Opposition aux sanctions et blocus impérialistes

Des représentants de haut niveau des pays touchés demandent la levée des sanctions économiques

Le 9 mai, dans le cadre d'une campagne internationale appelant à la levée des sanctions et des blocus partout, un webinaire parrainé par la coalition Sanctions Kill basée aux États-Unis a fourni une plateforme aux représentants de six pays soumis à des sanctions économiques américaines pour expliquer comment cette forme de la guerre affecte leurs pays, en particulier leur capacité à faire face à la pandémie de la COVID-19. Plus de 1 000 personnes du monde entier ont assisté au webinaire et 4 000 autres l'ont regardé en direct sur Facebook.

Sur les 193 États membres des Nations unies, 39 font actuellement l'objet d'une guerre économique sous la forme de mesures coercitives unilatérales, également appelées sanctions économiques. Les seules sanctions considérées comme légales en vertu du droit international sont celles approuvées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Toutes les autres, telles que celles que les États-Unis ont mises en place unilatéralement contre plus de 30 pays et une multitude d'individus et d'organisations sous divers prétextes, violent la Charte des Nations unies et les normes du droit international et de la diplomatie. Elles sont illégales et constituent des actes de guerre visant les populations des pays ciblés, bien que, par un cynisme éhonté, elles soient présentées par ceux qui imposent et soutiennent ce type de coercition comme étant « non violentes » et « pacifiques ». Les États-Unis maintiennent des mesures coercitives unilatérales de différents types, y compris celles qui sont dites complètes en ce sens qu'elles visent les populations de pays ou de régions avec lesquels presque toute transaction liée aux États-Unis est interdite. Ces mesures s'appliquent actuellement à l'Iran, à la Syrie, à Cuba, au Venezuela, à la République populaire démocratique de Corée et à la République de Crimée.[1]

Les États-Unis et certains de leurs alliés, y compris les gouvernements d'Europe et du Canada, appliquent également ce qu'ils appellent des sanctions ciblées, qui visent des individus et des entités et en vertu desquels les citoyens et résidents américains n'ont pas le droit d'avoir des transactions financières ou de tout autre type avec eux. Les sanctions ciblées comprennent également pour les personnes visées des interdictions de voyager ou des « interdictions de territoire » dans le pays appliquant les sanctions et le gel ou la saisie de biens ou d'avoirs que ces personnes ou entités pourraient avoir dans le pays, etc.

Ce que les représentants des pays sanctionnés avaient à dire

La Représentante permanente suppléante de Cuba auprès de l'ONU, Ana Silvia Rodriguez, a ouvert la conférence en rappelant que le blocus économique, financier et commercial que les États-Unis imposent à Cuba depuis 1962 a été renforcé par un éventail de restrictions et de lois adoptées au fil des ans. Elle a expliqué que depuis un an en particulier, les États-Unis ont intensifié leur agression en ciblant l'industrie du tourisme et en bloquant des expéditions de carburant, de matériel médical et d'autres fournitures nécessaires pour lutter contre la pandémie. La représentante cubaine a déclaré que le multilatéralisme et la solidarité anti-impérialiste sont nécessaires pour contrer le blocus.

Dans une déclaration lue en son nom, le Dr Frank Guni, un représentant de la ZANU-PF en Amérique du Nord, a rappelé que le Zimbabwe avait été soumis à des mesures coercitives unilatérales visant à forcer un changement de régime depuis 2001. Il a expliqué que les États-Unis avaient l'intention de détruire l'économie de son pays parce que, du point de vue des États-Unis et d'autres qui cherchent à recoloniser l'Afrique, la lutte du Zimbabwe pour l'indépendance et la restitution des terres au peuple représente un mauvais exemple pour la Namibie et d'autres pays de la région. Il a dit que, s'appuyant sur son expérience antérieure dans la gestion des catastrophes naturelles et des épidémies, le Zimbabwe a été en mesure de limiter l'impact de la COVID-19. Il a qualifié les sanctions contre le Zimbabwe de déclaration de guerre, ajoutant que c'est une guerre « que nous devons gagner ».

