À titre
d'information
Le pouvoir de création monétaire de la Banque du Canada pour le gouvernement fédéral : aspects opérationnels et juridiques
- Extraits de Penny Becklumb et
Mathieu Frigon, Division de l'économie, des
ressources et des affaires internationales -
Dans le présent document, « argent »
s'entend de dépôts bancaires. Pour accéder à
l'ensemble du document, cliquer ici.
Le présent document examine les aspects
opérationnels et juridiques du mécanisme par
lequel la Banque du Canada crée de l'argent pour
le gouvernement fédéral en achetant des
obligations et des bons du Trésor du gouvernement
fédéral lors des nouvelles émissions. Il contient
également des renseignements sur le pouvoir de
créer de l'argent des banques commerciales
privées.
Dans le budget de 2011, le gouvernement du
Canada annonçait son intention d'emprunter 35
milliards de dollars au cours des trois exercices
suivants, afin d'augmenter d'environ 25 milliards
de dollars ses dépôts auprès d'institutions
financières et de la Banque du Canada et
d'augmenter les réserves de change liquides
de 10 milliards de dollars américains. Cela
visait à faire en sorte qu'il y ait suffisamment
d'actifs liquides pour couvrir pendant au moins un
mois les flux de trésorerie nets prévisionnels du
gouvernement fédéral, notamment les versements
d'intérêts et les besoins de refinancement de la
dette.
En réaction à l'annonce, la Banque du Canada
annonçait en octobre 2011 son intention de
porter de 15 à 20 % le montant
minimum de ses achats d'obligations du
gouvernement fédéral. L'acquisition d'obligations
du gouvernement fédéral est une façon pour la
Banque du Canada de créer de l'argent pour le
gouvernement du Canada.
La Banque du Canada aide le gouvernement du
Canada à emprunter de l'argent en organisant tout
au long de l'année des adjudications au cours
desquelles de nouveaux titres fédéraux
(obligations et bons du Trésor) sont vendus aux
distributeurs de titres d'État, comme les banques,
les courtiers et les sociétés de placement de
titres.
(Habituellement, des intérêts privés
acquièrent 80 % des nouveaux titres émis
en obligations et bons du Trésor) alors que la
Banque du Canada acquiert
habituellement 20 % des obligations
nouvellement émises et suffisamment de bons du
Trésor pour répondre à ses besoins du moment. Les
acquisitions (de la Banque) se font sur une base
non concurrentielle, ce qui signifie que la Banque
du Canada n'entre pas en concurrence avec les
distributeurs lors des adjudications. En fait,
elle se voit chaque fois allouer un nombre précis
de titres à acheter.
L'acquisition par la Banque du Canada de titres
du gouvernement pendant les adjudications signifie
qu'elle inscrit la valeur des titres comme un
nouvel élément d'actif à son bilan et qu'elle
inscrit en même temps le produit de la vente (par
le gouvernement) des titres comme dépôt sur le
compte que le gouvernement du Canada détient à la
Banque, ce qui constitue un élément de passif au
bilan de la Banque.
Il n'existe aucune preuve tangible d'échange
d'obligations, de bons du Trésor ou d'espèces
entre le gouvernement du Canada et la Banque du
Canada lors de telles transactions. Il s'agit, en
réalité, d'écritures comptables entièrement
numériques.
Comme la Banque du Canada est une société d'État
appartenant entièrement au gouvernement fédéral,
l'acquisition de titres du gouvernement fédéral
nouvellement émis peut être vue comme une
transaction interne. [Cela est différent de la
Réserve fédérale américaine qui agit comme la
banque centrale mais qui est possédée par un
cartel de grandes banques privées - ndlr.]
En inscrivant les mêmes nouveaux montants dans
les colonnes de l'actif et du passif de son bilan,
la Banque du Canada crée de l'argent par quelques
saisies informatiques. Le gouvernement fédéral
peut, s'il le souhaite, investir les dépôts
bancaires nouvellement créés dans l'économie
canadienne.
La Banque du Canada crée de l'argent pour le
gouvernement fédéral grâce aux prêts de facto
qu'elle lui consent.
