Les manifestations contre le
racisme, la brutalité et l'impunité policières,
et les morts aux mains de la police se poursuivent
Des autorités en conflit entre elles et en conflit avec les conditions
- Voice of Revolution -
Washington, 30 mai 2020
Les nombreux conflits entre le président Trump et
l'armée éclatent au grand jour aux États-Unis. Il
en va de même pour les nombreux conflits entre le
président Trump et les autorités de l'État, comme
les gouverneurs. Ces conflits publics, en
particulier sur le pouvoir d'utiliser la force,
sont des indications de la gravité des
contradictions entre les factions dirigeantes. Ils
servent également à saper davantage la légitimité
de la prétention de ces autorités, qu'elles soient
militaires, fédérales ou étatiques, d'avoir et de
maintenir le monopole de l'usage de la force au
nom de la société.
L'armée n'est pas censée critiquer publiquement
le commandant en chef, car cela constitue en soi
une remise en cause de son autorité. Pourtant,
lorsque Trump a menacé d'envoyer l'armée réprimer
la résistance large et persistante aux nombreuses
morts aux mains de la police et à l'impunité
gouvernementale, non seulement plusieurs généraux
à la retraite se sont-ils exprimés publiquement,
mais des soldats en service actif l'ont également
fait. En effet, l'opposition était telle que le Military
Times, une voix de l'armée, a publié un
article donnant expressément la parole à ceux qui
s'opposent à une telle utilisation de l'armée.
Un capitaine de l'armée américaine a ouvertement
parlé de la possibilité de refuser d'obéir aux
ordres. Il a dit : « Je m'oppose à ces
missions, mais si elles doivent avoir lieu, je
veux être là pour m'assurer qu'elles soient menées
correctement, et cela comprend offrir l'aide
médicale à ceux qui en ont besoin et refuser
d'exécuter des ordres illégaux ou contraires à
l'éthique. »
Un sergent-chef a déclaré : « Je suis
totalement contre l'utilisation de notre personnel
militaire en service actif pour tout type
d'intervention antiémeute. » « Ma raison
principale, a-t-il ajouté, est que mes hommes ne
sont pas formés aux tactiques de contrôle de
foule, elles sont formées pour affronter et
vaincre avec une force mortelle tout ennemi des
États-Unis qui nous attaque », disant
craindre que de tels déploiements ne provoquent la
mort de manifestants. En outre, un certain nombre
de gardes nationaux déjà déployés au niveau de
l'État ont refusé de participer à la répression
des manifestants.
Toute cette opposition ouverte est une indication
que Trump ne parvient pas à unir la bureaucratie
militaire qui est une des responsabilités
principales du président, à savoir la
responsabilité de préserver l'union et d'empêcher
que les conflits entre les autorités n'éclatent en
une guerre civile violente plus ouverte. La
bureaucratie militaire est une force massive. Elle
fait partie de l'appareil d'État qui demeure en
place d'un président à l'autre. Elle est également
déchirée par ses propres conflits tels que ceux
entre la Marine, l'Armée, le Corps des Marines et
l'Armée de l'air ainsi que leurs différents
services de renseignement, et des conflits entre
les nombreuses autres agences de renseignement
telles que la Central Intelligence Agency (CIA) et
la National Security Agency (NSA). Dans le passé,
la guerre impérialiste a souvent été le moyen par
lequel les présidents unissent la bureaucratie,
comme lorsque George W. Bush a envahi l'Irak. Paul
Wolfowitz, un haut responsable du département de
la Défense et architecte de la guerre, a déclaré
que le but de la guerre en Irak n'était pas
d'éliminer les armes de destruction massive, car
il n'y en avait pas, mais plutôt d'unir la
bureaucratie militaire. Mais les efforts de Trump
pour faire de même en utilisant la Syrie ont
jusqu'à présent échoué. En fait, les conflits
deviennent plus ouverts parce que les arrangements
de la gouvernance ne fonctionnent plus. De plus,
avec la grande colère suscitée par la réponse du
gouvernement à la pandémie de la COVID-19 et la
résistance constante, le peuple rejette de plus en
plus les personnes en position d'autorité les
considérant inaptes à gouverner.
