Des signes de changement en Irlande

Des comités de citoyens enlèvent ou renomment des personnalités et des institutions impérialistes britanniques en Irlande comme partie intégrante du mouvement pour s'investir du pouvoir et s'opposer au colonialisme britannique.

Les rues autour de l'Hôtel de Ville de Belfast, y compris la rue May et Donegall Square ont été renommées en hommage à trois patriotes irlandais, les grévistes de la faim — Joe McDonnell, Bobby Sands et Kieran Doherty — qui ont sacrifié leur vie dans les H-blocks du camp d'internement de Long Kesh en 1981 pour les droits de prisonniers politiques et la cause de la liberté de l'Irlande. Une autre rue est nommée en hommage à James Connolly, le dirigeant communiste à la tête de l'Insurrection de Pâques en 1916. L'université Queen's a été rebaptisée « Mairéad Farrell University Belfast », où des panneaux saillants ont été dressés devant les clôtures d'entrée en hommage à l'ancienne étudiante et volontaire de l'IRA, tuée à Gibraltar alors qu'elle y était en service actif en 1988. Les noms sont aussi un important rappel de la brutalité impitoyable du gouvernement britannique en Irlande sous la direction de la première ministre de cette époque, Margaret Thatcher.

Depuis plusieurs années, de sévères critiques se font entendre sur la façon dont la période coloniale est commémorée en République d'Irlande. Certaines statues ont été officiellement déboulonnées, et d'autres « non officiellement ». Par exemple, il y a la statue d'Horatio Nelson, érigée au centre de ce qui s'appelait la rue Sackville (qui a été renommée rue O'Connell) à Dublin en Irlande. Érigée en 1809 alors que l'Irlande était contrainte à faire partie du Royaume-Uni, elle a survécu pendant plus de 150 ans, jusqu'en mars 1966. Il était fréquemment soulevé qu'une statue érigée en hommage à l'amiral britannique n'avait pas sa place à Dublin à la suite de la proclamation de l'indépendance de l'Irlande et la signature du traité anglo-irlandais en 1921 qui divisait l'île en deux. Après plusieurs années de discussions peu concluantes, la question a été réglée lorsque la statue a enfin été déboulonnée à l'aide de la gélignite, comme le fut l'énorme statue de George II et son cheval, détruite à Stephen's Green en 1937. Les restes de Nelson ont été détruits plus tard par l'Armée républicaine irlandaise, mais sa tête a été conservée dans un musée.

De récentes campagnes sont en cours en Irlande, comme celles de Cork, pour supprimer le nom « Queen Victoria », aussi nommée « la Reine de la Famine », des panneaux de rues. Que la principale statue en son effigie à Leinster House à Dublin ait survécu jusqu'en 1948 (26 ans après la création de l'État libre) relève du miracle. Elle était monarque lorsque l'Irlande était en proie à une famine organisée par les ultra riches propriétaires, alors que des millions de personnes sont mortes de faim ou ont émigré. Après avoir amassé la poussière en Irlande pendant plusieurs années, Victoria a eu droit à un voyage à Sydney en Australie, où elle a été « plantée » devant le Queen Victoria Building malgré certaines offres d'acheteurs canadiens. Le mois suivant, dans un article du Irish Times, Myles na gCopaleen (Brian O'Nolan/Flann O'Brien) n'était pas particulièrement impressionné par son déboulonnage — ses statuts étant plus dommageables que ses statues, affirmait-il. « En plus, pensez-y », écrivit-il. « Ce sont les années qui ont permis à l'Irlandais ordinaire de prendre sa revanche. Le fait est que Victoria a viré au vert. Sa couleur ressemble davantage à celle de nos bonnes vieilles boîtes aux lettres. C'est le prix qu'elle vaut. »

À Belfast, le porte-parole du comité actuel pour le changement des noms de rues et de lieux à Belfast, Pol Torboid, a dit que leur liste de noms de lieux dans chaque coin de la ville comprend « d'éminents individus responsables d'abus historiques en Irlande ».

« Les rues de Belfast, parsemées de l'indigence de son peuple, de ses itinérants et de ses sans-emplois, sont aussi parsemées de noms de ces individus dont l'attitude envers l'Irlande en était une de subjugation et qui, par la force des armes, ont imposé un système politique et économique sur notre peuple. Ce système est devenu la base de la partition et des luttes économiques actuelles menées par le peuple irlandais, a dit Torboid.

« Ces noms de rue et ces monuments en hommage aux individus qui ont semé la misère dans notre pays, sous une forme ou une autre, servent aussi de monuments au système politique et économique qui a contribué à bâtir l'Irlande.

« Ces noms de rue, symboles de l'oppression, de la haine et de la servitude, doivent être enlevés. Ils doivent être remplacés par les noms des personnes qui ont cherché à bâtir une meilleure Irlande, qui ont combattu l'oppression, la haine et la servitude.

« Ils doivent être remplacés par le nom de héros : de gens ordinaires. Non pas de lords, ni de rois ni de reines, mais de ceux et celles qui n'étaient pas les héritiers de leurs immenses fortunes.

« Le seul héritage de ces héros a été celui qu'ils ont tenté de soustraire au système politique qui les injuriait.

« Notre héritage à nous, Républicains, est de mettre fin à l'oppression immortalisée dans les noms de rue et les statues.

« Il est de notre devoir de mettre fin au colonialisme, à la normalisation de l'impérialisme et, par conséquent, au système politique et économique qui les maintient en place. »


15 mai 1937, une statue du roi George gît en pièces à Stephen's Green. La photo en médaillon est celle de la statue telle qu'elle était avant sa destruction.


La statue de Nelson (à gauche) à Dublin a été anéantie en 1966 ; la statue de la reine Victoria (à droite) est déboulonnée de Leinster House en 1948.

(Sources : Irish Republican News, Irish Times et Celtic League. Photos : Lasair Dhearg)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 43 - 30 juin 2020

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