Le programme Objectif Canada
numérique
Le gouvernement fédéral favorise de puissants intérêts privés
- K.C. Adams -
Le 11 juillet, l'Agence de
développement économique du Canada pour le sud de
l'Ontario a annoncé le lancement d’un partenariat
appelé Objectif Canada numérique dont le but
serait d’«aider près de 23 000
entreprises ontariennes à passer au
numérique». Les partenaires cités
comprennent des maires et des représentants
d’associations commerciales et de chambres de commerce de
l’Ontario, un administrateur de Google et un autre de
Shopify. Dans le cadre de ce programme, l'agence
fédérale et le gouvernement de Doug Ford ont
formé un partenariat de de 58 millions de dollars avec
Shopify «Initiative pour le numérique et les rues
principales».
Le programme du gouvernement fédéral Go Digital
Canada livre les détaillants à
l’emprise de Shopify avec la promesse
s’étendre leur auditoire avec des sites Web
commerciaux. Beaucoup de ces entreprises devront payer un loyer de
commerce électronique à la fin de leur
période d'essai de trois mois. Le programme cimente le lien
existant entre Shopify et le gouvernement
fédéral. Shopify a aussi obtenu un contrat
d'Ottawa pour développer une application de
traçage de contacts en Ontario. Shopify est un
géant multinational du commerce électronique,
dont le siège social est à Ottawa. En 2019, ses
revenus s'élevaient à 1,58 milliard de dollars et
plus d'un million d'entreprises utilisaient sa plateforme dans 175 pays.
« Ottawa consolide ses liens avec
Shopify avec un nouveau programme d'aide aux petits
détaillants » était le titre
d'un récent article du Globe and Mail.
L'auteur écrit : « Le gouvernement
fédéral a établi un partenariat avec
Shopify Inc. pour aider les petits détaillants canadiens
à ouvrir des boutiques en ligne durant des
périodes d'essai de 90 jours. Les
libéraux au gouvernement approfondissent leurs liens avec la
compagnie cotée en bourse la plus profitable du
Canada. »
Par ces partenariats public-privé, les
gouvernements favorisent des intérêts
privés particuliers. La prétention de servir le
bien commun et le bien-être de tous les Canadiens s'est
envolée. La gouvernance par le système de partis
cartellisés en est venue à signifier en pratique
représentation et promotion dans le gouvernement des
intérêts privés les plus puissants et
de leurs riches propriétaires.
Pour expliquer
son partenariat avec Shopify, le gouvernement dit que la plateforme de
commerce électronique de la compagnie existe
déjà, que les détaillants peuvent
l'acheter et de s'en servir et qu'une infrastructure publique
à coût minime n'est pas possible. Il faut dire Non ! à
ce partenariat et exiger la création de plateformes
publiques de commerce électronique qui seront mises
à la disposition de tous en tant que bien commun et
ressource publique. Cette alternative est absente du discours officiel
parce que cette discussion est bannie et n'a jamais lieu. La seule
chose qui ait un sens pour les élites dirigeantes est que
les riches deviennent encore plus riches afin de pouvoir consolider
leur contrôle et leur pouvoir sur l'économie et
les affaires politiques. Tout privatiser, y compris les plateformes de
commerce électronique et l'embauche des jeunes pour les
emplois d'été, est la devise des gouvernements
des riches. Le seul différend entre les partis
cartellisés et les autres représentants des
riches porte sur quels intérêts privés
seront favorisés.
