Les forces populaires luttent pour leurs droits démocratiques


Manifestation à La Paz le 14 juillet 2020

Les travailleurs, les femmes et les peuples autochtones et leurs organisations ainsi que d'autres mouvements sociaux sont retournés dans la rue pour exiger la fin de la destruction causée par le gouvernement putschiste et le droit d'élire un président et un gouvernement de leur choix dans les plus brefs délais. Des manifestations ont lieu en particulier dans les endroits où les travailleurs ont des traditions de combat, comme Cochabamba et El Alto, une banlieue de la capitale La Paz.

Au cours des neuf derniers mois, le gouvernement putschiste de la présidente autoproclamée Jeanine Anez a été occupé à gouverner par décret, à démanteler des projets nationaux de longue date et des programmes sociaux publics initiés par les gouvernements précédents du Mouvement pour le socialisme - Instrument politique pour la souveraineté des peuples (MAS-IPSP) dirigé par le président Evo Morales. Il s'affaire également à persécuter et exercer une revanche contre les dirigeants, les membres et les partisans du MAS-IPSP. Il a supprimé la politique étrangère fièrement indépendante de l'État plurinational de la Bolivie pour aligner le pays sur les objectifs hégémoniques de ses maîtres américains sur le pays et la région. Il a consciencieusement rejoint le Groupe de Lima et la campagne infructueuse des États-Unis pour faire au Venezuela ce qu'ils venaient de faire à la Bolivie. Il s'est retiré de l'Alliance bolivarienne pour les peuples de Notre Amérique - Traité de commerce entre les peuples (ALBA-TCP), a expulsé la mission médicale cubaine du pays au pire moment possible et a suspendu les relations diplomatiques avec Cuba.

Il a été également révélé récemment que le gouvernement putschiste avait obtenu en avril un prêt « d'urgence » de 327 millions de dollars du Fonds monétaire international (FMI) censé l'aider à faire face à la COVID-19 pour couvrir les frais médicaux et soutenir les plus vulnérables. L'argent, distribué par l'Instrument de financement rapide du FMI était assorti d'une série de conditions qui engagent la Bolivie à réduire considérablement les dépenses publiques et à faire preuve de « flexibilité » (c'est-à-dire dévaluer) face à la devise du pays  un ensemble de mesures sévères similaires à celles convenues par le gouvernement néolibéral de Mauricio Macri qui, en 2018, a fait dégringoler l'économie argentine et a laissé de larges pans de la population sans emploi et sans ressources. Le prêt du FMI qui a déjà été déposé à la banque centrale de la Bolivie a été obtenu illégalement, sans l'approbation de l'Assemblée législative comme l'exige la constitution bolivienne. Ce n'est que maintenant, après coup, et avec l'émission de « bons de santé » équivalents à environ 70 dollars US alloués aux membres les plus vulnérables de la société bolivienne acculés au pied du mur que l'Assemblée législative a été approchée- ou plutôt a subi un chantage  pour donner sa bénédiction à l'odieux accord. Reste à voir comment la législature dans laquelle le MAS-IPSP détient les deux tiers des sièges réagira. La corruption liée à l'utilisation de ces fonds commence également à se faire jour.

Les manifestations reprennent en Bolivie


La Paz, 8 juillet 2020

De mars à juin, ce sont principalement des médecins et d'autres employés d'hôpitaux qui ont manifesté dans les rues, bloquant la circulation dans les grandes villes pour appuyer leurs demandes que le gouvernement putschiste leur fournisse l'équipement nécessaire pour se protéger et pour soigner et sauver les vies du nombre croissant de patients atteints de la COVID-19 qui sont traités dans des hôpitaux sous-financés et en manque d'effectifs. Associated Press a rapporté le 8 juillet que 50 % des médecins boliviens avaient contracté le virus.

La première grande manifestation depuis que la pandémie a frappé a eu lieu le 8 juillet à La Paz, où des enseignants rejoints par des élèves et des parents ont organisé une manifestation militante pour exiger la gratuité de l'éducation pour tous et dénoncer le programme de privatisation de facto de l'éducation par le gouvernement et en particulier l'état déplorable de l'éducation dans les régions rurales. Beaucoup ont exprimé leur colère face au projet du ministère de l'Éducation de continuer à dispenser des cours en ligne pendant un certain temps seulement, même si les familles rurales n'ont souvent pas accès à l'Internet et aux appareils de haute technologie coûteux nécessaires pour que leurs enfants puissent participer à des cours virtuels: ils seront simplement laissés pour compte. La réponse de la dictature a été de tirer des gaz lacrymogènes sur les manifestants.

Puis, le 14 juillet, des milliers de travailleurs syndiqués et de membres de mouvements sociaux ont défilé ensemble pour dénoncer la corruption et la destruction antisociale du gouvernement putschiste, le manque de médicaments pour la population et pour exiger qu'il n'y ait plus de report des élections générales prévues pour le 6 septembre.

