Dangereux exercices bellicistes du Commandement du Nord

Le 28 mai, le Commandement du Nord du Pentagone (NORTHCOM) a lancé un exercice de guerre de quatre jours sur la côte nord-est des États-Unis et du Canada. Il est sans précédent dans la mesure où il implique également les commandements spatial, de transport et stratégique des États-Unis.

Le US Navy Times rapporte que « le porte-avions USS Harry S. Truman et son escadre aérienne se joindront aux avions de chasse canadiens [CF-18 - note du LML] et aux F-15 des forces aériennes des États-Unis pour effectuer des interceptions contre des avions hostiles pendant l'exercice qui a commencé jeudi et se terminera dimanche.

[...]

« Un bombardier B-1B des forces aériennes des États-Unis sera également utilisé comme ennemi dans le but d'infiltrer l'espace aérien des États-Unis.

« En cours de route, les hauts gradés militaires espèrent que l'exercice pourra renforcer la capacité des militaires à communiquer et à partager des informations en temps réel selon un tel scénario, rapporte NORTHCOM.

« Le Commandement de transport des États-Unis fournit des navires et avions-citernes de ravitaillement le long de la côte pour soutenir les forces de défense pendant l'exercice, et le Commandement spatial fournit des communications par satellite et GPS.

« 'Diriger des opérations de commandement de multiples forces de combat complexes réparties dans plusieurs domaines démontre que nous sommes prêts à défendre notre patrie, malgré la COVID-19', a déclaré dans un communiqué le général Terrence O'Shaughnessy des forces aériennes et chef du NORTHCOM (et de NORAD). »

Le 29 mai, le Commandement du Nord des États-Unis a gazouillé « Le général O'Shaughnessy, @NORAD Command & NORTHCOM CDR, a rendu visite au USS Harry S. Truman pour notre exercice unique de défense du territoire (#Homeland Defense) dans l'Atlantique ! Malgré # COVID19, nous sommes prêts à défendre la patrie ! »

Le Groupe aéronaval d'attaque Truman est composé du porte-avions amiral de classe Nimitz USS Harry S. Truman (CVN-75) et de neuf escadrons de Carrier Air Wing (CVW) 1, du croiseur lance-missiles de classe Ticonderoga USS Normandy (CG-60) et du destroyer lance-missiles de classe Arleigh Burke USS Forrest Sherman (DDG-98).

Alors que l'exercice est faussement présenté comme « défensif », l'exercice précédent de ce groupe d'attaque était clairement une répétition d'une agression par voies terrestre, aérienne et marine. Le U.S.Naval Institute a indiqué que du 12 au 18 mai, le groupe d'attaque « a mené une semaine d'exercices d'intégration aéronavale avec le 2e groupe aéronaval » basée en Caroline du Nord. « La semaine d'intégration de jour comme de nuit a commencé par des exercices de soutien aérien rapproché, au cours desquels les forces terrestres se sont coordonnées avec des avions de chasse de la Marine pour frapper des cibles. »

NORTCOM ne donne aucun autre détail sur le lieu du récent exercice ni sur le nombre d'avions de guerre de l'Aviation royale canadienne (ARC) qu'elle a ordonné de « défendre la patrie ».

La page Twitter officielle de l'ARC est muette sur sa participation, une caractéristique de la politique du secret d'un gouvernement qui décrète que le nombre de membres des forces armées infectés par la COVID-19 est une question de sécurité nationale. Les deux derniers gazouillis présentent le parachutage de vivres à 13 personnes isolées sur une île au sud-ouest de Puvirnituq, au Québec, et le retour d'une mission de 30 hommes qui ont fourni un soutien logistique radar en Islande.