Selon le Globe and Mail :
« En coulisse, le PDG de Shopify, Tobi Lutke, offre sur une
base régulière des conseils aux membres du
gouvernement sur les questions numériques, y compris la
technologie de traçage de contacts. » En
fait, la relation ne se limite pas à « offrir des
conseils ». La directrice
générale de Shopify, Sylvia Ng, a
été nommée à la direction
du programme Objectif Canada numérique du gouvernement
fédéral. Ng fait valoir dans l'article du Globe
and Mail que Shopify et le gouvernement
fédéral « ont un
intérêt commun et partagent un engagement
à soutenir la numérisation des petites
entreprises par Shopify ». Un «
intérêt commun », c'est peu
dire, puisque Shopify a atteint des sommets en devenant du jour au
lendemain une entreprise mondiale valant plusieurs milliards de dollars
et ses propriétaires font maintenant partie des oligarques
les plus riches au Canada.
Toujours selon le Globe and Mail :
« Le registre des lobbyistes indique que Shopify se livre
à des activités de lobbyisme auprès du
gouvernement fédéral à 27
reprises depuis 2017, 22 de ces démarches
ayant eu lieu dans les six derniers mois » et des
ministres fédéraux rencontrent
régulièrement les dirigeants de la compagnie.
« Les représentants de Shopify ont
rencontré le premier ministre Justin Trudeau et [la ministre
fédérale de la Petite entreprise et de la
Promotion des exportations et du Commerce international] Mary Ng [aucun
lien de parenté avec Sylvia Ng] au début de mai,
selon les informations. Ils ont aussi eu des rencontres
séparées avec les chefs de cabinet de M. Trudeau
et [la ministre] Ng depuis le début de la
pandémie. [Le PDG de Spotify] Lutke a
présidé la Table sectorielle de
stratégies économiques en matière
d'industries numériques en 2017. [...] Shopify a
accueilli M. Trudeau, la ministre Ng et le ministre de l'Innovation
Navdeep Bains dans ses bureaux dans le cadre de divers
événements ces dernières
années et M. Trudeau est apparu aux
côtés de M. Lutke sur la scène de la
conférence annuelle Unite de la compagnie
en 2018. »
Le quotidien écrit que Ryan Nearing, un
porte-parole de la ministre Ng, lui a dit que le partenariat et le lien
du gouvernement avec Shopify « développent notre
relation avec l'industrie - en travaillant en collaboration avec le
secteur privé sur des projets qui aideront les entrepreneurs
canadiens à réussir ».
À
mesure que les intérêts privés prennent
le contrôle des gouvernements, l'intérêt
public et le bien commun sont relégués aux
oubliettes. Les intérêts privés
étroits des oligarques les plus puissants deviennent la
pierre angulaire des politiques gouvernementales. Il n'y a pas de
discussion sur une alternative dans les hauts lieux du pouvoir puisque
le système politique bloque la voie aux travailleurs et les
empêche de se représenter eux-mêmes, de
donner leurs opinions sur la direction des affaires
économiques et politiques du pays et de prendre des mesures
qui leur soient favorables.
Tout cela pointe à la
nécessité du renouveau politique. La classe
ouvrière s'organise et se bat contre cet effort des riches
et de leurs représentants politiques de tout
contrôler. Les Canadiens font entendre leur opposition
à cette prise de contrôle des gouvernements par
les riches oligarques. La bataille pour la
démocratie est en marche et doit mener à
l'abrogation de toutes ces mesures visant à servir et
à payer les riches. La bataille de la
démocratie nécessite que la classe
ouvrière s'investisse du pouvoir décisionnel par
de nouvelles formes politiques dont le but fondamental est de garantir
le bien-être et la sécurité de tous et
de toutes. La bataille est commencée avec les appels: Arrêtez
de payer les riches ! et Arrêtez de
servir leurs intérêts étroits
privés!
Le temps est venu de passer à une
alternative qui comprend l'augmentation des investissements dans les
programmes sociaux et les services publics et une entreprise publique
sous le contrôle des travailleurs. Le temps est venu de
mettre en place des institutions politiques qui interdisent aux
intérêts privés d'usurper le pouvoir et
de supplanter l'intérêt public. Cela peut se
faire ! Cela doit se faire !
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 49 - 1er
août 2020
Lien de l'article:
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