Mettre fin à l'impunité policière
- Lorne Gershuny -
Manifestation « Justice pour Ejaz » devant le
quartier général de la police de Peel, le 27 juin
2020
La mort odieuse de George Floyd lors de son
arrestation par la police de Minneapolis
le 25 mai dernier a été, à juste titre,
condamnée massivement non seulement aux
États-Unis, mais aussi au Canada et dans d'autres
pays. Des millions de personnes ont regardé avec
horreur un policier faire usage d'une violence
mortelle pour réprimer toute résistance à
l'arrestation, ignorant froidement les appels
désespérés de M. Floyd pour sa vie. Partout, les
gens sont en colère, et c'est compréhensible, de
voir se répéter en toute impunité ce genre de
brutalité policière lors d'une arrestation malgré
l'indignation qu'elle provoque.
Dans les cas passés
qui sont frais dans la mémoire collective, la
réponse des autorités de l'État a été de blâmer la
victime de cette attaque, d'exonérer les vrais
criminels et de maintenir en place un système qui
forme et encourage la police à utiliser autant de
violence qu'elle juge nécessaire pour écraser
toute résistance à une arrestation, même si elle
tue la personne au cours de l'arrestation.
Le passage à tabac et la sauvagerie de
l'arrestation de Rodney King en 1991 sont
connus mondialement. Quatre policiers de Los
Angeles avaient été filmés en train
d'asséner 56 coups de matraque à M. King
alors qu'il se tordait de douleur au sol en
essayant de repousser leurs coups de matraque. Les
policiers ont été accusés d'avoir fait un usage
excessif de la force. Au procès, ils ont plaidé
qu'ils avaient légalement le droit d'utiliser
autant de force que nécessaire pour maîtriser M.
King et l'obliger à obéir à leurs ordres de cesser
de résister, et qu'il était lui-même responsable
de la violence utilisée contre lui. Trois des
policiers ont été acquittés et le procès du
quatrième s'est terminé par un désaccord du jury.
Cette injustice flagrante a provoqué des
manifestations de colère à Los Angeles et dans
d'autres villes, dont Toronto. Deux des agents ont
par la suite été condamnés pour violation des lois
fédérales sur les droits civils.
En 2014, Eric Garner a été victime d'une
arrestation brutale dans la rue par un groupe de
policiers de New York. Il a été plaqué au sol au
moyen d'une technique d'étranglement, puis un
policier lui a écrasé la poitrine et a pressé sa
tête sur le trottoir en béton jusqu'à ce qu'il
succombe d'une crise d'asthme mortelle. Une vidéo
de l'arrestation sur les lieux montre clairement
que les policiers ont ignoré les supplications de
M. Garner pour qu'ils arrêtent parce qu'il ne
pouvait pas respirer. Un grand jury a décidé de ne
pas inculper le policier qui a directement causé
la mort de M. Garner et le ministère fédéral de la
Justice a également refusé de porter plainte. Une
fois de plus, un énorme tollé s'est élevé contre
l'impunité des brutalités policières.
En 2019, le policier coupable a été jugé non
pas pour la mort de M. Garner, mais pour avoir
enfreint les règlements du département de police
en utilisant une technique d'étranglement
interdite et pour voies de fait graves. Il a été
reconnu coupable d'avoir enfreint les règlements,
mais pas de voies de fait graves. Le policier a
été licencié, cinq ans après la mort d'Eric
Garner, mais aucune autre sanction n'a été
imposée.
Avant cela, à Toronto en 2000, Otto Vass est
mort après avoir été arrêté par quatre policiers
torontois devant un dépanneur. Lorsque M. Vass
s'est opposé à l'arrestation, les policiers l'ont
plaqué au sol et l'ont mis sur le dos. L'un des
policiers s'est agenouillé de tout son poids sur
la poitrine de l'homme jusqu'à ce qu'il cesse de
bouger parce qu'il était mort. Même mort, M. Vass
a été traité avec indignité : la cause
officielle du décès a été déclarée être un arrêt
cardiaque dû à une épisode maniaque aiguë et à un
délire agité. La communauté s'est organisée pour
demander des poursuites et exiger justice. Les
quatre policiers ont été accusés d'homicide
involontaire. Au procès, leur plaidoyer a été
qu'ils avaient légalement raison d'utiliser autant
de force qu'ils estimaient nécessaire pour que M.
Vass cesse de leur résister, même s'ils l'ont tué,
et ils l'ont blâmé pour sa propre mort, disant
qu'il avait « récolté ce qu'il avait semé ».
Les quatre policiers ont été acquittés par un
jury.
Les manifestations persistantes qui font rage à
Minneapolis et dans de nombreuses autres villes
montrent clairement que partout dans le monde les
gens veulent mettre fin à l'impunité pour les
actes de brutalité et de violence policières. Un
aspect de la solution consisterait à s'assurer que
les auteurs de crimes soient punis pour leurs
crimes. Les quatre policiers impliqués dans la
mort de M. Floyd ont tous été accusés de meurtre à
des degrés divers, mais il reste à voir si le
système de justice du Minnesota les tiendra pour
responsables de leur crime ou si, comme leurs
prédécesseurs, ils échapperont à leurs
responsabilités en affirmant que la violence
mortelle qu'ils ont utilisée au cours de
l'arrestation était parfaitement correcte et
appropriée.
Pour l'avenir, il y a des changements juridiques
qui peuvent être fait pour décourager le recours à
la violence mortelle contre toute personne qui
résiste à l'arrestation, mais qui ne constitue pas
une menace réelle pour qui que ce soit. Au Canada,
le droit pénal pourrait spécifier clairement que
causer la mort dans le cadre de l'exécution d'une
arrestation n'est jamais justifiable, sauf en cas
de légitime défense, pour remplacer la loi
actuelle qui permet à un policier de soutenir que
la force mortelle employée n'était pas excessive
dans les circonstances. Ce n'est là qu'une
proposition qui pourrait amorcer un changement
dans la culture d'impunité pour les actes de
brutalité et de violence policières. Si cela
pouvait sauver ne serait-ce qu'une seule vie en
forçant un policier à y penser deux fois avant de
provoquer la mort d'une personne sous sa garde,
alors un tel changement en vaudrait la peine. Quoi
qu'il en soit, nous devons continuer à élever la
voix pour protester contre la fréquence des actes
des brutalités policières et pour bâtir une
société où l'état de droit garantit véritablement
l'égalité des droits de tous et de toutes.
Mettez fin à l'impunité
pour les actes de brutalité policière !
Punissez les policiers
criminels !
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 44 - 7 juillet 2020
Lien de l'article:
Mettre fin à l'impunité policière - Lorne Gershuny
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