Ce que Trump essaie d'accomplir en envoyant les forces de police fédérales à Chicago déjà armées jusqu'aux dents


Chicago, 28 juin 2020

Le 22 juillet, le président Donald Trump a annoncé qu'il enverra des centaines de membres des forces fédérales du FBI et du département de la Sécurité intérieure (DHS) et du département de la Justice à Chicago. Ils sont déployés au nom de l'aide à la lutte contre le crime violent, en particulier les homicides et les fusillades. Cependant, si on se fie à ce qui se passe à Portland, ils seront vraisemblablement utilisés contre les manifestations qui se poursuivent pour exiger la fin de la brutalité policière raciste et l'inégalité raciale, et réclamer que les droits de tous soient garantis. La communauté afro-américaine de Chicago est grande et active politiquement, comme le sont les communautés mexicaines, portoricaines et immigrantes qui participent activement aux manifestations actuelles de Black Lives Matter.

Il n'est pas surprenant que les organisateurs de Black Lives Matter et d'autres soient diffamés et étiquetés comme des trafiquants de drogues et ciblés par les forces fédérales de Trump au nom de la lutte contre la drogue. Dans ce sens, le prétexte diffère de celui utilisé à Portland en Oregon, mais l'objectif du pouvoir exécutif présidentiel de contrôler les pouvoirs de police à tous les niveaux (fédéral, État, municipal) et de supprimer la résistance au nom de la loi et de l'ordre demeure le même.

Les forces fédérales comprennent le FBI, la Drug Enforcement Administration (DEA) et le Bureau américain des alcools, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF), toutes notoires pour leurs coups montés et leurs pièges pour incriminer des gens à tort, notamment les organisateurs du mouvement populaire pour l'affirmation des droits, par des accusations de trafic de drogues et de meurtre, alors qu'elles-mêmes fournissent des armes et de la drogue aux cartels.

La DEA et le FBI travaillent depuis longtemps avec le service de police de Chicago (CPD), notamment au centre de détention connu sous le nom d'Homan Square. À ce centre, des milliers de personnes, principalement des Afro-Américains ou Latino-Amméricains et des manifestants comme ceux qui manifestent contre l'OTAN, ont été illégalement interrogées et torturées, battues, privées de sommeil, privées de nourriture et d'eau pendant de longues périodes, menacées de fausses accusations et ainsi de suite, tout en se voyant refuser de communiquer avec des avocats. Homan Square a été la cible des manifestations et beaucoup prévoient que les forces fédérales seront utilisées pour la protéger.

Le Service de contrôle de l'immigration et des douanes (ICE) et une unité d'élite spéciale de l'Agence des douanes et de la protection des frontières (BORTAC) sont déjà présents à Chicago et leurs effectifs pourraient y être augmentés. La BORTAC a été déployée à Chicago en février dans le cadre de la campagne de représailles de Trump contre les villes sanctuaires qui ont donné l'ordre à la police locale de ne pas coopérer avec l'ICE pour détenir des immigrants.

La police de Chicago a un long passé de coups montés contre les organisateurs et d'assassinats purs et simples comme, par exemple, celui de Fred Hampton du parti Black Panthers. Le mouvement à Chicago s'attend maintenant à des interventions de ce genre de la part de la police fédérale et locale, ou à des accusations comme celle de participer à une émeute. On s'attend également à ce que le département de la sécurité intérieure déploie des forces additionnelles de même que de « unités de déploiement rapide de protection des communautés américaines » formées récemment et qui ont pour mandat de protéger les édifices et les propriétés fédéraux et de prévenir les « agitations sociales ».

En annonçant le déploiement, Trump a blâmé les manifestants, les accusant de violence criminelle : « Ces dernières semaines, il y a eu un mouvement radical pour démanteler et dissoudre nos services de police. Des politiciens extrémistes ont rejoint cette croisade antipolice et dénigrent sans relâche nos héros des forces de l'ordre. Les appels à mettre fin aux services de police dans leurs propres communautés ont conduit à une explosion choquante de fusillades, de meurtres et de crimes de violence odieux. »

Trump établit ainsi la justification pour criminaliser davantage les manifestants et les cibler comme responsables de la criminalité tout en essayant d'obtenir le soutien des forces de police locales.

Les représentants élus sont contournés

Un des objectifs que Trump cherche à accomplir à Chicago est le renforcement du contrôle fédéral sur le monopole du recours à la force sans heurter directement le puissant service de police de Chicago (CPD). C'est la raison pour laquelle des négociations ont lieu et que des promesses sont faites de s'attaquer au crime et non aux manifestants. Ces forces sont censées porter les uniformes réguliers du FBI, de l'ICE et de la DEA, mais elles agissent à couvert lorsqu'il s'agit de la lutte contre la drogue et elles pourraient déployer secrètement des agents dans les communautés. Cela fait longtemps que le FBI infiltre les organisations dans les mouvements et il intensifiera vraisemblablement ses efforts dans ce sens. De plus, une fois ces agents déployés, il n'est pas certain que la « coordination » promise se réalisera.

