L'encerclement maritime est au coeur de la stratégie des États-Unis contre le Venezuela
- Ernesto Cazal -
Le scénario
d'étranglement économique, financier et commercial
imposé par le gouvernement des États-Unis à la
République bolivarienne du Venezuela est une
nouvelle pièce du casse-tête dans la stratégie de
guerre à outrance menée contre le pays du bassin
caribéen.
Plus particulièrement, il a des répercussions sur
la route de navigation des navires provenant du
Venezuela ou qui ont des relations commerciales ou
autres avec ses entreprises publiques ou privées.
Pour mettre en oeuvre un tel plan d'étranglement,
la Marine américaine entreprend de nombreux
déploiements partout dans le monde, agissant en
tant que polices militaires et unités mobiles
postées prêtes à exécuter des opérations navales
et des exercices militaires de toutes sortes.
« Par mer, nous pouvons atteindre un site plus
rapidement, y rester plus longtemps, apporter avec
nous tout ce dont nous avons besoin, sans avoir à
demander l'autorisation de qui que ce soit »,
peut-on lire dans la Stratégie de coopération des
forces navales du XXIe siècle de la Marine.
La doctrine globale du Pentagone envisage des
activités de corsaires pour lui-même et ses alliés
les plus sûrs, et une restriction militaire pour
tout ce qui navigue sous les drapeaux sanctionnés
par le département du Trésor ou qui menace
d'entraver ses plans, ainsi que ceux de la
Maison-Blanche elle-même.
Ces dernières années, le Venezuela a été victime
de cette stratégie qui, de pair avec l'embargo
imposé par Washington avec toutes ses conséquences
et d'autres opérations en appui au « changement de
régime », ont mené à un siège sur les hautes
mers et le long des côtes des Caraïbes.
La cible principale : l'industrie
pétrolière
Récemment, Reuters annonçait que les pétroliers
ayant des cargaisons de pétrole prêts au commerce
« sont pris au piège » depuis près de deux
mois en haute mer en raison du fait que « les
raffineries du monde boudent le pétrole de ce pays
de l'Amérique latine pour éviter de subir les
conséquences des sanctions américaines, selon des
sources industrielles, des documents de Petroleos
de Venezuela SA (PDVSA) et de certaines données de
transport maritime. »
Les exportations de pétrole de PDVSA sont ce que
Washington a dans sa mire.
En même temps que le département du Trésor met
sur la liste noire des navires et des négociants
engagés dans le commerce et le transport de
pétrole vénézuélien, il menace de rajouter encore
plus de candidats sur sa liste d'entités « sous
sanction ».
Reuters cite des données de Refinitiv
Eikon :
« Au moins 16 pétroliers
transportant 18,1 millions de barils de
pétrole vénézuélien sont pris dans des eaux
partout dans le monde, alors que les acheteurs les
évitent afin d'éviter les sanctions. Il s'agit de
près de deux mois de production aux taux
vénézuéliens actuels. »
L'agence dit que certains des navires « sont en
mer depuis plus de six mois et ont navigué vers
divers ports mais n'ont pas pu décharger. Les
pétroliers sont rarement chargés d'une cargaison
sans qu'il y ait un acheteur. Ceux qui sont en mer
sans acheteur finissent habituellement par vendre
à rabais. »
Le fardeau financier sur chaque pétrolier mène à
d'immenses pertes à chaque délai quotidien de
déchargement de pétrole. Le coût d'un navire
transportant du pétrole vénézuélien est au moins
de 30 000 dollars par jour.
Les compagnies pétrolières qui ont comme client
PDVSA n'ont pas réussi à trouver acheteur en
raison des mesures coercitives unilatérales. «
Même les clients de longue date de PDVSA font des
pieds et des mains pour conclure des transactions
autorisées en vertu des sanctions, soit pour le
remboursement de dettes et l'échange
alimentaire », a dit un directeur à Reuters,
sous couvert de l'anonymat.
C'est une situation critique pour les
exportations vénézuéliennes, alors que la plupart
des pays producteurs de pétrole continuent
d'éprouver des difficultés à écouler leurs stocks
élevés dans un marché à surcapacité.
Tout cela aide les États-Unis à réduire l'appétit
d'un grand nombre d'acheteurs de pétrole
vénézuélien.
Fondamentalement, ce que le gouvernement de
Donald Trump a réussi à faire c'est de monter un
encerclement maritime autour du commerce de
pétrole brut vénézuélien, empêchant l'État dirigé
par Nicolas Maduro de s'approvisionner lui-même en
devises étrangères pour des biens et services
essentiels à la République bolivarienne et à sa
population, tout en sapant l'industrie pétrolière
gérée par PDVSA.
