Grèves dans les résidences privées pour personnes
âgées du groupe Chartwell au Québec

Les choses ne doivent pas «continuer comme avant» dans les soins aux aînés! Les établissements privés doivent rendre des comptes!

Le 10 juillet, les travailleurs et travailleuses de sept résidences privées pour aînés ont déclenché une grève illimitée contre leur employeur. Les travailleurs sont membres du Syndicat québécois des employées et employés de service (SQEES-FTQ) et comprennent les infirmières et les préposés aux bénéficiaires, les employés des cuisines, de l'entretien ménager et d'autres services qui peuvent varier selon les résidences. Les résidences en grève sont au Saguenay-Lac-Saint-Jean et dans la région de la capitale nationale.

Le site Web de Chartwell illustre bien le « tout continue comme avant » de l'entreprise. Chartwell s'y décrit comme « une fiducie d'investissement immobilier axée sur la génération de remises en espèces durables, stables et croissantes découlant de la propriété et de l'exploitation d'un éventail complet de résidences pour retraités. La Société est le plus important exploitant du secteur de l'hébergement pour retraités au Canada. » En date du 25 juin 2018, la capitalisation boursière de Chartwell est de 3,23 milliards $ CAD, avec plus de 3,01 milliards $ CAD d'actifs. En 2018, la valeur de l'entreprise s'élève à environ 5 milliards $ CAD[1].

Une quinzaine de conventions collectives font présentement l'objet de négociations et certaines sont terminées depuis décembre 2018. Le refus de l'entreprise de négocier de bonne foi est à la fois honteux et cruel compte tenu de la pandémie et du traumatisme que ces travailleurs ont subi alors que 87 % des décès aux mains de la COVID-19 se sont produits dans des résidences pour aînés en manque d'effectifs, plusieurs d'entre elles privées.

Pour le comble, le président du conseil d'administration de Chartwell est nul autre que Mike Harris qui, comme premier ministre de l'Ontario, a lancé l'offensive antisociale au Canada entre 1995 et 2002. Au nom de l'ouverture de l'Ontario aux affaires, il a introduit la politique de payer les riches pour la dette et le déficit, sapé la réglementation et les inspections sous prétexte d'éliminer la « paperasse » et attaqué les syndicats, les déclarant « cupides » et une entrave non nécessaire à l'efficacité économique. Il a ouvert les portes à la privatisation de l'éducation et de la santé, y compris les soins de longue durée. Il a imposé au peuple le concept thatchérien qu'il n'existe rien de tel que la « société » et la responsabilité sociale. Tous les individus doivent se débrouiller seuls.

La grève a été déclenchée après que Chartwell a systématiquement refusé de considérer les revendications de ses employés et même de présenter des contrepropositions.


Ligne de piquetage devant une résidence pour personnes âgées de Chartwell, le 11 juillet 2020

En ce qui concerne les salaires, les travailleurs demandent un salaire d'au moins 15 $ à l'embauche pour tous et une augmentation de 1 $ l'heure par année pendant trois ans. Un grand nombre de ces travailleurs gagnent moins de 15 $ l'heure en ce moment, et plusieurs atteignent le salaire minimum de 13,10 $ uniquement parce qu'ils touchent certaines primes. La situation des salaires est déplorable et ne permet ni de vivre décemment ni de retenir et d'attirer le personnel dans le secteur des résidences privées pour personnes âgées. Cette situation est devenue particulièrement intolérable dans les conditions de la pandémie de la COVID-19. Les employés se dévouent corps et âme à la protection des résidents, souvent au péril de leur santé, mais leur importante contribution n'est absolument pas reconnue, ni par les propriétaires privés, ni par les gouvernements qui permettent une telle situation.

« Les derniers mois nous ont fait constater à quel point les travailleuses et les travailleurs auprès des personnes aînées sont des intervenants essentiels, a dit Sylvie Nelson, présidente du SQEES-FTQ. C'est vrai pour les infirmières, infirmières auxiliaires, préposées aux bénéficiaires, mais aussi pour tous les services auxiliaires comme les personnes travaillant aux cuisines, au service aux tables, à l'entretien ménager, à la réception... Pourtant, le plus gros employeur au Québec et au Canada dans les résidences privées pour personnes aînées, les résidences Chartwell, refuse de considérer ses travailleuses et ses travailleurs. »

Une porte-parole de Chartwell a déclaré honteusement que les revendications salariales des grévistes sont « démesurées ». « Aucune entreprise ne peut assumer des hausses de plus de 25 % sur trois ans, comme on nous le demande. » Démontrant le caractère intéressé de ce « modèle d'affaires » des soins aux aînés, elle a dit que ces revendications réduiraient les profits des investisseurs et des propriétaires privés. Toute augmentation des salaires sera refilée aux résidents et à leurs familles. « Et on doit tenir compte de l'impact des augmentations sur les frais pour nos résidents », a-t-elle dit. Les frais pour les résidents sont les « loyers » exorbitants que Chartwell impose.

Si une revendication salariale aussi modeste que celle présentée par les travailleurs représente une augmentation de 25 % de l'ensemble des salaires, cela en dit long sur l'exploitation éhontée que vivent les travailleurs.

