Les mises à pied chez Air Canada
- Garnet Colly -
Après deux mois d'incertitude et d'instabilité,
Air Canada a annoncé la semaine dernière des
licenciements massifs pouvant aller
jusqu'à 60 % de ses effectifs, soit
jusqu'à 20 000 employés.
Avec la propagation de la COVID-19, le transport
aérien a été l'un des secteurs de l'économie qui a
été sérieusement et rapidement touché. Le
transport des passagers vers diverses destinations
a diminué immédiatement, suivi par les fermetures
par les pays de leurs frontières aux vols
internationaux. On en est arrivé au point où les
compagnies aériennes au Canada déclarent qu'elles
fonctionnent à 5 % de la capacité
qu'elles avaient l'an dernier. Ceci, conjugué à
l'annulation d'une multitude de vols, a conduit à
une insécurité croissante des employés des
compagnies aériennes dans tous les services.
En mars, Air Canada a déjà mis à
pied 16 500 agents de bord, mécaniciens
et agents du service à la clientèle qu'ils ont
réembauchés en avril dans le cadre de la
Subvention salariale d'urgence du Canada (SSUC),
le gouvernement payant 75 % du salaire
jusqu'à un maximum de 847 dollars par
semaine, ce qui ne s'appliquait qu'aux personnes
situées au sommet de l'échelle salariale qui ont
travaillé le maximum d'heures. Les nouveaux
employés et ceux qui se situent au bas de
l'échelle des salaires ont déjà du mal à joindre
les deux bouts même avec 100 % de leur
salaire lorsqu'ils travaillent à plein temps.
Les entreprises étaient « libres » de verser
leur part en sus du SSUC (oui, cela s'appelle un «
supplément » pour le 25 % restant,
mais, bien sûr, elles ont toutes déclaré qu'elles
ne pouvaient pas se permettre de le faire). Alors
même que ce programme a maintenant été prolongé
jusqu'au 29 août, Air Canada semble avoir
jusqu'à présent décidé de ne pas poursuivre le
programme au-delà du 6 juin.
Non seulement Air Canada n'a pas encore annoncé
ses horaires des vols pour le mois de juin, mais
elle n'a pas fait d'annonce définitive quant aux
éventuelles mesures d'atténuation qu'elle mettra
en place au-delà des protections de base de la
convention collective. Pour le service en vol,
celles-ci comprennent un « programme de
démission » avec des privilèges de voyage
continus, mais de moindre priorité ; un
programme de congé spécial sans perte d'ancienneté
ou de service accumulé en ce qui a trait aux
retraites et avec des congés offerts pour des
périodes de 6, 12, 18 et 24
mois ; et un programme réduit du nombre de
vols, permettant aux agents de bord de travailler
environ la moitié du nombre normal d'heures, tout
en conservant leurs avantages sociaux, mais devant
fournir un montant à la pension et à l'assurance
pour compenser la perte de salaire en cas
d'invalidité de longue durée.
La composante Air Canada du SCFP, qui représente
les agents de bord, avait également présenté
l'idée de forfaits de séparation volontaire, de
mesures provisoires pour les pensions et
d'incitatifs financiers de séparation comparables
à ce que la haute direction et les pilotes avaient
reçus. L'entreprise a indiqué que ce n'était pas
quelque chose qui serait réalisable, « en raison
de la crise financière et des passifs actuels de
la compagnie ». Curieusement, ce problème ne
semble pas avoir affecté leur décision quant à la
réduction des effectifs au sein de la haute
direction.
Les
syndicats qui représentent les travailleurs des
différents services ont sollicité l'entreprise
pour réduire le nombre de licenciements - y
compris la poursuite de la participation à la SSUC
jusqu'à son expiration - mais c'est évident que la
compagnie est déterminée à maintenir l'ancienne
manière de faire des choses, intéressée uniquement
à trouver un moyen pour les principaux
actionnaires de continuer à faire du profit plutôt
que de veiller au bien-être de ceux qui créent la
richesse. Tout en admettant publiquement que cela
ne représente pas une grande somme d'argent,
l'entreprise a choisi d'abandonner le programme
afin de ne pas avoir à cotiser aux pensions,
assurances et autres avantages sociaux marginaux
qui relevaient de sa responsabilité dans le cadre
de la SSUC.
Cette situation a touché les travailleurs de
toutes les compagnies aériennes canadiennes.
Sunwing et Air Transat ont suspendu leurs
activités, sauf en ce qui concerne une poignée
d'employés de la haute direction qui reçoivent la
SSUC. WestJet, qui a été récemment acheté par
ONEX, a également annoncé des réductions massives
en avril, en plus de celles qu'il avait déjà
annoncées en mars. WestJet a prolongé le programme
de la SSUC jusqu'en août, mais ne compte plus
que 35 agents de bord.
Il est bien connu que les compagnies aériennes
travaillent ensemble pour faire pression sur le
gouvernement fédéral pour une forme de «
sauvetage ». Cette déclaration d'Air Canada
de licencier plus de la moitié de son personnel,
malgré le programme d'aide fédéral en place, fait
l'objet de fortes spéculations selon lesquelles
c'est un effort pour « faire monter les
enchères » et accroître la pression sur le
gouvernement fédéral.
Cette situation crée de l'insécurité et de
l'anxiété chez les employés quant à leur avenir.
Sans connaître le nombre d'employés qui seront
réellement nécessaires ni le nombre de ceux qui
profiteront des programmes d'atténuation offerts,
des milliers de personnes se demandent en fait
quels seront les défis auxquels elles seront
confrontées au cours des semaines, des mois et des
années à venir. Bien sûr, tel est le sort des
travailleurs des compagnies aériennes depuis des
décennies en raison des cycles d'expansion et de
contraction de l'économie non planifiée sur
laquelle nous n'avons aucun contrôle. Rien n'a
jamais été fait pour que les travailleurs puissent
faire face aux tempêtes. Cela doit changer. Il n'y
a pas de meilleur moment que maintenant pour
exiger une nouvelle direction de l'économie.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 35 - 23 mai 2020
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