De plus en plus de conflits entre le
gouvernement fédéral et les États
La Garde nationale se masse dans une rue de
Seattle le 4 juin 2020
Le problème de la préservation de l'union face à
ces conflits entre les différentes autorités et au
sein des différentes autorités, et entre
l'exécutif et l'armée se manifeste également dans
les conflits entre le gouvernement fédéral et les
gouvernements des États, y compris les gouverneurs
des États. Alors que la résistance se propage et
persiste dans tout le pays pour demander justice
pour George Floyd et tous les autres cas de morts
à motivation raciale aux mains de la police, Trump
menace les gouverneurs et les maires : « Si
une ville ou un État refuse de prendre les mesures
nécessaires pour défendre la vie et les biens de
leurs résidents, alors je déploierai l'armée
américaine et je réglerai rapidement le problème
pour eux. »
Les gouverneurs ont immédiatement réagi. Le
gouverneur de la Californie Gavin Newsom et le
gouverneur de New York Andrew Cuomo ont dit « non
merci ». Le gouverneur de l'Illinois J.B.
Pritzker a dit : « Je rejette l'idée que le
gouvernement fédéral puisse envoyer des troupes
dans l'État de l'Illinois. » Il a déclaré que
« la rhétorique de Trump attise les
flammes », qu'elle « aggrave les
choses » et que « nous devons appeler à une
réforme de la police ». La gouverneure du
Michigan, Gretchen Whitmer, a qualifié les
remarques du président de « dangereuses » et
déclaré qu'elles devraient être « très
préoccupantes pour tous les Américains », car
elles « ne feraient que conduire à plus de
violence et de destruction ». Le gouverneur
du Massachusetts Charlie Baker, un républicain, a
déclaré : « Trop souvent au cours de ces
dernières semaines, alors que le pays avait le
plus besoin de compassion et de leadership,
ceux-ci étaient tout simplement
introuvables. » Le gouverneur de l'État de
Washington Jay Inslee a également rejeté la menace
de Trump. La gouverneure de l'Oregon, Kate Brown,
a déclaré : « Vous ne désamorcez pas la
violence en mettant des soldats dans les
rues. » Le gouverneur du Nevada Steve
Sisolak, rejetant l'idée d'une intervention
fédérale, a dit : « En tant que commandant en
chef de la Garde nationale du Nevada, je peux
affirmer catégoriquement qu'elle a fait son devoir
de protéger tous les résidents du Nevada et
qu'elle continuera de le faire. »
Les gouverneurs ne rejettent pas l'usage de la
force contre les justes demandes du peuple; ils
affirment leur revendication à l'autorité dans
leur État respectif et demandent une limitation de
l'intervention fédérale. En fait, la plupart
avaient déjà agi pour réprimer violemment la
résistance en faisant appel à la Garde nationale à
leur disposition. La Californie et l'Illinois ont
été parmi les premiers à le faire, mais
Washington, le Minnesota et plus de 30 États
l'ont fait également. Beaucoup étaient munis
d'armes automatiques. Le gouverneur de New York a
dit avoir 13 000 soldats prêts à
intervenir.
Les forces à la
disposition des gouverneurs comprennent des
milliers de soldats de la Garde nationale, ainsi
que des policiers de l'État. En coordination avec
les maires, ils disposent d'immenses forces
policières militarisées. Les grandes villes comme
New York, Chicago et Los Angeles ont pratiquement
leurs propres armées, avec des centres de
commandement, des chars d'assaut, des
hélicoptères, des lance-grenades, des armes
chimiques telles que les gaz lacrymogènes, des
équipes d'intervention tactique lourdement armées,
des équipes spéciales d'intervention d'urgence
pour les manifestations, etc. La menace de Trump a
créé une situation où la Garde nationale et la
police d'État entreraient en conflit direct avec
les troupes mobilisées par le gouvernement fédéral
— ce que les cercles dirigeants veulent éviter et
sans doute est-ce la raison pour laquelle la
menace de Trump en est restée là. Or, la désunion
et les menaces croissantes à l'union que ces
conflits représentent demeurent.
Des États comme la Californie et New York peuvent
facilement devenir des pays en soi. Andrew Cuomo
utilise régulièrement l'expression État-Empire
(Empire State) pour parler de l'État de New York.
Des régions comme le Midwest et le Nord-Est
pourraient également devenir des pays en soi. De
plus, les affirmations des gouverneurs au sujet de
la réforme, à l'effet que la « rhétorique »
attise les flammes, que les troupes fédérales
signifieraient « plus de violence et de
destruction », alors que ce ne serait pas le
cas pour les forces étatiques et locales, sonnent
creux à la lumière du nombre croissant de cas de
violence policière dans une ville après l'autre,
grande ou petite. Bien que ces différentes
autorités soient en conflit les unes avec les
autres, elles deviennent toutes plus antagonistes
que jamais envers le peuple, malgré leurs
tentatives de paraître comme étant de son côté.