Le refus arrogant de Chartwell de reconnaître les besoins des travailleurs et de négocier les salaires et les conditions de travail n'a laissé d'autre choix au syndicat que de mettre en application son mandat de grève. Le SQEES-FTQ a aussi un mandat de grève illimitée pour l'automne si aucun progrès n'est fait pour traiter des besoins des travailleurs.

Les revendications des travailleurs s'attaquent aux problèmes sérieux du manque d'effectifs et de l'imposition de salaires minimaux à des travailleurs qui accomplissent des tâches essentielles pour prendre soin des personnes âgées et qui constituent la seule ligne de défense de leur bien-être. L'absence de respect pour les travailleurs et leurs conditions de travail provient directement de la cupidité des propriétaires privés et de leur objectif d'amasser le profit le plus élevé possible. Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent intervenir immédiatement pour établir des normes pour les soins aux aînés. Ils ont aussi le devoir de créer un nombre suffisant d'établissements pour les aînés, ayant les normes les plus élevées que la société a atteintes, pour que personne ne soit forcé d'aller vers les soins privés, leurs frais exorbitants et une situation où ils subissent la maltraitance et la négligence de la part des propriétaires.

Ligne de piquetage devant une résidence pour personnes âgées de Chartwell, le 10 juillet 2020

Bien avant la pandémie, les infirmières, les travailleurs et leurs organisations n'ont cessé de sonner l'alarme au sujet du traitement inacceptable des travailleurs de la santé et des conditions de vie horribles que subissent les aînés dont ils s'occupent. Le gouvernement et les entreprises fonctionnant sur la base du profit ont fait la sourde oreille. Lorsque la COVID-19 a frappé les résidences de soins de longue durée, une grande partie de ces résidences n'ont tout simplement pas appliqué les protocoles nécessaires en cas de situation de pandémie, bien que ces protocoles soient obligatoires en ce qui concerne les résidences pour aînés qui sont souvent frappées par la grippe et des contagions de toutes sortes.

Le refus de Chartwell de reconnaître les revendications des travailleurs démontre que l'intention de l'élite dirigeante est que « les choses doivent continuer comme avant » comme si c'était une option. Ignorer les leçons apprises pendant la pandémie n'est pas une option. Chartwell affirme qu'il ne peut pas rafler le niveau de profits qu'il désire s'il paie les salaires que revendiquent les travailleurs et il refuse de négocier. Cela ne doit pas passer !

Chartwell doit être forcé de négocier et de fournir des conditions de travail où il y a suffisamment de de travailleurs, lesquels sont à temps plein et touchent un salaire qui leur permet de vivre décemment.

Le syndicat a pris une position prosociale contre ce « modèle d'affaires » des soins aux aînés.

« Nous devons toutes et tous nous mobiliser contre ce modèle d'affaires qui — on l'a vu pendant la crise de la COVID — ne reflète en rien les valeurs de partage et d'équité qui animent le Québec, écrit Sylvie Nelson. Ce modèle consiste à : acheter des terrains, construire des bâtisses, les remplir à ras bord, réduire les coûts jusqu'à la moindre cenne et faire un maximum de profit pour leurs actionnaires de la bourse de Toronto. Tout ça aux dépens de celles — soit 80 % de femmes — qui s'assurent jour après jour, souvent au détriment de leur vie familiale, du bien-être de nos personnes aînées. C'est aussi aux dépens des personnes résidentes de Chartwell qui doivent contester des hausses de loyer indécentes. Ce n'est pas ce que nous souhaitons pour nos personnes aînées. Chartwell a un effort à faire pour devenir un citoyen corporatif responsable. »

Les infirmières et les travailleurs de Chartwell méritent l'entier appui des Canadiens. Leur lutte est la nôtre. Ils luttent pour des conditions de travail qu'ils jugent acceptables. En défendant leurs droits, ils luttent pour les conditions de vie et défendent les droits des personnes âgées. Il ne faut pas permettre à ces institutions qui sont basées sur des intérêts privés étroits de retourner au « continuons comme avant » et les gouvernements qui permettent cela doivent rendre des comptes. Cela montre à quel point les gouvernements abandonnent totalement leur devoir de défendre les intérêts du peuple. Cela montre leur hypocrisie totale quand ils se disent préoccupés de ce qui s'est produit dans les centres de soin de longue durée pendant la première phase de la pandémie et ils ne doivent pas pouvoir s'en tirer à bon compte.

Il faut considérer comme un geste criminel que les gouvernements permettent à des intérêts privés de maintenir des conditions inhumaines dans leurs établissements pour les résidents, les travailleurs et les professionnels, et il en est de même des actions des propriétaires de ces établissements.

Les revendications que les travailleurs mettent de l'avant montrent la nécessité d'affirmer leur droit de décider de leurs conditions de travail, pour qu'ils puissent accomplir leur devoir et traiter les personnes avec la dignité qui leur revient.

Non à la « continuation comme avant » dans les soins aux aînés ! Les institutions privées de soins aux aînés doivent rendre des comptes !

Note

1. Selon Wikipedia, Résidences pour retraités Chartwell « est une société de placement immobilier canadienne fondée en 2003. Elle opère des résidences pour personnes âgées au Québec, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. [...] »


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 46 - 18 juillet 2020

Lien de l'article:
Grèves dans les résidences privées pour personnes: Les choses ne doivent pas «continuer comme avant» dans les soins aux aînés! Les établissements privés doivent rendre des comptes! - Louis Lang


    

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