Cet objectif est clair depuis que Trump a décidé
d'imposer un décret l'année dernière qui a élargi
l'ensemble des « sanctions » économiques,
financières et commerciales contre le Venezuela.
Les récents événements confirment cette thèse.
Un dur coup pour la coopération commerciale
et technologique du Venezuela
Il y a un mois, lorsque les premiers navires en
provenance de l'Iran ont commencé à traverser
l'Atlantique vers la côte des Caraïbes pour
approvisionner l'industrie pétrolière du Venezuela
en essence et en technologie, les porte-paroles
américains ont menacé de les empêcher de décharger
en envoyant la Marine harceler les cargos
iraniens.
Mais c'est une chose que d'intimider un pays et
une autre que de s'en prendre à deux pays, en
particulier si l'un d'eux contrôle le détroit de
Hormuz, la principale artère commerciale de
pétrole dans le monde, où un baril sur cinq dans
le monde transite chaque jour. C'est pourquoi les
cargos arrivent à destination sans problèmes en
dépit de quelques opérations psychologiques mal
exécutées.
Dans ce cas, en raison de la nouvelle dynamique
qui fait en sorte qu'il y a une contestation
grandissante de l'hégémonie anglo-impérialiste, la
stratégie des sanctions en faveur des intérêts de
Washington s'est avérée moins efficace.
Mais ce qui se passe avec les autres pays et
compagnies à l'échelle mondiale est une tout autre
situation. Prenons, par exemple, les cargos de
pétrole brut vénézuélien qui ont navigué vers la
Malaisie, Singapour, l'Indonésie ou le Togo, des
pays où la présence américaine est très forte et
qui n'ont pas pu acheter le pétrole produit par
PDVSA en raison des mesures coercitives
unilatérales de la Maison-Blanche et de la
surveillance navale menée dans ces latitudes.
C'est dans de telles situations que la
coordination entre la Marine et le département du
Trésor des États-Unis est nécessaire,
quoiqu'informelle.
Grâce à cette stratégie, jusqu'en
février 2020, le Venezuela évalue à 116
milliards de dollars les pertes dues à l'embargo.
Provocations
À la lumière des récents développements, nous
pouvons conclure que l'embargo maritime tant vanté
contre le Venezuela et parrainé par
l'administration Trump s'est fait de façon
informelle. Ce n'est plus l'approche frontale des
années passées, comme celle de 1902, lorsque
les navires allemands, britanniques et italiens
ont encerclé le pays présidé par Cipriano Castro,
ou encore en 1960 contre Cuba, alors que les
États-Unis ont décidé que la souveraineté de l'île
n'était pas possible dans son «
arrière-cour ».
Tôt en avril, il y a eu une nouvelle escalade de
l'embargo maritime avec les « opérations
antidrogue » de la Marine américaine dans
l'hémisphère occidentale, ouvrant la porte à des
opérations psychologiques de grande envergure dans
les Caraïbes et à la coordination des forces du
Commandement du Sud et de renseignements des pays
partenaires du Pentagone, en particulier la
Colombie et le Brésil.
C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la
présence d'un destroyer de la Marine américaine
près de la côte vénézuélienne le mardi 23 juin,
que le général Vladimir Padrino Lopez, le ministre
de la Défense du Venezuela, a qualifié d'« acte de
provocation ».
Padrino Lopez a mis les États-Unis en garde,
disant que si les opérations de leurs navires
avaient lieu en eaux vénézuéliennes, il y aurait
une « forte » riposte de la part des Forces
armées nationales bolivariennes. « Prenez garde
d'envoyer vos navires de guerre à des fins
militaires dans les eaux sous notre
juridiction », a ajouté le général.
Même si les provocations sont une tactique
habituelle de la marine américaine contre ses
adversaires, traversant ainsi des frontières
maritimes non seulement dans les Caraïbes mais
dans d'autres parties du globe (telles que dans la
mer de Chine méridionale ou le Golfe persique
lui-même), les généraux gringos autorisent
généralement ce type d'opération pour recueillir
des renseignements et pour créer des tensions.
Quels sont leurs objectifs ? Militaires,
commerciaux ou les deux à la fois ?
Sans aucun doute, la pression du Commandement du
Sud et de ses destroyers qui maraudent dans les
Caraïbes, de concert avec la stratégie du
département du Trésor, ont donné lieu à un
encerclement de grande envergure le long des
côtes, qui met la République bolivarienne en état
d'alerte et qui fait mal économiquement à la
majorité d'entre nous qui vivons au Venezuela.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 46 - 18 juillet 2020
Lien de l'article:
L'encerclement maritime est au coeur de la stratégie des États-Unis contre le Venezuela - Ernesto Cazal
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|