De « trop gros pour tomber » à « entreprise d'importance systémique et viable »
- K.C. Adams -
Les oligarques impérialistes font la promotion
d'un autre terme encore pour expliquer leur
pillage des recettes de l'État pour payer les
riches. Lors de la dernière crise économique
en 2008, ils ont proclamé qu'il était
nécessaire de canaliser l'argent public/étatique
vers les monopoles industriels et financiers
privés parce qu'ils étaient « trop gros pour
tomber ». Si leurs empires industriels et
financiers mondiaux devaient sombrer, le monde tel
que nous le connaissons s'effondrerait et serait
remplacé par quelque chose d'impensable.
L'impensable pour les oligarques impérialistes,
c'est perdre le contrôle et le privilège
d'exploiter la classe ouvrière. C'est aussi une
possible résurgence d'un mouvement de masse des
travailleurs réclamant une direction et un but
prosociaux pour l'économie.
Au fil des années,
les stratagèmes pour payer les riches qui
consistaient à distribuer des fonds publics aux
entités jugées « trop grosses pour tomber »
et à d'autres entreprises ont eu pour effet de
consolider encore plus le pouvoir et le contrôle
des oligarques mondiaux, entraînant une plus
grande concentration de la richesse, une pauvreté
croissante et une prolifération de problèmes
sociaux non résolus. Le détournement des fonds
d'État au profit de GM, des banques et d'autres
puissances industrielles et financières mondiales
au cours des dernières décennies a affamé les
programmes sociaux, notamment dans les secteurs de
la santé et des soins de longue durée. Dans le
monde entier, les riches sont devenus plus riches,
les pauvres plus pauvres et plus vulnérables et
l'anarchie de la production et l'exploitation des
travailleurs se sont intensifiées.
Avec une concentration plus poussée de la
richesse entre leurs mains, les oligarques sont
devenus encore plus audacieux et leur concurrence
pour le pillage du monde plus violente, celle-ci
s'accompagnant de préparatifs de guerre, de
sanctions, de boycottages, de blocus,
d'ingérences, de changements de régime, de guerres
régionales et de menaces de guerre toujours plus
graves dans leur lutte pour la domination. Le
monde impérialiste est devenu plus exposé et
vulnérable à la crise sanitaire mondiale pour
laquelle il n'était pas préparé ; cette crise
a mis en évidence la contradiction économique
sous-jacente entre le caractère socialisé de
l'économie moderne et le caractère privé et désuet
de son contrôle par des bandes rivales
d'oligarques impérialistes principalement
intéressés à accroître leurs richesses et leur
pouvoir privés.
Dans tout le système impérialiste d'États durant
la pandémie, dans un pays après l'autre, les
secteurs de la santé et des soins de longue durée
exposent leur incapacité à faire face à la crise
de santé publique. En plus, une crise économique a
éclaté et les entreprises impérialistes jugées «
trop grosses pour tomber » et qui ont été
soutenues par les fonds de l'État en 2008
reviennent quémander plus d'argent public pour
encore une fois sauver leurs empires privés, mais
cette fois elles sont qualifiées d'« entreprises
d'importance systémique et viables ».
Le groupe de réflexion impérialiste l'Institut
C.D. Howe écrit dans son communiqué #5 sur la
pandémie intitulé « Les entreprises viables
doivent avoir accès au capital »[1] :
« Lors de la réunion, le groupe s'est concentré
sur la phase de reprise et sur la manière de
garantir que les entreprises dotées de modèles
d'entreprise viables puissent réaliser les types
d'investissements nécessaires pour s'adapter à la
structure changeante de l'économie, éviter les
dettes insoutenables et reconstituer leur fonds de
roulement.
« Il y a des mesures que les gouvernements
peuvent prendre pour faciliter l'accès des
entreprises aux fonds de roulement à court terme
et aux nouvelles sources de capitaux patients sans
pour autant soutenir des entreprises qui se
seraient effondrées de toute façon ou dont les
modèles ne fonctionneront pas après la pandémie.
[...]
« Sur ce front, la Banque du Canada a soutenu les
institutions financières avec beaucoup de
liquidités tout au long de la pandémie. Par
conséquent, tant que les entreprises ont des
modèles d'affaires viables, elles devraient
pouvoir compter sur les institutions financières
pour les aider à rétablir leur fonds de roulement.
