La pandémie aggrave la situation des réfugiés non enregistrés et des personnes déplacées
Au milieu de la pandémie mondiale, la situation
des réfugiés est à la fois désastreuse et mal
connue. Le Haut-Commissariat des Nations unies
pour les réfugiés (HCR) signale qu'au 9
mai, 134 pays accueillant des réfugiés
faisaient état d'une transmission locale de la
COVID-19. En particulier, les réfugiés et les
personnes déplacées à l'intérieur du pays (PDI)
ont pour la plupart fui les conflits résultant de
la guerre et de l'agression impérialistes dans
leurs régions, comme la guerre de 2011 de
l'OTAN contre la Libye et l'intervention étrangère
en Syrie pour fomenter une guerre civile, qui sont
à l'origine de la crise des réfugiés qui a éclaté
en 2015. À divers endroits, l'appel du
secrétaire général des Nations unies à établir des
cessez-le-feu dans tous les conflits militaires
pendant la pandémie n'a toujours pas été entendu,
alors les infrastructures civiles, y compris les
établissements de santé, continuent d'être
endommagées et cela crée de plus en plus de
réfugiés et de déplacés internes.
Dans un article du 29 avril, Counterfire
rapporte qu'« il y a quelques jours à peine, le
Liban a signalé son premier cas positif dans un
des camps palestiniens de Beqaa, où des réfugiés
ont été contraints de vivre dans des conditions
sordides et insalubres pendant des générations.
Pendant ce temps, des décès ont été confirmés dans
certaines parties du nord-est de la Syrie
assiégée, où 3 millions de personnes
déplacées ont été regroupées dans une région
de 500 000 habitants. Ailleurs dans la
région, la Turquie fait pression pour les
rapatriements, tandis que les réfugiés afghans
fuient l'Iran vers l'Afghanistan par milliers, ce
qui exerce une pression supplémentaire sur les
pays d'origine où les systèmes de santé sont déjà
fragiles. Pendant ce temps, les camps de réfugiés
en Afrique de l'Est et en Asie du Sud, qui peuvent
être qualifiés de villes à part entière, se
préparent au pire. »
L'article note qu'en Europe les camps de réfugiés
à Calais, en France, et à Lesbos en Grèce, sont «
bien au-delà des capacités et des ressources et
l'accès aux soins de santé est presque non
existant depuis le début des mesures de
confinement ».
Aux États-Unis, « les centres de détention de la
Immigration and Customs Enforcement (ICE)
deviennent des pièges mortels pour les personnes
incarcérées. Les mesures d'isolement et d'hygiène
sont devenues une mission impossible dans ces
conditions. »
Cependant, de très nombreux réfugiés vivent
également en dehors des camps de réfugiés
officiels. L'article explique que « le dénuement
urbain où les réfugiés non enregistrés sont
contraints à la pauvreté est un problème beaucoup
plus imposant et beaucoup plus dangereux, car
l'accès aux soins de santé est difficile à
atteindre et la plupart des fonds et des
programmes des ONG sont destinés aux personnes
vivant dans les camps. L'appauvrissement urbain
est de plus en plus présent depuis 2015, la
plupart des réfugiés quittant les camps et
finissant par s'établir dans des installations
insalubres dans les grandes villes, vivant sous la
menace plutôt que sous la protection des autorités
publiques. »
Économiquement et politiquement, les réfugiés
sont rendus particulièrement vulnérables du fait
que de nombreux pays qui accueillent un grand
nombre de réfugiés sont appauvris et ne sont pas
équipés pour répondre à leurs besoins, ou ont des
politiques d'exclusion des réfugiés de l'accès aux
ressources de l'État, y compris les programmes
sociaux. Counterfire cite l'exemple du
Liban et de la Jordanie, mais c'est le cas aussi
du Canada et de nombreux autres pays dits
développés. Les réfugiés sont également rendus
vulnérables et deviennent souvent des boucs
émissaires pour les forces politiques sans
scrupules et arriérées qui les accusent d'épuiser
les ressources et ainsi de suite.
L'agression impérialiste sous forme de sanctions
est une autre source de pression sur certains pays
accueillant des réfugiés pendant la pandémie. Counterfire
souligne que « l'Iran est le pays le plus durement
touché au Moyen-Orient et le rapatriement des
réfugiés afghans se poursuit à grande échelle,
accompagné de tous les dangers causés par les
mouvements transfrontaliers forcés, plus ceux
posés par la pandémie. Le HCR a décidé de fournir
une aide aux réfugiés en Iran, mais l'organisation
étant confrontée à d'importants problèmes de
financement, c'est à l'Iran que revient encore une
fois la tâche de résoudre le problème. »
Counterfire note que divers pays modifient
leurs politiques sur les immigrants et les
réfugiés en raison de la pandémie. Il signale que
la Jordanie « a commencé à suivre les directives
du HCR et à considérer les camps de réfugiés comme
un élément indispensable de ses politiques de
santé publique. De plus, le Portugal a décidé
d'accorder à tous les migrants les droits de
citoyenneté et l'Allemagne essaie d'exploiter le
vaste bassin de main-d'oeuvre qu'elle a accumulé
grâce à la crise des réfugiés. Pourtant, après
l'éclosion de la maladie, nous devons tout faire
pour que ces droits ne soient pas annulés, dans
l'espoir de redéfinir le débat sur les réfugiés et
les migrations. »
La situation en Amérique centrale
Le 15 mai, le HCR a donné un point de presse
sur la situation des réfugiés et des déplacés
intérieurs en Amérique centrale. L'agence note que
« la violence a contraint quelque 720 000
personnes dans la région à fuir leur domicile, à
la fin de l'année dernière. Près de la moitié
d'entre elles sont désormais déplacées à
l'intérieur de leur propre pays,
dont 247 000 au Honduras
et 71 500 au Salvador, tandis que
d'autres ont fui au-delà des frontières.