Les autorités existantes ne sont en mesure de
résoudre aucun problème et menacent de recourir
davantage à la violence et à la destruction, tant
au pays qu'à l'étranger. L'autorité est en conflit
avec les conditions et bloque le progrès de la
société, comme en témoigne la répression violente
du vaste mouvement de résistance. Ce mouvement est
en train de tracer une voie à suivre et a
l'initiative dans la formulation d'un changement
fondamental, une démocratie faite par le peuple
qui permet au peuple de gouverner et de décider.
À titre d'information
Extraits de l'article du Military Times
Bien que les responsables de la défense aient
affirmé que les troupes sur place seront là
uniquement pour faire preuve de présence et pour
dissuader, plutôt que pour faire des arrestations
ou utiliser les armes contre des manifestants, les
commentaires du président Donald Trump ont sonné
l'alarme. Ils ont lancé l'alerte dans certains
milieux sur le fait que la Maison-Blanche politise
l'armée quand elle menace de déployer des soldats
en service pour disperser les manifestations
pacifiques suite au décès de George Floyd le 25
mai par un policier de Minneapolis que les
procureurs ont qualifié de meurtre.
« Je mobilise toutes les ressources fédérales et
locales, civiles et militaires pour protéger les
droits des Américains respectueux de la loi, a
déclaré Trump le 1er juin à la
Maison-Blanche, citant la Loi de 1807 sur
l'insurrection. Aujourd'hui, j'ai vivement
recommandé à chaque gouverneur de déployer la
Garde nationale en nombre suffisant pour dominer
les rues. Les maires et les gouverneurs doivent
établir une présence écrasante jusqu'à ce que la
violence soit réprimée. »
Pour clarifier, Trump n'a pas mobilisé de
ressources fédérales et locales ni invoqué la
Loi sur l'insurrection, car les forces
policières et les troupes de la Garde nationale
agissent sous les ordres des maires et des
gouverneurs.
La mission n'est pas très différente de celle que
certains soldats en service actif effectuent le
long de la frontière mexicaine depuis près de deux
ans, aidant les services de douanes et les
patrouilles frontalières à surveiller et à
sécuriser, mais sans détenir des personnes
physiquement.
Mais la situation s'est rapidement détériorée
pour de nombreux membres actuels du service qui
ont partagé leurs points de vue avec le Military
Times. Sur les 33 réponses de soldats
en service actif et de réserve examinées avant la
publication, 30 étaient opposées à
l'utilisation de troupes contre les manifestants.
« L'utilisation de l'armée pour réprimer les
protestations et seconder les efforts bâclés de la
police pour contrôler ces manifestations, en
particulier par le recours à la force illégale, ne
fera que provoquer davantage de protestation, a
déclaré un sous-officier de la Garde nationale. Il
s'agit d'une escalade et non d'une désescalade. Y
envoyer l'armée à cause de l'inaction et des
défaillances de la police ne fait qu'effacer la
ligne qui les sépare et exposerait les militaires
et les civils à un plus grand risque. La
répression avec un tel autoritarisme ne fait que
politiser davantage l'armée et érode la confiance
que le public a en nous. Il n'y a pas de victoire
dans ce scénario. » [...]
Outre le message que pourrait envoyer le
déploiement de troupes en service actif, d'autres
se sont demandé si elles étaient nécessaires.
« Je ne pense pas que des déploiements de
militaires en service actif soient nécessaires,
surtout pas à Washington, écrit un capitaine de
l'armée en service actif. Je crois que le
président déploie l'armée pour des raisons
politiques et notre réputation sera
irrémédiablement endommagée par cette
association. »
Plus précisément, le secrétaire à la Défense Mark
Esper a autorisé la mobilisation du 82e
bataillon d'infanterie de la Division aéroportée,
du quartier général de la 16e brigade de
police militaire de Fort Bragg en Caroline du Nord
et du 91e bataillon de police militaire de
Fort Drum, New York, dans la ville de Washington.
Mais le 3 juin, il a précisé dans un
briefing du Pentagone qu'il ne pensait pas qu'il
soit nécessaire de les employer dans un rôle qui
appartient aux forces de l'ordre.
« L'option d'utiliser des forces en service actif
pour faire appliquer la loi ne devrait être
invoquée qu'en dernier recours, et uniquement dans
les situations les plus urgentes et les plus
désastreuses, a-t-il dit. Nous ne sommes pas dans
une de ces situations maintenant. Je ne soutiens
pas le recours à la Loi sur l'insurrection. »
[...]
En même temps, ces forces en service attendent
des instructions dans les bases de la région du
District de Columbia, a déclaré le porte-parole du
Pentagone Jonathan Hoffman le 2 juin.
