L'encerclement maritime est au coeur de la stratégie des États-Unis contre le Venezuela

Le scénario d'étranglement économique, financier et commercial imposé par le gouvernement des États-Unis à la République bolivarienne du Venezuela est une nouvelle pièce du casse-tête dans la stratégie de guerre à outrance menée contre le pays du bassin caribéen.

Plus particulièrement, il a des répercussions sur la route de navigation des navires provenant du Venezuela ou qui ont des relations commerciales ou autres avec ses entreprises publiques ou privées. Pour mettre en oeuvre un tel plan d'étranglement, la Marine américaine entreprend de nombreux déploiements partout dans le monde, agissant en tant que polices militaires et unités mobiles postées prêtes à exécuter des opérations navales et des exercices militaires de toutes sortes.

« Par mer, nous pouvons atteindre un site plus rapidement, y rester plus longtemps, apporter avec nous tout ce dont nous avons besoin, sans avoir à demander l'autorisation de qui que ce soit », peut-on lire dans la Stratégie de coopération des forces navales du XXIe siècle de la Marine.

La doctrine globale du Pentagone envisage des activités de corsaires pour lui-même et ses alliés les plus sûrs, et une restriction militaire pour tout ce qui navigue sous les drapeaux sanctionnés par le département du Trésor ou qui menace d'entraver ses plans, ainsi que ceux de la Maison-Blanche elle-même.

Ces dernières années, le Venezuela a été victime de cette stratégie qui, de pair avec l'embargo imposé par Washington avec toutes ses conséquences et d'autres opérations en appui au « changement de régime », ont mené à un siège sur les hautes mers et le long des côtes des Caraïbes.

La cible principale : l'industrie pétrolière

Récemment, Reuters annonçait que les pétroliers ayant des cargaisons de pétrole prêts au commerce « sont pris au piège » depuis près de deux mois en haute mer en raison du fait que « les raffineries du monde boudent le pétrole de ce pays de l'Amérique latine pour éviter de subir les conséquences des sanctions américaines, selon des sources industrielles, des documents de Petroleos de Venezuela SA (PDVSA) et de certaines données de transport maritime. »

Les exportations de pétrole de PDVSA sont ce que Washington a dans sa mire.

En même temps que le département du Trésor met sur la liste noire des navires et des négociants engagés dans le commerce et le transport de pétrole vénézuélien, il menace de rajouter encore plus de candidats sur sa liste d'entités « sous sanction ».

Reuters cite des données de Refinitiv Eikon :

« Au moins 16 pétroliers transportant 18,1 millions de barils de pétrole vénézuélien sont pris dans des eaux partout dans le monde, alors que les acheteurs les évitent afin d'éviter les sanctions. Il s'agit de près de deux mois de production aux taux vénézuéliens actuels. »

L'agence dit que certains des navires « sont en mer depuis plus de six mois et ont navigué vers divers ports mais n'ont pas pu décharger. Les pétroliers sont rarement chargés d'une cargaison sans qu'il y ait un acheteur. Ceux qui sont en mer sans acheteur finissent habituellement par vendre à rabais. »

Le fardeau financier sur chaque pétrolier mène à d'immenses pertes à chaque délai quotidien de déchargement de pétrole. Le coût d'un navire transportant du pétrole vénézuélien est au moins de 30 000 dollars par jour.

Les compagnies pétrolières qui ont comme client PDVSA n'ont pas réussi à trouver acheteur en raison des mesures coercitives unilatérales. « Même les clients de longue date de PDVSA font des pieds et des mains pour conclure des transactions autorisées en vertu des sanctions, soit pour le remboursement de dettes et l'échange alimentaire », a dit un directeur à Reuters, sous couvert de l'anonymat.

C'est une situation critique pour les exportations vénézuéliennes, alors que la plupart des pays producteurs de pétrole continuent d'éprouver des difficultés à écouler leurs stocks élevés dans un marché à surcapacité.

Tout cela aide les États-Unis à réduire l'appétit d'un grand nombre d'acheteurs de pétrole vénézuélien.

Fondamentalement, ce que le gouvernement de Donald Trump a réussi à faire c'est de monter un encerclement maritime autour du commerce de pétrole brut vénézuélien, empêchant l'État dirigé par Nicolas Maduro de s'approvisionner lui-même en devises étrangères pour des biens et services essentiels à la République bolivarienne et à sa population, tout en sapant l'industrie pétrolière gérée par PDVSA.