Des élections reportées et la guerre judiciaire

Une élection générale initialement prévue pour le 3 mai a été reportée au 6 septembre et a de nouveau été reportée au 18 octobre, à la suite d'un consensus atteint par les factions politiques du pays, selon le Tribunal électoral suprême. Quelques heures avant l'annonce du dernier report, Evo Morales a déclaré depuis l'Argentine où il vit en exil qu'un autre délai serait contraire aux intérêts du peuple, prolongeant l'ingouvernabilité et la crise économique qui ravage le pays alors que la pandémie devient incontrôlable. Il a déclaré que cela ne servirait qu'à donner plus de temps aux forces du coup d'État pour poursuivre leur persécution des dirigeants sociaux et des candidats du MAS-IPSP juste au moment où le candidat du parti à la présidence, Luis Arce, mène dans les sondages.

Le retard donnera également au gouvernement putschiste plus de temps pour contraindre le tribunal électoral à accepter une autre de ses principales revendications : que le statut légal du MAS-IPSP soit supprimé, de sorte que ses candidats ne puissent pas se présenter aux élections  un moyen d'empêcher une victoire pour son candidat à la présidentielle qui est également accusé à tort d'avoir violé la Loi électorale. En réponse, le MAS-IPSP a publié le 19 juillet un communiqué condamnant « dans les termes les plus forts possible les tentatives de certains hommes politiques qui veulent réaliser, par l'interdiction de notre instrument politique, ce qu'ils ne peuvent pas réaliser aux urnes ». Il a annoncé que le MAS-IPSP s'était déclaré en état d'urgence face à cette nouvelle tentative d'interdiction du parti et de ses candidats et qu'il intenterait une action en justice pour sa propre défense. « Ensemble avec le peuple bolivien et avec la vérité à l'avant-plan, nous défendrons la démocratie, la paix et la justice sociale », a dit le communiqué en conclusion.

Il faut s'attendre à ce que Anez et sa bande continuent de comploter pour éviter indéfiniment la tenue des élections et pour empêcher le MAS-IPSP de se présenter si et quand les élections ont lieu, afin de consolider leur coup d'État. Ils se livrent aux mêmes sales manipulations juridiques, souvent qualifiées de guerre judiciaire contre les responsables, les membres et les partisans du MAS-IPSP qui ont aussi été utilisées contre les anciens présidents Lula da Silva du Brésil et Rafael Correa et d'autres en Équateur. Tous font l'objet de fausses accusations criminelles et de diffamations virulentes, certains étant déjà emprisonnés sans preuve pour des crimes qu'ils n'ont pas commis. Sept anciens ministres et fonctionnaires du MAS-IPSP auxquels le Mexique a accordé l'asile il y a des mois ont été contraints de passer les huit derniers mois à l'intérieur de l'ambassade du Mexique à La Paz en tant que prisonniers virtuels. Ils sont menacés d'arrestation s'ils sortent à l'extérieur, ce qui constitue une violation grossière des normes diplomatiques et des conventions internationales des droits humains qui exigent le passage sécuritaire pour les demandeurs d'asile qui quittent la mission diplomatique d'un pays leur ayant offert l'asile, afin qu'ils puissent se rendre dans ce pays.

Perspectives à venir


La Paz, 14 juillet 2020

Tout indique que les impérialistes américains ne sont pas disposés à accepter que les Boliviens élisent un président qui se présentera avec un programme visant à renverser la direction antinationale, antisociale et le racisme organisé par l'État qu'ils ont jusqu'à présent réussi à imposer en Bolivie par la fraude et la force. Si les forces populaires et leurs candidats remportent à nouveau les élections, pourront-ils prendre leurs fonctions et gouverner sur la base de ce programme ? Le tigre américain est-il susceptible de changer ses rayures ? Qu'en est-il aussi de l'oligarchie bolivienne raciste et violente ? Ou encore de la police et de l'armée commandées par des éléments non patriotiques formés et soudoyés par l'impérialisme américain pour servir d'instrument de répression violente contre tous ceux qui ont résisté au coup d'État de l'année dernière ?

Tout ce qui se passe aujourd'hui en Bolivie confirme que le mépris de l'état de droit, des normes diplomatiques et des droits des nations et des peuples souverains est la marque de commerce de l'impérialisme américain, de ses complices et de ceux qui pratiquent l'apaisement envers lui. Au-delà de simplement espérer gagner une élection douteuse qui ne sera peut-être jamais autorisée à se dérouler, le peuple bolivien est sûr de tirer parti de son expérience et des leçons apprises pour s'organiser afin de faire face à tout ce qui l'attend dans la lutte pour ses droits démocratiques et pour défendre les gains qu'il a réalisés au cours des 14 dernières années. Il a des traditions de combat et un riche héritage de luttes anticoloniales, anti-impérialistes et révolutionnaires qui remontent à des siècles pour l'inspirer alors qu'il cherche à s'organiser pour lutter pour sa liberté, son indépendance et ses droits dans les conditions d'aujourd'hui, en gardant l'initiative dans ses mains. Pour tout cela, il mérite le plein appui de la classe ouvrière et du peuple canadien et québécois.

Les travailleurs de toutes les industries et de tous les secteurs continuent de manifester contre Ánez et pour la protection des droits sociaux créés sous le gouvernement de Morales.

Les femmes autochtones ont été à l'avant-garde de la lutte pour restaurer
la démocratie en Bolivie.

Luis Arce, candidat présidentiel du MAS-IPSP aux prochaines élections, et David Choquehuanca, candidat à la vice-présidence. Ils mènent dans tous les sondages jusqu'à présent.

(Sources : teleSUR, Nodal, Boya News - Photos : TeleSUR, F. Morales)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 47 - 25 juillet 2020

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