« Aujourd'hui, malgré le confinement imposé en
raison de la pandémie de Covid-19 au Honduras, au
Salvador et au Guatemala, les déplacés internes et
les chefs communautaires rapportent que des
groupes criminels profitent du confinement pour
renforcer leur contrôle sur les communautés, comme
en témoignent l'augmentation des extorsions, du
trafic de drogue, des violences sexuelles et
sexistes et le recours aux disparitions forcées,
au meurtre et aux menaces de mort contre ceux qui
ne se plient pas à leurs injonctions.
« Du fait des restrictions de mouvement, les
personnes qui ont besoin d'aide et de protection
ne peuvent guère y avoir accès et celles qui
auraient besoin de fuir pour échapper à la mort
ont d'autant plus de difficulté à trouver la
sécurité.
« En outre, de nombreux déplacés et personnes
vulnérables ont perdu leurs moyens d'existence du
fait des strictes mesures de confinement.
« Les entreprises étant contraintes de fermer,
les emplois informels disparaissent et les
personnes vivant dans ces communautés vulnérables
perdent leurs seules sources de revenus.
« Nombre d'entre eux n'ont aujourd'hui qu'un
accès limité aux services essentiels, tels que les
soins de santé et l'eau courante. Dans ces
conditions extrêmes, les gens se tournent de plus
en plus vers des stratégies d'adaptation néfastes,
dont la prostitution de survie, qui les mettent
encore davantage en danger, tant sur le plan de la
santé que sur le plan des risques de violence et
d'exploitation par les gangs.
« Les déplacements internes dans le nord de
l'Amérique centrale étant essentiellement
intra-urbains et souvent limités à une personne ou
famille à la fois, il est difficile de détecter
les nouveaux déplacements forcés. »
Dans cette situation, le HCR signale que son
travail dans le nord de l'Amérique centrale « se
concentre sur les activités d'aide humanitaires
les plus essentielles, et ce, dans la mesure
autorisée par les restrictions de
mouvement ».
Déplacement de masse en Libye en raison d'un
conflit militaire
L'Organisation internationale pour les migrations
(OIM) affirme dans un communiqué de presse
du 7 avril que, selon ses recherches, plus
de 200 000 personnes ont été déplacées à
l'intérieur de la Libye en raison de l'escalade du
conflit militaire. L'OIM déclare que Tripoli
représente environ 150 000 des nouveaux
déplacements enregistrés, mais que des personnes
ont également été forcées de quitter leur domicile
dans d'autres zones touchées par le conflit dans
le pays, notamment Murzuq, Sirt et Abu Gurayn.
« Un an après le début du conflit, la situation
humanitaire en Libye n'a jamais été aussi
mauvaise, dit le chef de mission de l'OIM en
Libye, Federico Soda. Les besoins n'ont jamais été
aussi grands et les conditions n'ont jamais été
aussi difficiles. Malgré les appels à un
cessez-le-feu humanitaire, les combats se
poursuivent alors que l'on craint sérieusement une
épidémie de la COVID-19. »
L'OIM informe que « depuis avril 2019, le
conflit a causé des dommages considérables aux
établissements de santé et aux autres
infrastructures dans la capitale, laissant des
dizaines de milliers de familles et de migrants
libyens déplacés à l'intérieur du pays, dont
certains sont détenus, dans des conditions de vie
très difficiles. La plupart de ces personnes
vulnérables vivent dans des logements surpeuplés
avec un accès limité aux services de santé, à
risque constant de bombardements.
« La situation en matière de sécurité accroît les
besoins humanitaires et rend plus difficile pour
les travailleurs humanitaires d'atteindre les
populations vulnérables. Les problèmes de sécurité
sont désormais associés à de graves problèmes de
santé posés par la propagation potentielle du
virus COVID-19, en particulier dans les centres de
détention. La Libye a enregistré son premier cas
confirmé de la COVID-19 le 24 mars. [...]
« Alors qu'au moins 1 500 personnes
sont détenues en Libye, des milliers d'autres sont
en proie aux passeurs et aux trafiquants dans des
conditions encore pires quand l'aide humanitaire
n'est pas disponible.
« L'OIM réaffirme que la vie des civils doit être
protégée et que des passages sûrs doivent être
trouvés pour ceux qui fuient le conflit, et qu'il
faut permettre aux travailleurs humanitaires
d'avoir accès à ces endroits, en particulier au
milieu de la pandémie mondiale qui se propage
rapidement.
« Toutes les populations vulnérables doivent être
incluses dans la réponse sanitaire et les mesures
prises pour freiner la propagation de la COVID-19,
y compris la prévention, le dépistage et le
traitement.
« L'OIM mène régulièrement des campagnes de
désinfection et de fumigation dans les centres de
détention et les points de débarquement et fournit
des articles d'hygiène aux migrants détenus. Ces
efforts sont associés à des séances de
sensibilisation et d'éducation sanitaire
organisées pour les migrants et les personnes
déplacées. Grâce aux cliniques mobiles, les
équipes médicales de l'OIM continuent de fournir
une assistance d'urgence et des soins de santé
primaires, y compris des dépistages de la
COVID-19. »
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 33 - 16 mai 2020
Lien de l'article:
La pandémie aggrave la situation des réfugiés non enregistrés et des personnes déplacées
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