Certains membres des services ont de la difficulté
à se réconcilier à l'idée de faire leur travail, a
déclaré le capitaine de l'armée, si tels sont
leurs ordres.
« Je m'oppose à ces missions, mais si elles
doivent avoir lieu, je veux être là pour m'assurer
qu'elles soient menées correctement, et cela
comprend offrir l'aide médicale à ceux qui en ont
besoin et refuser d'exécuter des ordres illégaux
ou contraires à l'éthique », a-t-il déclaré.
Les déploiements pourraient également avoir un
impact sur la façon dont le public voit la Garde
nationale, a-t-il ajouté, après toute la bonne
volonté accumulée dans le cadre de la réponse à la
pandémie de la COVID-19 qui, à son apogée, a vu
plus de 45 000 gardes tenir des sites de
test et de dépistage, livrer de la nourriture et
agir autrement à titre humanitaire.
« Cela contraste également avec la réponse du
président à la pandémie du coronavirus, dans
laquelle il s'est soustrait à la responsabilité du
gouvernement fédéral de jouer un rôle actif et a
exhorté les gouverneurs des États à faire les
choses eux-mêmes, car ce n'était pas le travail du
gouvernement fédéral », écrit un chef de la
marine en service actif.
Ce discours pourrait avoir encore d'autres
répercussions, notamment sur les efforts de
recrutement de la Garde nationale. « Elle
s'inquiète que tous les efforts faits pour rendre
la garde diversifiée et inclusive soient érodés si
l'on demande aux soldats d'être aux côtés des
policiers, écrit un lecteur à propos de son
épouse, une recrue de la Garde nationale dans le
Sud. Elle a des réunions de recrutement avec deux
personnes aujourd'hui. Les deux jeunes hommes sont
noirs. Elle ne sait pas quoi leur dire. »
Et en ce qui concerne les soldats en service
actif, certains ont exprimé leur inquiétude quant
à la façon dont ils se comporteraient dans un
scénario de contrôle de foule.
« Je suis totalement contre l'utilisation de
notre personnel militaire en service actif pour
tout type d'intervention antiémeute, écrit un
sergent-chef. Ma raison principale est que mes
hommes ne sont pas formés aux tactiques de
contrôle de foule, ils sont formés pour affronter
et vaincre avec une force mortelle tout ennemi des
États-Unis qui nous attaque. »
Si la police militaire est mobilisée pour assurer
la sécurité, il se demande si son entraînement au
combat influencerait son action.
« Mes soldats n'ont pas l'intention de laisser
quelqu'un leur jeter des objets ou les
attaquer sans riposter à l'aide d'un moyen de
force qui sera jugé approprié pour ce type de
situation, surtout s'ils ont des balles réelles
dans leur M-4, ajoute-t-il. Désolé de le dire,
mais il y aura des morts parmi les
émeutiers. »
Au-delà du mouvement des troupes, certains
lecteurs ont commenté les actions des plus hauts
dirigeants de l'armée face à la réponse de la
Maison-Blanche aux manifestations et aux émeutes.
« C'est une chose de garder le silence. C'en est
une autre quand nos dirigeants au Pentagone
participent à la politisation de l'armée, écrit un
lieutenant juge-avocat de la Marine. L'utilisation
de gaz lacrymogènes contre des manifestants
pacifiques en direct à la télévision, puis la
séance de photos de Trump [1er juin] étaient
honteuses. L'utilisation d'hélicoptères à
Washington pour intimider les manifestants est
honteuse. C'était triste de voir le général [chef
d'état-major Mark] Milley se donner en spectacle à
Washington. Les dirigeants doivent être des
leaders. Prenez position. Démissionnez. Ne laissez
pas l'armée tomber dans la démagogie de
Trump. » [...]
Durant un échange téléphonique de la
Maison-Blanche avec les gouverneurs, le secrétaire
à la Défense Esper a comparé les villes
américaines à des zones de guerre.
« La déclaration du secrétaire à la Défense Mark
Esper selon laquelle nous devrions 'dominer
le champ de bataille' dans les villes américaines
était épouvantable, écrit un officier de réserve
de l'armée de terre basée à Washington. La place
Farragut n'est pas Falloujah. Les gens qui
protestaient pacifiquement hier n'étaient pas des
combattants, ce sont nos compatriotes
américains. »
Voice of Revolution est une publication
de l'Organisation marxiste-léniniste des
États-Unis.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 43 - 30 juin 2020
Lien de l'article:
Les manifestations contre le
racisme, la brutalité et l'impunité policières, : Des autorités en conflit entre elles et en conflit avec les conditions - Voice of Revolution
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