Les traits régressifs du projet de loi 61

Avec le projet de loi 61, Loi visant la relance de l'économie du Québec et l'atténuation des conséquences de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 13 mars 2020 en raison de la pandémie de la COVID-19, le gouvernement veut se donner le pouvoir exécutif de violer et outrepasser les lois existantes afin d'accélérer la construction de 202 projets publics d'infrastructure, comme les écoles, les résidences pour personnes âgées, les projets routiers, le transport en commun, pendant une période de deux ans. Le projet de loi permet à l'exécutif gouvernemental Legault d'ajouter d'autres projets publics ou privés à ceux qui sont couverts par la loi. Le projet de loi comprend des traits régressifs que plusieurs ont dénoncés comme étant arbitraires, comme le maintien du pouvoir de priver les travailleurs du secteur public de leur droit à des conditions de travail qu'ils jugent acceptables et qui sont inscrites dans des conventions collectives négociées.

Violation de la Loi sur la qualité de l'environnement

L'article 15 du projet de loi prévoit que le gouvernement peut, par décret exécutif, déclarer que des clauses de la Loi sur la qualité de l'environnement ne s'appliquent pas à certains projets. Le projet de loi 61 donne à l'exécutif gouvernemental le pouvoir de décréter l'accélération de la construction de certains projets et de les couvrir d'une réglementation qui remplace celle qu'on retrouve dans la Loi sur la qualité de l'environnement. En vertu de ce pouvoir, la réglementation décrétée par l'exécutif gouvernemental devient loi, selon le bon vouloir de l'autorité. Cela veut dire que le gouvernement peut créer des clauses de remplacement comme bon lui semble, probablement pour accommoder de puissants intérêts privés, et outrepasser et enfreindre des clauses de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Violation de la Loi sur l'expropriation

Dans les cas de l'expropriation de la propriété d'individus pour laisser le champ libre aux projets économiques, l'autorité exécutive habilitée par le projet de loi 61 peut déclarer illégale toute contestation juridique de la part des expropriés en vertu de la Loi sur l'expropriation. Selon le gouvernement, ce pouvoir arbitraire de nier les droits, en violation des lois existantes, est une chose nécessaire à l'accélération des projets économiques, qui est un argument faux et pragmatique. 

Violation de la Loi sur les contrats des organismes publics

En ce qui concerne l'octroi des contrats publics, le projet de loi prescrit que le gouvernement peut, par réglementation ou sur recommandation du Conseil du trésor, déterminer des conditions qui enfreignent la Loi sur les contrats des organismes publics. Cela peut vouloir dire l'élimination des appels d'offres afin de faciliter l'octroi de contrats à des monopoles spécifiques par décret exécutif. Ce pouvoir exécutif arbitraire n'est pas nouveau en soi. Il existe déjà et a souvent été utilisé. Ce qui est nouveau c'est qu'un projet de loi décrète maintenant que ce pouvoir exécutif est au-dessus de la réglementation existante.

Cette clause a causé un émoi particulier ramenant à la mémoire la corruption hideuse sous la forme d'octroi de contrats publics à des entreprises privées en échange de financement des partis politiques. En réponse, le gouvernement a maintenant déclaré que le pouvoir de restreindre les appels publics d'offres s'appliquera seulement aux projets gérés par des organismes municipaux.

Prolongement de l'urgence sanitaire pour une période indéfinie

Entre autres choses, la déclaration d'une urgence sanitaire du 13 mars 2020 a donné le pouvoir à l'exécutif gouvernemental d'annuler toutes les ententes négociées avec les travailleurs de la santé et des services sociaux afin de changer unilatéralement leurs conditions de travail. Cette attaque contre les droits des travailleurs a été fermement condamnée.

Le projet de loi 61 comprend une clause qui prévoit que l'état d'urgence sanitaire et ses pouvoirs antiouvriers sont étendus pour une période indéfinie. Cela contrevient à la Loi sur la santé publique en vertu de laquelle l'urgence sanitaire a été déclarée. Selon cette loi, l'état d'urgence sanitaire est en vigueur pendant un maximum de dix jours. Le gouvernement doit alors renouveler l'état d'urgence à chaque dix jours aussi longtemps qu'il juge l'urgence nécessaire, ou à chaque 30 jours s'il cherche le consentement de l'Assemblée nationale. Le gouvernement a proposé un amendement au projet de loi dans lequel l'état d'urgence et ses attaques arbitraires contre les travailleurs du secteur public sont maintenus jusqu'en octobre 2020 et plus longtemps si nécessaire.

Immunité gouvernementale face aux poursuites

Comme ce fut le cas avec le décret de l'état d'urgence sanitaire et les pouvoirs qu'il confère, tout ce projet de loi est conçu pour fournir une immunité totale à l'exécutif gouvernemental. Le préambule du projet de loi dit : « Le projet de loi prévoit une immunité de poursuite judiciaire pour le gouvernement, un ministre, un organisme public ou toute autre personne qui accomplit de bonne foi un acte dans l'exercice de pouvoirs que le projet de loi introduit ou dans l'exécution de mesures prises en vertu de ceux-ci. »

Tout ceci crée une situation très dangereuse pour le peuple et la société québécoise. La pandémie et l'état d'urgence sanitaire, et maintenant la relance de l'économie sont utilisées pour concentrer encore davantage le pouvoir politique en un nombre toujours plus restreints de mains qui sont entièrement subordonnées aux intérêts privés étroits. Par exemple, avec ce projet de loi, le gouvernement peut décider que la formation sécuritaire et les normes et règlements de sécurité sur les chantiers de construction nuisent à l'atténuation des conséquences de la pandémie et à la relance de l'économie. Le fait d'enchâsser ces pratiques régressives dans la loi et de couvrir d'immunité ceux qui les mettent en application est une sérieuse source de préoccupation pour le peuple.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 44 - 7 juillet 2020

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