L'ambassadeur du Nicaragua aux États-Unis, Francisco Campbell, a expliqué que les États-Unis utilisaient leur influence internationale pour restreindre l'accès du Nicaragua aux prêts en violation du droit international. Il a dit qu'en dépit des sanctions américaines affectant le système de santé du Nicaragua et sa capacité à gérer la COVID-19, le travail de ses brigades de santé publique dans les communautés, la mise en oeuvre de politiques liées à la distanciation sociale et à la recherche des contacts, les accords de contrôle des frontières avec les pays voisins et l'aide fournie par la Chine, Cuba et d'autres pays ont permis de limiter considérablement la propagation du virus.

L'ambassadeur permanent de la Syrie auprès des Nations unies, Bachar Jaafari, a souligné que deux milliards de personnes - près de 20 % de l'humanité - sont touchées par des mesures coercitives unilatérales à l'heure où la lutte contre la pandémie de coronavirus exige la coopération de tous les gouvernements. De plus, a-t-il dit, les États-Unis et d'autres qui suivent leur exemple dans l'application de mesures coercitives unilatérales font des ravages sur la question du droit fondamental à des choses telles que les soins de santé et l'éducation. Le représentant syrien a déclaré que tous les secteurs économiques de base de la Syrie sont touchés par des sanctions illégales et illégitimes. « La Banque centrale de Syrie n'est pas en mesure d'accéder à ses fonds, gelés par les sanctions et les pressions américaines sur les banques internationales. Les sanctions équivalent à du terrorisme sanitaire, en plus du terrorisme politique, économique, financier, médiatique et militaire des États-Unis », a-t-il déclaré.

Bachar Jaafari a expliqué que les soi-disant exemptions humanitaires accordées par le département du Trésor américain ont été et sont toujours soumises à des considérations politisées, de sorte que cette aide qui, selon lui, comprend des armes, est livrée exclusivement dans les zones sous le contrôle de groupes terroristes armés.

L'ambassadeur de la Syrie s'est félicité des récentes déclarations faites au Conseil de sécurité des Nations unies contre les mesures coercitives unilatérales et par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui a appelé à la levée des sanctions, mais il a noté que plusieurs projets de résolution et de déclaration présentés par des dizaines de membres de l'ONU ne contiennent aucune référence à l'appel de Guterres en raison de l'infiltration de ceux qu'il appelle les faux humanitaires occidentaux.

Le vice-ministre des Affaires étrangères de l'Amérique du Nord de la République bolivarienne du Venezuela, Carlos Ron, a rappelé que son pays était soumis à des mesures coercitives unilatérales depuis 2006, mais que celles-ci se sont intensifiées en 2014, juste avant qu'Obama ne publie son décret de 2015 déclarant le Venezuela « une menace extraordinaire pour la sécurité des États-Unis ». Il a également précisé que toutes les tentatives du Venezuela d'importer des produits alimentaires et médicaux qui, selon les États-Unis, sont exemptés de leurs sanctions, sont en fait bloquées, généralement par des banques qui refusent de recevoir des paiements du Venezuela, étant donné la domination américaine dans le système financier international. Comme dans le cas de la Syrie, de l'Iran et de Cuba, il a déclaré que les mesures punitives illégales américaines ciblaient tous les secteurs de l'économie du Venezuela. Les fournisseurs ne vendront pas au Venezuela par crainte de sanctions des États-Unis ou facturent deux ou trois fois le prix de leurs produits. Il en va de même pour les assureurs d'expédition et les expéditeurs.

Carlos Ron a expliqué que le Venezuela a entrepris un recours contre les États-Unis à la Cour pénale internationale pour leurs actes de châtiment collectif et d'extermination contre le peuple vénézuélien. Il a également dénoncé le fait qu'au milieu de la pandémie de la COVID-19, les États-Unis organisent leurs plus grands exercices militaires depuis 30 ans dans les Caraïbes, non loin des côtes du Venezuela. Il a toutefois rappelé que, face à tout cela, avec la solidarité de Cuba, de la Chine et de la Russie, avec l'aide de l'Organisation mondiale de la santé et en s'appuyant sur ses mesures originales de santé publique et sur les efforts des organisations populaires, le Venezuela réussit à gérer la pandémie, notant que c'est le pays qui administre le plus de tests dans la région.

