Le conseil municipal d'Asheville en Caroline du Nord vote en faveur de réparations


La demande de réparations peinte sur une rue de Richmond en Virginie en juin 2020

Le 14 juillet, le conseil municipal d'Asheville en Caroline du Nord a adopté une résolution présentant des excuses pour le rôle historique de la ville dans l'esclavage et la discrimination et la violation des droits des Afro-Américains dans la période suivant la fin de l'esclavage, de 1863 jusqu'à aujourd'hui[1]. Il a aussi demandé des réparations sous forme d'investissements dans les quartiers où les résidents noirs font face à des inégalités (voir la résolution intégrale ci-dessous).

« Les centaines d'années au cours desquelles le sang des Noirs a été versé remplissent la coupe où nous trempons les lèvres aujourd'hui », a dit le conseiller Keith Young, un Afro-Américain et le principal proposeur de la mesure, qui a fait valoir que de déboulonner des statues ne suffisait pas.
La résolution du conseil municipal d'Asheville arrive alors que les revendications ne cessent de se faire entendre partout aux États-Unis pour la fin de l'injustice raciale, y compris à Asheville même où des milliers de personnes ont manifesté, appelant à verser aux programmes sociaux les sommes destinées à la police.

L'indemnisation pour l'esclavage est une revendication de longue date partout aux États-Unis et elle a été revigorée par les manifestations nationales à la suite de la mort de George Floyd aux mains de la police.

Résolution en appui à des réparations communautaires
pour les Noirs d'Asheville

Attendu que les Noirs ont été injustement réduits à l'esclavage ;

Attendu que les Noirs ont été injustement ségrégés ;

Attendu que les Noirs ont été injustement incarcérés ;

Attendu que les Noirs se sont fait refuser un logement par des pratiques racistes dans le marché privé de l'immobilier, y compris la discrimination économique, le refus d'accès à certains quartiers sur une base discriminatoire, les pressions à vendre au rabais sur la base de la venue possible de voisins « non désirables », le refus d'accorder une hypothèque, la gentrification ;

Attendu que les Noirs se sont fait refuser des logements, ont été déplacés et mal logés en raison de politiques de logement gouvernementales telles les pratiques discriminatoires de l'administration fédérale du logement et des Anciens combattants, du renouveau urbain et d'une panoplie de programmes locaux et fédéraux de logements « abordables » ;

Attendu que les Noirs ont été systématiquement et grandement appauvris en raison de salaires discriminatoires dans tous les secteurs de l'économie locale sans égard à leurs compétences ni à leur expérience ;

Attendu que les Noirs vivent des taux de chômage disproportionnés et ont moins de possibilités de pleinement participer au marché local du travail ;

Attendu que les Noirs ont été systématiquement exclus du développement économique privé passé et actuel et des investissements communautaires et que, par conséquent, les entreprises appartenant aux Noirs n'ont pas bénéficié de ces investissements ;

Attendu que les Noirs ont été ségrégés de l'éducation régulière et des programmes scolaires actuels tels les programmes de cours de base, de placement avancé et spécialisé, et de diplômés ;

Attendu que les étudiants noirs font face au manque d'accès à l'éducation reflété dans les taux d'admission, de rétention et de graduation à tous les niveaux du système d'éducation du WNC et en raison de pratiques disciplinaires discriminatoires ;

Attendu que les Noirs, par le passé et présentement, ont accès à un système de santé inadéquat sinon nocif, comme en témoignent les taux disproportionnés de morbidité et de mortalité qui sont les conséquences de traumatismes intergénérationnels dus au racisme systémique, au traitement discriminatoire par les professionnels médicaux et aux pratiques médicales discriminatoires telles que les stérilisations forcées, le manque de tests adéquats, le manque de mesures de prévention et curatives ;

Attendu que les Noirs ont été injustement ciblés par des mesures policières et le système de justice, incarcérés à des taux disproportionnés et éventuellement exclus de la participation intégrale aux bienfaits de la citoyenneté, y compris la participation aux élections, à l'emploi, au logement et aux soins de santé ;

Attendu que les Noirs ont de façon disproportionnée été forcés d'habiter dans ou près de zones brunes ou autres sites toxiques qui ont un impact négatif sur leur santé et leur propriété ;

Attendu que les Noirs ont souffert de façon disproportionnée du manque de services alimentaires et de garderies ;