[...]
« Les membres ont estimé que certaines
entreprises sont probablement trop importantes sur
le plan systémique, à en juger par leurs
répercussions sur le reste de l'économie, pour
pouvoir passer par le processus de faillite et
d'insolvabilité. Le défi consiste à déterminer
quelles entreprises sont vraiment importantes sur
le plan systémique.
« Les gouvernements doivent être clairs sur les
critères qu'ils utiliseront pour prendre cette
décision. [...]
« Une intervention réelle du gouvernement
pourrait être nécessaire dans l'immédiat. Une
option d'intervention gouvernementale consiste en
des prêts incitatifs, où le gouvernement offre des
conditions favorables aux entreprises en échange
de la réalisation d'investissements spécifiques.
[...]
« [Une autre option serait] que le gouvernement
ou les prêteurs de l'État contractent une dette
mezzanine ou de capitaux propres privilégiés, ce
qui permettrait aux entreprises de déterminer
elles-mêmes l'investissement approprié. [...] Bien
qu'il n'existe pas d'option parfaite, les membres
ont favorisé l'approche des capitaux propres
privilégiés. Le groupe a noté que le gouvernement
pourrait vouloir envisager des mesures fiscales
qui facilitent le flux de capitaux propres
patients. [...]
« Les décideurs et les régulateurs devraient
prendre les mesures suivantes pour garantir que
les capitaux circulent efficacement vers les
entreprises les mieux placées pour stimuler la
croissance économique pendant la reprise :
réduire les obstacles réglementaires à la
circulation des capitaux, inciter à investir
davantage dans les entreprises et les projets
d'infrastructure qui ne bénéficient pas d'une
notation de crédit publique, encourager les
entreprises à tirer parti des programmes canadiens
de faillite et d'insolvabilité, qui donnent aux
entreprises dotées de modèles d'entreprise viables
une seconde chance par des négociations avec les
créanciers, faire preuve de transparence quant aux
critères qui détermineront les entreprises
canadiennes d'importance systémique. Si le
gouvernement est obligé d'investir, penchez vers
des actions privilégiées. »
Les oligarques
impérialistes camouflent leurs stratagèmes pour
payer les riches en « entreprises d'importance
systémique et viables » et autres en
invoquant le grand idéal de soutenir les emplois
des travailleurs ordinaires et de sauver
l'économie de l'effondrement. Les entreprises ont
besoin de travailleurs pour fonctionner, que ce
soit des « entreprises d'importance
systémique » ou non, et si les plus grandes
entreprises s'effondrent, cela annonce
l'effondrement de l'économie au sens large et la
nécessité d'entreprises publiques avec une
direction et un but nouveaux, une direction et un
but prosociaux.
Les impérialistes veulent que les travailleurs ne
s'intéressent pas au but des entreprises
d'importance systémique, qui reçoivent de l'argent
public, et des investisseurs privés qui profitent
de la valeur produite par les travailleurs. Le but
des « entreprises d'importance systémique »
n'est pas l'édification nationale ni la sécurité
et le bien-être du peuple ; leur but est
d'exproprier autant de valeur que possible pour
ceux qui en ont le contrôle et les détiennent.
Ceux qui contrôlent ou détiennent des «
entreprises d'importance systémique » au
Canada ne sont sans doute même pas des résidents
du pays. Ce peut être des propriétaires d'actions
qui vivent sur leur île privée ou de puissants
actionnaires de New York, Londres, Francfort ou
peut-être Toronto. Ils sont obsédés par le retour
sur leur investissement privé des « entreprises
d'importance systémique » dont ils sont
propriétaires.
Les travailleurs doivent se poser la
question : pourquoi les fonds publics et les
institutions gouvernementales sont-ils utilisés
pour soutenir ce but et cette soif de profit
privé ? C'est précisément ce « retour à la
normale » qu'il faut éviter si l'on veut
ouvrir la voie du progrès de la société. Cette
recherche obsessive du profit privé s'oppose à
l'édification nationale, elle s'oppose à ce que le
pays avance dans une nouvelle direction pour
résoudre les problèmes et les rapports sociaux de
l'économie moderne socialisée de la grande
production industrielle pour répondre aux besoins
du peuple et humaniser l'environnement social et
naturel.