Il est possible aussi que si les politiciens locaux s'opposent aux actions des forces fédérales, les forces policières, elles, ne s'y opposent pas. Des relations directes sont en train d'être établies entre les agences de police fédérales et locales, contournant les représentants élus, comme à Homan Square. Cela renforce le contrôle fédéral sur le monopole du recours à la force qui est un objectif principal du pouvoir exécutif présidentiel en ce moment.

« Si les agents fédéraux sont déployés, il est essentiel qu'ils coordonnent leur action avec le service de police de Chicago et travaillent avec nous pour combattre le crime violent à Chicago », a déclaré la porte-parole de la police de Chicago, Kellie Bartoli. Aucune mention n'a été faite d'une coordination avec les élus.

Le chef du syndicat de la police a écrit à Trump pour lui demander l'envoi des forces fédérales. Reprenant à son compte les attaques de Trump contre les maires des villes, il a dit : « Je suis certain que vous êtes au courant du chaos continuel qui règne présentement dans notre ville. J'écris pour vous demander formellement de l'aide du gouvernement fédéral. La mairesse Lightfoot a lamentablement échoué dans ses fonctions et elle n'a ni la volonté ni la capacité de maintenir la loi et l'ordre ici. »

Les élus ont exprimé leurs doutes sur le rôle des forces fédérales. Si la mairesse Lori Lighfoot et le gouverneur J.B. Pritzker se sont dit d'accord avec le déploiement, ils l'ont d'abord rejeté et continuent d'exprimer des réservations.

« Notre démocratie est en jeu, et il n'est pas question que je laisse quiconque  même s'il porte le nom de président  amener ce type de troupes dans notre ville et essayer de s'en prendre à nos résidents, a dit la mairesse Lightfoot dans un premier temps. Cela n'arrivera pas à Chicago. Et je vais utiliser tout ce que j'ai à ma disposition pour les arrêter. »

Le 20 juillet, la mairesse Lightfoot a aussi signé une lettre des maires de plusieurs villes des États-Unis contre le déploiement de forces fédérales dans leur ville. Cependant, le même jour, dans une lettre à Trump, elle a accepté le déploiement sur la base de lutter contre le crime et la « drogue ». « Ce dont nous n'avons pas besoin et qui va certainement rendre notre ville moins sécuritaire, ce sont des agents fédéraux agissant en secret à Chicago. Toute autre forme d'aide militarisée sur notre territoire qui ne serait pas sous notre contrôle ou sous le commandement direct du service de police de Chicago serait désastreuse. »

L'expérience actuelle démontre que ce sont les forces fédérales et non le service de police de Chicago qui prendront le contrôle, dressant deux forces lourdement armées l'une contre l'autre et contre le peuple.

Le gouverneur Pritzker s'est lui opposé aux forces fédérales au début. Il a dit : « Nous allons faire tout ce que nous pouvons pour qu'elles ne soient pas déployées. Et si elles le sont, nous allons faire tout ce que nous pouvons d'un point de vue juridique pour qu'elles s'en aillent. » Puis, après avoir parlé avec le FBI, il a dit : « Je suis heureux de recevoir les ressources légitimes du gouvernement fédéral qui permettent de réduire la violence et aident nos résidents à demeurer en sécurité. » Parlant de la tactique d'enlèvement « snatch and grab » de la sécurité intérieure, il a ajouté : « Je parle de cette autre chose qui se produit lorsque des gens portent des vêtements de camouflage, sans identification, affirmant protéger les édifices fédéraux alors qu'ils sont à plusieurs rues des édifices et poussent des gens dans des camionnettes et les arrêtent sans leur dire pourquoi et les gardent pendant des heures avant de les relâcher. C'est quelque chose d'inacceptable dans l'État de l'Illinois. »

Selon des reportages, la mairesse et le gouverneur auraient accepté le déploiement des forces fédérales parce que, entre autres choses, le procureur américain pour le District Nord de l'Illinois, John Lausch, est « dans le coup » en ce qui concerne le déploiement et « aide à gérer les forces additionnelles ». Lausch fait partie des forces fédérales et travaille à en assurer le contrôle et il s'est engagé à travailler dans un esprit de « collaboration ». Les communautés afro-américaines, portoricaines, mexicaines-américaines et asiatiques et les Autochtones savent très bien que cette « collaboration » signifie en fait le diktat brutal, les manoeuvres illicites et l'utilisation de la force. Les peuples d'Irak, d'Afghanistan et d'autres pays savent très bien ce que signifie cette « collaboration ».