Cet objectif est clair depuis que Trump a décidé d'imposer un décret l'année dernière qui a élargi l'ensemble des « sanctions » économiques, financières et commerciales contre le Venezuela. Les récents événements confirment cette thèse.

Un dur coup pour la coopération commerciale
et technologique du Venezuela

Il y a un mois, lorsque les premiers navires en provenance de l'Iran ont commencé à traverser l'Atlantique vers la côte des Caraïbes pour approvisionner l'industrie pétrolière du Venezuela en essence et en technologie, les porte-paroles américains ont menacé de les empêcher de décharger en envoyant la Marine harceler les cargos iraniens.

Mais c'est une chose que d'intimider un pays et une autre que de s'en prendre à deux pays, en particulier si l'un d'eux contrôle le détroit de Hormuz, la principale artère commerciale de pétrole dans le monde, où un baril sur cinq dans le monde transite chaque jour. C'est pourquoi les cargos arrivent à destination sans problèmes en dépit de quelques opérations psychologiques mal exécutées.

Dans ce cas, en raison de la nouvelle dynamique qui fait en sorte qu'il y a une contestation grandissante de l'hégémonie anglo-impérialiste, la stratégie des sanctions en faveur des intérêts de Washington s'est avérée moins efficace.

Mais ce qui se passe avec les autres pays et compagnies à l'échelle mondiale est une tout autre situation. Prenons, par exemple, les cargos de pétrole brut vénézuélien qui ont navigué vers la Malaisie, Singapour, l'Indonésie ou le Togo, des pays où la présence américaine est très forte et qui n'ont pas pu acheter le pétrole produit par PDVSA en raison des mesures coercitives unilatérales de la Maison-Blanche et de la surveillance navale menée dans ces latitudes.

C'est dans de telles situations que la coordination entre la Marine et le département du Trésor des États-Unis est nécessaire, quoiqu'informelle.

Grâce à cette stratégie, jusqu'en février 2020, le Venezuela évalue à 116 milliards de dollars les pertes dues à l'embargo.

Provocations

À la lumière des récents développements, nous pouvons conclure que l'embargo maritime tant vanté contre le Venezuela et parrainé par l'administration Trump s'est fait de façon informelle. Ce n'est plus l'approche frontale des années passées, comme celle de 1902, lorsque les navires allemands, britanniques et italiens ont encerclé le pays présidé par Cipriano Castro, ou encore en 1960 contre Cuba, alors que les États-Unis ont décidé que la souveraineté de l'île n'était pas possible dans son « arrière-cour ».

Tôt en avril, il y a eu une nouvelle escalade de l'embargo maritime avec les « opérations antidrogue » de la Marine américaine dans l'hémisphère occidentale, ouvrant la porte à des opérations psychologiques de grande envergure dans les Caraïbes et à la coordination des forces du Commandement du Sud et de renseignements des pays partenaires du Pentagone, en particulier la Colombie et le Brésil.

C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la présence d'un destroyer de la Marine américaine près de la côte vénézuélienne le mardi 23 juin, que le général Vladimir Padrino Lopez, le ministre de la Défense du Venezuela, a qualifié d'« acte de provocation ».

Padrino Lopez a mis les États-Unis en garde, disant que si les opérations de leurs navires avaient lieu en eaux vénézuéliennes, il y aurait une « forte » riposte de la part des Forces armées nationales bolivariennes. « Prenez garde d'envoyer vos navires de guerre à des fins militaires dans les eaux sous notre juridiction », a ajouté le général.

Même si les provocations sont une tactique habituelle de la marine américaine contre ses adversaires, traversant ainsi des frontières maritimes non seulement dans les Caraïbes mais dans d'autres parties du globe (telles que dans la mer de Chine méridionale ou le Golfe persique lui-même), les généraux gringos autorisent généralement ce type d'opération pour recueillir des renseignements et pour créer des tensions. Quels sont leurs objectifs ? Militaires, commerciaux ou les deux à la fois ?

Sans aucun doute, la pression du Commandement du Sud et de ses destroyers qui maraudent dans les Caraïbes, de concert avec la stratégie du département du Trésor, ont donné lieu à un encerclement de grande envergure le long des côtes, qui met la République bolivarienne en état d'alerte et qui fait mal économiquement à la majorité d'entre nous qui vivons au Venezuela.

(Mision Verdad, 25 juin 2020. Traduction: LML)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 46 - 18 juillet 2020

Lien de l'article:
L'encerclement maritime est au coeur de la stratégie des États-Unis contre le Venezuela - Ernesto Cazal


    

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