Le gouvernement fédéral a été mis en garde contre la crise dans le réseau des refuges
Caravane à Toronto le 6 mai 2020
Le Syndicat national des employées et employés
généraux du secteur public (SNEGSP) a écrit une
lettre au premier ministre du Canada, aux premiers
ministres des provinces et des territoires et aux
chefs des autres partis fédéraux pour les mettre
en garde contre la crise qui se prépare dans les
refuges partout au Canada dans le contexte de la
pandémie de la COVID-19. Dans un communiqué de
presse du 8 mai, le syndicat écrit que la lettre
exhorte le gouvernement fédéral à agir rapidement
et l'avertit que les nombreux problèmes auxquels
font face les refuges et les personnes vulnérables
qu'ils servent sont une bombe à retardement.
Le président
du SNEGSP, Larry Brown, indique dans sa lettre les
deux principaux enjeux : les itinérants ne
reçoivent aucune prestation ni aucune protection
du virus, et les travailleurs des services
communautaires (TSC) n'ont pas accès à
l'équipement de protection individuelle adéquat
(ÉPI) ou au financement qui leur permettraient
d'exercer leur travail de façon sécuritaire.
« Nous avons entendu des histoires terrifiantes
de nos membres. Le système des refuges était au
maximum de sa capacité bien avant la pandémie.
Plusieurs établissements ont des aires communes
partagées et des lits superposés. Il n'y a pas de
place pour faire de la distanciation sociale ou du
confinement », dit Brown. « En plus, le
niveau de compréhension des résidents varie et
certains ne comprennent pas ou ne peuvent pas
comprendre pourquoi on leur demande de se laver
les mains fréquemment et/ou de porter un masque.
C'est dangereux et mentalement épuisant pour les
résidents et les travailleurs des services
communautaires. »
Le communiqué de presse souligne que les
itinérants font partie de la société canadienne et
doivent être protégés, comme tous les Canadiens.
On y lit :
« Les personnes qui vivent l'itinérance ne vivent
pas à l'écart du reste de la société. Elles se
rendent aux banques alimentaires. Elles vont à
l'épicerie. Elles interagissent avec les gens dans
la rue. Les TSC courent les mêmes risques que ces
personnes. Un seul TSC asymptomatique pourrait
propager la COVID-19 parmi des centaines de
personnes de la communauté.
« Une éclosion, peu importe le secteur de notre
société, demeure une éclosion. Les gens vivant
l'itinérance ne devraient pas être moins
importants que toute autre personne vivant au
Canada. Les TSC qui travaillent avec les
populations vulnérables méritent la même
protection que les autres travailleurs qui ont
affaire au public. »
Dans la dernière section de la lettre, Brown
souligne les besoins à court et à long terme pour
régler les problèmes et éviter une crise
généralisée dans le système des refuges. Il
dit :
« Nos
revendications immédiates, à court terme, sont
simples : nous demandons que le
gouvernement fédéral travaille avec les provinces
et les TSC pour élaborer des plans d'action pour
les itinérants. Les tests, le dépistage des
contacts et la protection sont les grandes
priorités. Les TSC ont besoin d'ÉPI appropriés
pour interagir en toute sécurité avec leurs
clients. Le personnel a aussi besoin de la
formation requise pour les procédures
d'utilisation des ÉPI, et les employeurs doivent
collaborer avec les travailleurs et les syndicats
pour développer l'évaluation des risques. Tous
ceux qui oeuvrent dans le milieu des refuges
doivent être testés afin de bien isoler ceux qui
s'avèrent positifs. Tous les nouveaux clients
doivent être testés avant d'entrer et ils doivent
recevoir le résultat des tests dans un délai
convenable. Il doit y avoir un vaste mouvement
pour aider les itinérants à sortir de la rue, être
testés, et trouver un hébergement. Les employeurs
doivent garder une ligne de communication ouverte
avec le personnel et faire preuve de transparence
pour ce qui est des protocoles, comme ceux liés à
l'entretien des refuges. L'accès à l'aide à la
santé mentale pour les itinérants doit être
maintenu et amélioré. Nous reconnaissons que le
gouvernement fédéral a reconfirmé son
investissement immédiat de 207,5 millions de
dollars en appui aux organisations qui sont au
service des populations vulnérables. Cependant, ce
montant est insuffisant pour répondre aux besoins
des gens qui étaient itinérants avant la pandémie,
et encore moins pendant la pandémie.
« Les revendications à long terme sont plus
difficiles à réaliser. Mais il faut tout de
suite commencer à en discuter en même temps que
nous envisageons ce que sera notre nouvelle
normalité. Il risque d'y avoir une augmentation de
jeunes itinérants en raison de la fermeture de
centres d'aide et des programmes parascolaires à
cause de la COVID-19. On ne voit pas clairement
comment fonctionnera le marché du travail à mesure
que les entreprises vont rouvrir. S'il est vrai
que le gouvernement fédéral a fait un travail
louable en ce qui concerne le financement des
individus et des entreprises, il est indéniable
que certaines entreprises ne rouvriront jamais et
que certains emplois vont disparaître pour de bon.
On estime que le Canada a près de 50 000
« itinérants cachés ». Ces itinérants cachés
vont en toute vraisemblance devenir visibles à
mesure que leurs amis et leurs familles qui leur
procurent présentement un refuge provisoire vont
connaître l'insécurité et la vulnérabilité
financière. Ce qui veut dire que le risque est
très élevé et que les refuges vont faire face à
une hausse subite de nouveaux clients qu'ils ne
pourront pas gérer si la COVID-19 est toujours
très active dans nos refuges. Les refuges sont
depuis toujours sous-financés et n'avaient pas ce
qu'il fallait pour répondre à la demande avant
même que la pandémie ne frappe. Il faut augmenter
le financement pour répondre à la crise immédiate,
mais nous ne devons pas revenir au statu quo
d'avant la pandémie une fois qu'elle sera
terminée.
« Il faut une stratégie à deux volets développée
en partenariat avec les travailleurs, les
syndicats et les autres partenaires : 1.
Le financement adéquat des organisations qui
servent les itinérants. 2.Une aide plus
importante aux familles et aux individus à faible
revenu afin qu'ils ne deviennent pas des
itinérants. »
Brown termine sa lettre en mettant en garde le
gouvernement Trudeau : « Si des mesures plus
robustes ne sont pas prises immédiatement, nous
allons probablement faire face à une crise dans
notre système des refuges comme celle qui a sévi
dans les soins de longue durée. Une société n'est
forte que si ses membres vulnérables sont forts.
Et notre société a laissé les gens vivant
l'itinérance sombrer dans une grande
vulnérabilité. »
(Photos: OCAP, B.S. Waters, R.
Danielson, A. Sampson)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 33 - 16 mai 2020
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