La Loi sur la Banque du Canada confère à
la Banque le pouvoir « [d]'acheter et [de] vendre
des valeurs ou titres émis ou garantis par le
Canada ou une province », ainsi que le
pouvoir « [d]'accepter des dépôts effectués par le
gouvernement du Canada et [de] verser des intérêts
à leur égard ».
Ces deux alinéas, pris ensemble, semblent
autoriser la Banque à créer de l'argent par
l'acquisition directe de titres du gouvernement du
Canada au cours d'adjudications d'obligations.
Les banques commerciales privées créent elles
aussi de l'argent
Lorsqu'elles achètent au cours d'adjudications
des titres nouvellement émis par le gouvernement
en tant que négociants principaux, les banques
commerciales privées créent elles aussi de
l'argent en inscrivant à leurs bilans des
écritures comptables numériques. La colonne de
l'actif est augmentée du montant de l'acquisition
de nouveaux titres et celle du passif, de celui du
nouveau dépôt dans le compte que le gouvernement
fédéral détient à la banque [privée].
[Aussi] chaque fois que les banques [privées]
accordent un nouveau prêt, comme un prêt
hypothécaire ou un prêt à une entreprise [elles
créent de l'argent]. Lorsqu'une banque accorde un
prêt [à une entreprise ou un individu], elle
dépose en même temps un montant égal dans le
compte bancaire de l'emprunteur, créant ainsi de
l'argent. En fait, c'est le système bancaire privé
qui crée la majorité de l'argent en circulation
dans l'économie.
Le pouvoir de créer de l'argent du système
bancaire privé et le pouvoir de création monétaire
de la Banque du Canada se ressemblent surtout en
ceci que tous deux se concrétisent par des prêts
consentis au gouvernement du Canada et, dans le
cas des banques privées, par des prêts au grand
public.
Les deux pouvoirs diffèrent toutefois en ceci
qu'il n'y a pas de limite externe au montant total
que la Banque du Canada peut créer pour le
gouvernement fédéral, alors que le montant qu'une
banque commerciale privée peut créer dépend du
montant de ses capitaux propres par rapport à ses
actifs, selon les règles qui figurent dans les
lignes directrices de l'organisme de
réglementation des banques.
Autre différence : la solvabilité de
l'emprunteur est le principal facteur sur lequel
se fonde la banque commerciale privée pour
accorder un prêt à une entité privée, alors qu'il
n'intervient pas dans la décision de la Banque du
Canada de prêter de l'argent au gouvernement.
Les banques commerciales privées et la Banque du
Canada créent de l'argent en accordant des prêts
au gouvernement du Canada et, dans le cas des
banques commerciales privées, en prêtant [aussi]
au grand public.
Le pouvoir de création monétaire de la Banque du
Canada pour le gouvernement du Canada est un
processus gouvernemental interne. Cela signifie
que des facteurs externes, comme le
dysfonctionnement des marchés financiers, ne
peuvent faire en sorte que le gouvernement manque
d'argent.
Note : Dans le cadre de la gestion de son
bilan, la Banque du Canada acquiert des titres du
gouvernement du Canada pour compenser son passif,
qui se compose principalement de billets de banque
en circulation et de dépôts. La Banque acquiert
généralement un pourcentage fixe du montant des
obligations à rendement nominal mises aux
enchères, le montant des bons du Trésor achetés
reflétant les besoins du bilan de la Banque du
Canada au moment de chaque enchère. En général,
les avoirs de la Banque en actifs financiers sont
liés au rôle que joue celle-ci dans l'émission de
billets de banque. L'émission de billets de banque
crée un passif pour la Banque, le premier en
importance à son bilan. Les dépôts du gouvernement
du Canada représentent habituellement le deuxième
passif en importance pour la Banque.
En règle générale, le portefeuille d'actifs
financiers de la Banque du Canada est déterminé
par son rôle à émettre des billets de banque.
L'émission de billets de banque crée un passif
pour la Banque, le plus important de son bilan.
Les dépôts du gouvernement du Canada représentent
généralement le deuxième passif en importance de
la Banque.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 32 - 12 mai 2020
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