Pour les oligarques impérialistes, les «
entreprises d'importance systémique » sont
essentielles du point de vue de leurs intérêts
privés, car ce sont eux qui en sont les
propriétaires et qui les contrôlent. Elles ne sont
pas considérées comme essentielles pour l'intérêt
public au sens large ou pour l'édification
nationale. La structure et le but des entreprises
privées, les rapports sociaux avec leurs
travailleurs et les institutions étatiques qui
soutiennent l'ensemble sont ce qu'ils ne veulent
pas changer. Ils sont terrifiés à l'idée que
soient créées des « entreprises d'importance
systémique et viables » nouvelles qui auront
un but nouveau et une nouvelle direction au
service du peuple et de l'édification nationale.
Ils sont terrifiés par toute remise en cause par
les travailleurs du rapport social unilatéral et
injuste qu'ils leur imposent. Ce rapport social
repose sur l'achat de la capacité de travail qui
fait fonctionner leurs « entreprises d'importance
systémique » et perpétue le système
impérialiste d'exploitation de la valeur que les
travailleurs produisent. Il bloque toute
résolution des contradictions internes de ce
système qui ouvrirait la voie vers l'avenir.
Rappelons que l'Institut C.D. Howe souligne
l'importance d'« encourager les entreprises à
tirer parti des programmes canadiens de faillite
et d'insolvabilité ». Ces programmes
inhumains attaquent la classe ouvrière, ses
emplois, ses économies et ses pensions. Les
travailleurs au Canada ont une expérience amère
des « programmes canadiens de faillite et
d'insolvabilité », en particulier avec la Loi
sur les arrangements avec les créanciers des
compagnies qui a été utilisée pour
préserver les investissements des riches
oligarques et voler ce qui appartient de droit aux
travailleurs.
La classe ouvrière ne peut pas permettre à
l'oligarchie impérialiste de se sortir de cette
crise sans remettre en cause son autorité. Il est
évident que l'élite au pouvoir ne va pas changer
un système qui lui donne le pouvoir de faire des
profits privés et qui lui donne les privilèges et
le pouvoir d'exploiter. Cette classe est
déterminée à maintenir le statu quo, à continuer
comme avant et à refuser que la classe ouvrière
s'avance et prenne le contrôle. C'est en
s'appuyant sur ses propres efforts et ses actions
organisées que la classe ouvrière apportera le
changement, par ses luttes résolues pour
revendiquer ce qui lui appartient de droit, ce qui
comprend le droit de décider de la direction des
affaires économiques et politiques qui
l'affectent.
Les « entreprises d'importance systémique »
doivent servir le peuple et l'édification
nationale et non les intérêts privés étroits des
riches du monde entier. Cela doit être clairement
établi et appliqué. Le Canada et le reste du monde
impérialiste ont besoin d'un but nouveau et d'une
direction nouvelle et les travailleurs organisés
ont la responsabilité sociale de répondre à ce
besoin.
Note
1. Le Groupe de travail sur
les mesures monétaires et fiscales de l'Institut
C.D. Howe est composé de :
- David Dodge, coprésident, ancien directeur de
la Banque du Canada
- Mark Zelmer, coprésident, ancien surintendant
adjoint du Bureau du surintendant des institutions
financières (BSIF), un organisme indépendant du
gouvernement du Canada qui fait rapport au
ministre des Finances
- Riaz Ahmed, Groupe Banque TD
- Steve Ambler, Université du Québec à Montréal
- Dwight Duncan, McMillan LLP (McMillan LLP est un
cabinet d'avocats d'affaires international
avec 400 avocats sous contrat.)
- Paul Jenkins, ancien premier sous-gouverneur de
la Banque du Canada
- Phil Howell, ancien directeur général et
surintendant de la Commission des services
financiers de l'Ontario
- Thor Koeppl, Université Queen's
- Andrew Moor, Banque EQB Canada
- Tamara Vrooman, PDG de Vancity Credit Union,
ancienne sous-ministre des Finances de la
Colombie-Britannique, chef de la direction de
l'aéroport international de Vancouver, à compter
du 1er juillet
- Jeremy Kronick, Institut C.D. Howe
- Duncan Munn, Institut C.D. Howe
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 35 - 23 mai 2020
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De « trop gros pour tomber » à « entreprise d'importance systémique et viable » - K.C. Adams
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