Le déploiement des forces fédérales à Chicago, comme à Portland et dans les autres villes plus grandes que Trump a dans sa mire, est principalement un moyen d'exercer un contrôle fédéral sur les forces de police et de réprimer la résistance, ce qui est un test pour déterminer si le président est capable de préserver l'union qui est minée par la rivalité d'intérêts privés étroits et par des divisions de toutes sortes. Depuis les attentats du 11 septembre, toutes les nouvelles agences fédérales ont été créées avec l'objectif d'assurer la domination d'intérêts privés étroits aux États-Unis et dans le monde. L'affrontement entre différents niveaux d'autorité a provoqué une résistance et une opposition déterminées au niveau local et de l'État et au sein des agences de police et de la bureaucratie militaire. Plusieurs invoquent la Constitution et la division des pouvoirs bien que les développements démontrent que ces arrangements ne leur permettent plus de contenir ou de gérer les différends dans les rangs de ceux qui gouvernent et entre ces derniers et le peuple.


Chicago, 11 juillet 2020

Quelles forces seront loyales au bureau du président et lesquelles ne le seront pas ? Trump réussira-t-il à demeurer président en disant que la loi et l'ordre résouddront la crise au pays ou la classe dirigeante décidera-t-elle qu'elle peut mieux atteindre ses objectifs en trouvant un meilleur champion qui puisse unir les bureaucraties civiles, industrielles et militaires ? Les élections vont-elles se dérouler sans violence au pays et sans une guerre à l'étranger ? Telles sont les préoccupations que beaucoup partagent en ce moment et auxquelles seul le mouvement du peuple pour l'affirmation de ses droits peut répondre d'une façon qui le favorise et qui écarte les dangers de la situation actuelle.

Le mouvement ouvrier et populaire aux États-Unis a une riche expérience. Il sait que l'enjeu n'est pas de savoir si les forces fédérales peuvent agir en secret ou doivent porter l'uniforme en ce qui concerne leur déploiement dans les villes et les communautés. Les travailleurs et le peuple savent que les forces policières des États sont militarisées et que ce n'est ni mieux ou préférable que ce soient elles qui soient déployées. La lutte au sein des cercles dirigeants pour le contrôle du monopole de l'usage de la force porte sur où réside le pouvoir décisionnel. Son enjeu est de déterminer si le bureau présidentiel peut contrôler les autorités locales et des États ou si les autorités locales et des États vont défier cette centralisation, tout cela en faveur d'intérêts privés étroits rivaux.

Au nom d'éviter la guerre civile et de préserver l'union, une guerre civile de facto se mène sur plusieurs fronts et de mille et une façons. Malgré leur rivalité, les autorités étatiques et fédérales sont d'un commun accord pour attaquer le mouvement de résistance du peuple et le faire disparaître. Loin de prendre parti pour l'un ou l'autre côté dans cette guerre civile, le peuple prend parti pour lui-même.

Les développements qui se produisent aux États-Unis nous enseignent avant toute autre chose que nous avons besoin d'une démocratie moderne centrée sur le peuple qui s'oppose au recours à la force pour résoudre les problèmes en activant le facteur humain/conscience sociale et en unissant le peuple sans relâche, courageusement et héroïquement, comme dans le mouvement actuel, comme le font les membres des communautés, en parlant en leur propre nom, en faveur de leurs intérêts et des droits de tous.

La résistance croissante a démontré clairement que le peuple américain n'accepte pas d'être réprimé par les forces de police, qu'elles soient locales ou fédérales, et qu'il n'accepte pas les attaques brutales qui sont perpétrées par les deux niveaux. La sécurité et la santé résident dans la défense des droits, dans la lutte pour le droit humain au logement, à la santé et à un emploi et dans une démocratie qui est bâtie par le peuple. C'est ce mouvement qui investit le peuple du pouvoir et déjoue la mainmise des oppresseurs, leur pouvoir et leur brutalité, leur violence meurtrière, leurs institutions et leur impunité.

Une organisation de Chicago a dit que Trump « devrait financer les services de santé et soutenir les programmes d'aide à la population. Il devrait financer l'éducation publique pour que les écoles puissent rouvrir en sécurité. Nous savons ce qui fonctionne et la dernière chose dont nous avons besoin, ce sont des agents fédéraux qui harcèlent les résidents et violent leurs droits. »

« L'intensification du niveau de surveillance et la militarisation de nos communautés n'augmentent pas notre sécurité, qu'elles soient le fait des agents fédéraux ou du service de police de Chicago, écrit une autre organisation. Le retrait du financement de la police, l'investissement dans l'éducation, les emplois et la santé mentale, voilà ce qui va augmenter notre sécurité. »

La sécurité est dans la lutte pour les droits de tous et toutes. Tel est le principe qui guide les actions du peuple dans tout le pays.

(Voice of Revolution est une publication de l'Organisation marxiste-léniniste des États-Unis. Photos: Solidarity Ervin, Stop Chicago. Traduction : LML)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 48 - 27 juillet 2020

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