élevés, du manque d'enseignants de soutien et
d'intervenants pour les élèves ayant des besoins
particuliers et du manque flagrant de personnel d'entretien sont
devenus encore plus criants dans le contexte de la pandémie.
Il ne peut y avoir de retour sécuritaire à
l'ancienne « normalité ». La
vie ne peut pas revenir à ce qu'elle était avant
la pandémie.
En plus, plutôt que d'établir
des normes minimales, les directives accordent une grande marge de
manoeuvre dans l'application des mesures. Par exemple, le nombre
d'élèves par banc dans les autobus scolaires doit
être restreint « lorsque
réalisable ». En d'autres mots, du moment
que les compagnies d'autobus, qui sont privées,
décident qu'il n'est pas «
réalisable » de mettre plus d'autobus sur
la route avec moins d'élèves, elles peuvent
continuer de fonctionner comme avant. Le guide dit que les chauffeurs
doivent être munis d'une protection, mais sans
préciser comment. Il suggère aux
écoles un échelonnement des heures de
début et de fin de classes ainsi qu'aux changements de
classes, mais sans plus de précisions.
Plusieurs sont
également inquiets de constater qu'il n'y a rien de
prévu en fait de distanciation physique. On recommande une
distanciation de deux mètres, mais lorsque cela n'est
« pas possible entre deux pupitres, il est
recommandé d'espacer les pupitres le plus
possible ». Ainsi, la réalité
des ratios élèves/enseignants, qui sont trop
élevés depuis plusieurs années, n'est
pas prise en compte. Dans la vaste majorité des
écoles de l'Alberta, les élèves ne
pourront pas s'asseoir à deux mètres les uns des
autres. Même si ce n'est pas la norme, certaines classes en
Alberta ne peuvent même pas accommoder le nombre de pupitres
requis pour l'ensemble des élèves, et pourtant le
premier ministre parle de « distanciation physique lorsque
possible ». Il n'y a pas de limite au nombre
d'étudiants par classe en Alberta. Lors de la
conférence de presse qui a suivi l'annonce de la
réouverture des écoles, il a
été confirmé que cela ne changera pas.
Pour expliquer la décision de retourner
à des classes « quasi
normales », le premier ministre Jason Kenney et la
ministre de l'Éducation Adriana LaGrange ont pris comme
exemple la réouverture d'écoles dans d'autres
régions du Canada et ailleurs dans le monde ainsi que
l'expérience des classes d'été en
Alberta. Mais ces exemples ne sont pas comparables. En
Colombie-Britannique, dans un endroit mentionné, les
élèves de la maternelle à la
cinquième année ont pu être
présents 50 % du temps et ceux de la
sixième à la
douzième, 20 % du temps. La participation
s'est faite sur une base volontaire et un grand nombre
d'élèves sont restés à la
maison. Au Danemark – un autre exemple
cité par le premier ministre –, les classes ont
été réduites de moitié pour
permettre la distanciation physique et les heures d'entrée
ont été échelonnées,
contrairement au plan albertain. Aussi, les cours
d'été en Alberta ce mois-ci ont
été limités à 15
élèves par classe. Lorsqu'on a demandé
à la ministre de l'Éducation ce que l'exemple de
moins de 15 élèves par classe nous dit
par rapport à un retour sécuritaire en septembre,
elle a été incapable de donner une
réponse cohérente.
Comment garantir le droit à
l'éducation dans le cadre d'une pandémie mondiale
est une question sérieuse. La fermeture des
écoles à la mi-mars a eu un impact
néfaste sur les étudiants en termes
d'apprentissage. Il y a aussi eu un déficit de socialisation
et absence du soutien normalement prévu dans les
écoles pour les étudiants les plus
vulnérables. Le rôle du système
d'éducation public dans une société
moderne n'est pas seulement de voir à l'éducation
des élèves, c'est aussi de voir au
bien-être intégral des jeunes et il permet
également aux parents d'aller travailler. Les enseignants
sont bien conscients que pour un grand nombre
d'élèves, l'apprentissage en ligne est loin
d'avoir réussi à répondre à
leurs besoins.
En
annonçant que les étudiants retourneront en
classe en septembre sans la participation active des enseignants, des
enseignants ressources, du personnel d'entretien et de conciergerie,
pour que ce retour se fasse de façon sécuritaire,
le gouvernement Kenney déclare un retour au statu quo. La
décision vient d'en haut et les écoles doivent
voir à ce que cela marche. Si elles n'y
réussissent pas, ce sera la preuve de l'échec des
institutions publiques, ce qui servira de prétexte pour
mettre une plus grande part de l'éducation publique au
contrôle d'intérêts privés.
Le gouvernement reconnaît qu'il y aura des cas de COVID-19
dans les écoles avec cette approche. La réaction
immédiate de nombreux parents est d'évaluer les
risques et les bienfaits d'envoyer leurs enfants à
l'école et de prendre des décisions
individuelles, ce qui réjouit Kenney puisque le «
choix » en éducation est une des
pièces maîtresses de l'ordre du jour du Parti
conservateur uni.
La réponse des enseignants, des
travailleurs de l'éducation, des parents et des
étudiants est d'affirmer leur appui à
l'éducation publique. L'AEEA a embauché un
infectiologue pour aider ses membres à mieux comprendre les
plus récents développements scientifiques
concernant la COVID-19 et organisé une assemblée
communautaire le 29 juillet. Dans certaines écoles,
les enseignants mettent sur pied des comités du personnel
pour examiner comment le retour au travail peut se faire de la
façon la plus sécuritaire possible. Le fait que
le gouvernement Kenney est inapte à gouverner est
évident. Il ne dépend que de nous de
bâtir une alternative ! Les enseignants, les
travailleurs de l'éducation, les étudiants et les
parents doivent tout mettre en oeuvre pour développer la
discussion dans et entre les écoles et dans les quartiers.
Ensemble, nous trouverons comment nous orienter et trouverons une voie
vers l'avant.
Note
1. Voir
Informations
sur la COVID-19 : recommandations relatives au retour à
l'apprentissage en classe - scénario 1,
Gouvernement de l'Alberta, 21 juillet 2020
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 49 - 1er
août 2020
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réouverture des écoles: Les enseignants et les travailleurs de l'éducation de l'Alberta doivent s'affirmer comme décideurs - Kevan Hunter
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