Attendu que le racisme systémique a été engendré au cours de plusieurs siècles et qu'il ne pourra être démantelé de sitôt ;

Attendu que les gouvernements d'États et fédéraux ont la responsabilité d'adopter des programmes, politiques et financements liés aux réparations ;

Il est résolu par le conseil municipal de la ville d'Asheville que :

Le conseil municipal de la ville d'Asheville :

(1) s'excuse et fait amende honorable pour sa participation et son acceptation de la mise en esclavage de Noirs ;

(2) s'excuse et fait amende honorable pour ses mesures de ségrégation et toutes pratiques discriminatoires connexes ;

(3) s'excuse et fait amende honorable pour la mise en oeuvre d'un programme de renouveau urbain qui a détruit de nombreuses communautés noires florissantes ;

(4) exhorte les autres organisations et institutions d'Asheville qui se sont basées sur l'inégalité raciale et en ont bénéficié de se joindre à la ville pour offrir leurs excuses et les invite à confronter le racisme au sein de leurs propres structures et programmes et de travailler avec la ville pour mieux et pleinement traiter du racisme systémique ;

(5) exhorte l'État de la Caroline du Nord et le gouvernement fédéral à développer des politiques et à fournir le financement pour les indemnisations au niveau de l'État et national ;

(6) demande au directeur municipal de mettre en place un processus dans l'année qui vient visant à développer des recommandations à court, moyen et long terme qui cherchent à résoudre la question du transfert intergénérationnel de la richesse et à rehausser la mobilité et l'opportunité économiques dans la communauté noire ;

(7) appuie entièrement son département de l'équité, son personnel et son travail, et encourage le directeur municipal à se servir de ces talents dans l'élaboration de politiques et de programmes pour établir la création d'un transfert intergénérationnel de richesse et pour traiter de la question des indemnisations dans la communauté noire tel que ci-haut mentionné ;

(8) cherche à mettre sur pied dans l'année qui vient une nouvelle commission habilitée à faire des recommandations à court, moyen et long terme qui faciliteront la tâche d'établir des réparations pour les torts dus au racisme systémique public et privé. D'autres organisations communautaires gouvernementales locales peuvent aussi être invitées à être représentées au sein de la commission. Le mandat de la Commission des réparations communautaires est de publier un rapport dans un délai convenable à l'intention de la municipalité et d'autres groupes communautaires participants pour qu'ils puissent l'intégrer dans leurs priorités et plans respectifs à court et à long terme. La reddition de compte dans la quête d'équité sera contrôlée par les bureaux appropriés. Le rapport et les priorités budgétaires et programmatiques pourraient comprendre, mais non exclusivement, des mesures pour augmenter la propriété d'entreprises par les minorités et les possibilités de carrières, les stratégies de capital et de transfert intergénérationnel de la richesse, permettant un plus grand accès aux soins de santé, à l'éducation, aux emplois et aux salaires, à la sécurité dans les quartiers et à l'équité au sein du système pénal ;

(9) exhorte le directeur municipal à donner minimalement un compte-rendu semestriel au conseil municipal sur le progrès des travaux à la suite de cette résolution.

Lue, approuvée et adoptée en ce 14 juillet 2020

Note

1. Asheville est située dans le comté de Buncombe. Selon le recensement de 1860, le comté de Buncombe avait 1 907 personnes tenues en esclavage qui étaient la « propriété » de 283 esclavagistes, dont 54 étaient propriétaires de 10 ou plus de personnes tenues en esclavage.

Le nombre de personnes tenues en esclavage en Caroline du Nord a augmenté de 100 783 en 1790 à 351 059 en 1860, environ le tiers de la population de cet État. Le pourcentage de la population tenue en esclavage variait d'un comté à l'autre. Il y avait 19 comtés en 1860 où les populations esclaves étaient supérieures à la population de Blancs. Ces comtés étaient des régions agricoles produisant du coton, du tabac, du riz et des magasins d'approvisionnement naval tandis que les plantations et fermes plus importantes étaient sur les plaines côtières, le Piedmont, et les comtés à la frontière de la Virginie.

La ségrégation a été une pratique légale jusqu'en 1960 pour les peuples autochtones de la Caroline du Nord et 1970 pour la population des Noirs.

(Sources : New York Times, Mountain Xpress, Wikipedia, www.ncpedia.org. Photos : Shots from Richmond)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 47 - 25 juillet 2020

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