L'ambassadeur iranien auprès de l'ONU, Madjid Takht-Ravanchi, a déclaré que les mesures coercitives unilatérales contre l'Iran étaient les plus drastiques jamais imposées à un pays et qu'elles gênent sa capacité de traiter les personnes atteintes de la COVID-19 malgré le niveau professionnel élevé du personnel médical iranien. Il a également souligné qu'il était faux que les sanctions américaines ne s'appliquent pas aux fournitures médicales, rappelant que la filière suisse que l'Iran utilise pour les transactions internationales est soumise à une pression féroce de la part des États-Unis et que plusieurs fournisseurs médicaux ont récemment cessé leurs expéditions vers l'Iran parce que les États-Unis les ont rendues pratiquement impossibles. Tout le monde craint d'être accidentellement pris dans la toile des sanctions américaines en raison de l'ampleur de leur portée, a-t-il souligné.

Sanctions Kill a annoncé qu'il parrainera des webinaires et d'autres efforts et actions sur les sanctions pendant la crise de la COVID-19 et préparera une semaine internationale d'actions contre les sanctions imposées par les États-Unis et la guerre économique du 25 au 31 mai. De plus amples informations, ainsi que des liens vers le webinaire, sont disponibles sur sanctionskill.org.

Note

1. Gibson Dunn, l'un des nombreux cabinets d'avocats qui ont proliféré dans le monde entier à titre de conseillers d'entreprises sur la façon d'éviter de tomber sous le coup des mesures coercitives unilatérales américaines de tous types, déclare dans sa mise à jour des sanctions de fin d'année pour 2019 :

« Les sanctions promulguées par l'Office of Foreign Assets Control du département du Trésor américain (OFAC) sont devenues une partie de plus en plus importante de la politique étrangère américaine sous l'administration Trump. Pour la troisième année consécutive, l'OFAC a mis sur la liste noire plus d'entités qu'il n'en avait sous aucune administration précédente, ajoutant une moyenne de 1 000 noms à la liste des ressortissants spécialement désignés et des personnes bloquées (SDN) chaque année - plus de deux fois l'augmentation moyenne annuelle observée sous la présidence de Barack Obama ou de président George W. Bush. Les cibles incluaient les grandes compagnies pétrolières publiques telles que Petroleos de Venezuela, SA (PdVSA), des alliés américains ostensibles tels que la Turquie (et - presque - l'Irak), les grandes compagnies maritimes, des responsables étrangers impliqués dans des allégations de corruption et d'abus, les trafiquants de drogue, les fraudeurs, etc. Comme si une seule liste noire ne suffisait pas, certaines entités ont eu le malheur d'être désignées plusieurs fois sous différentes autorités réglementaires - chaque nouvelle annonce entraînant une large couverture médiatique, mais peu d'impact pratique. Au dernier décompte, le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien a été sanctionné en vertu de sept autorités de sanctions distinctes. Désireux d'exercer ses propres pouvoirs dans ce qui était traditionnellement une prérogative uniquement présidentielle, le Congrès américain a proposé en 2019 des dizaines de projets de loi pour accroître le recours aux sanctions. S'ajoutant à l'impact de nouvelles sanctions expansives, les sanctions de l'OFAC ont atteint un record de plus de 1,2 milliard de dollars américains.

« Alors que le président Obama a décrit son équipe de sanctions comme étant son 'commandement combattant' préféré (le comparant aux forces militaires traditionnelles employées par les États-Unis), le président Trump a véritablement décuplé le pouvoir des sanctions de l'OFAC - les employant fréquemment, rapidement et unilatéralement. L'administration Trump a annoncé de nouvelles sanctions 82 fois en 2019, éclipsant le record précédent établi en 2018. »

Dans sa mise à jour, Gibson Dunn fait référence aux « directives de conformité » de l'OFAC pour les sanctions qu'il administre, montrant comment les blocus américains ont ciblé des pays tels que Cuba, le Venezuela, l'Iran et d'autres en prenant des mesures punitives extraterritoriales contre des pays et entités non sanctionnés pour violation de ses sanctions économiques et autres sanctions illégales contre les pays et les individus visés. Ces mesures pernicieuses sont également appelées sanctions secondaires. L'OFAC met en garde les organisations et les individus qui voudraient éviter les pénalités pour violation des sanctions américaines de ne pas recourir aux pratiques telles que « faciliter les transactions par des personnes non américaines ; exporter ou réexporter des biens, des technologies ou des services d'origine américaine vers des personnes ou des pays sanctionnés par l'OFAC ; et utiliser des méthodes de paiement ou des pratiques commerciales inhabituelles. »

(Source : International Action Center)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 36 - 27 mai 2020

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