Cet exercice est dangereux si l'on tient compte des plans de déclarer la loi martiale aux États-Unis, comme en témoignent la grande agitation sociale contre la mort d'Afro-américains aux mains de la police, le déploiement de policiers militarisés et de troupes de la Garde nationale fédérale et d'État au nombre totalisant plus de 64 000 hommes, dans une « guerre contre le coronavirus », de beaucoup accrues depuis le 1er juin dans la « guerre contre l'extrémisme violent», et les affrontements entre la Maison-Blanche et les gouverneurs des États sur le contrôle de la violence causée par la machine d'État et l'opposition du pouvoir militaire face à l'ingérence du pouvoir exécutif.

William Arkin, l'un des analystes les plus en vue sur la sécurité aux États-Unis, a déclaré le 13 mars à Newsweek que le 1er février, « le secrétaire américain à la Défense, Mark T. Esper, a signé des ordres d'exécution ordonnant au NORTHCOM de mettre en place des plans à l'échelle nationale en cas de pandémie ». Il a rapporté que « secrètement, il a signé des ordres d'avertissement (le WARNORD comme on l'appelle) alertant le NORTHCOM et une multitude d'unités de la côte est de 'se préparer à se déployer' en appui à de potentielles missions extraordinaires ». Ces missions sont codifiées dans une série de sept plans secrets impliquant « la continuité du gouvernement et la protection de la présidence ».

Quand « l'autorité en cas d'urgence » de l'armée sera-t-elle requise ? « Traditionnellement, on y pense après qu'un engin nucléaire ait explosé sur une ville américaine. Mais maintenant, les planificateurs envisagent une réponse militaire à la violence urbaine alors que les gens cherchent à se protéger et se disputent pour la nourriture. Et, selon un officier haut-gradé, dans l'éventualité de l'évacuation complète de Washington », rapporte Arkin. Tous ces plans relèvent de la responsabilité du Commandement du Nord du Pentagone.

En outre, l'exercice provocateur coïncide avec l'annonce par l'administration Trump du retrait des États-Unis du traité Open Skies (Ciel ouvert) dans le cadre de démanteler les arrangements d'après-guerre, qui ne servent plus ses intérêts. Le traité est un mécanisme international de contrôle des armements signé et ratifié par 34 pays, notamment par la Russie et les États-Unis, mais aussi par presque tous les membres européens de l'OTAN. Comme à l'accoutumée, Washington fait porter le blâme de sa décision à la Russie et répand la désinformation sur « l'espionnage russe » aux États-Unis, d'où cet exercice. Ottawa emboîte le pas, pour détourner l'attention du fait que les États-Unis, par l'intermédiaire du Commandement du Nord/NORAD, font peser sur le monde le danger d'une guerre nucléaire dans laquelle les forces canadiennes seront déployées pour défendre la « patrie ». Arlkin écrit que les justifications doivent « présenter une pression catastrophique suffisamment grande pour justifier le mouvement vers des actions extraconstitutionnelles et vers des plans pour des circonstances extraordinaires », qui pourrait être de prétendues incursions russes ou de missiles chinois. L'année dernière, Trump a invoqué le danger d'« invasions » à la frontière avec le Mexique huit fois dans un seul discours pour justifier le déploiement de près de 10 000 soldats, créant le spectre d'une invasion du Mexique.

Le traité autorise les pays à effectuer des vols de reconnaissance au-dessus du territoire respectif des autres, le nombre de vols dépend de la taille respective de chaque pays. Les États-Unis et la Russie, par exemple, sont chacun autorisés à effectuer 42 vols par an et l'Allemagne douze. Plus de 1500 vols d'observation ont été effectués depuis 2002, dont environ 500 sur les territoires russe et biélorusse par les États-Unis (200) et par d'autres pays de l'OTAN (300), selon l'Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP) à Berlin. La Russie n'a effectué que 70 vols au-dessus du territoire américain, beaucoup plus au-dessus des pays européens membres de l'OTAN, qui sont d'une importance capitale pour les préparatifs d'une éventuelle agression par les États-Unis et l'OTAN.

(Sources : Navy Times, U.S. Naval Institute of Proceedings, german-foreign-policy.com, Newsweek)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 39 - 6 juin 2020

Lien de l'article:
Dangereux exercices bellicistes du Commandement du Nord - Tony Seed


    

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