Essentiels mais sacrifiables – les travailleurs agricoles migrants en cette période de la COVID-19

Le Marxiste-Léniniste reproduit des extraits d'un article publié le 21 avril, écrit par Chris Ramsaroop, organisateur de Justicia for Migrant Workers (J4MW) et chargé de cours au programme d'études caribéennes de l'Université de Toronto, et par Kevin Edmonds, membre du Réseau de solidarité caribéenne et professeur adjoint d'études caribéennes à l'Université de Toronto, qui traite des conditions vécues par les travailleurs agricoles migrants en cette période de pandémie de la COVID-19.

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À partir de 1966, des travailleurs agricoles jamaïcains migrants ont été employés au Canada sous les auspices du Programme des travailleurs agricoles saisonniers du Commonwealth (PTAS), un programme gouvernemental d'embauche de main-d'oeuvre qui importe au Canada des milliers de travailleurs des Caraïbes et du Mexique pour répondre aux besoins en main-d'oeuvre du riche et puissant lobby agricole canadien. Cette main-d'oeuvre migrante représente environ 60 000 personnes et leurs emplois dans le secteur agricole ont été désignés comme des activités essentielles.

Au cours du dernier mois, depuis que le Canada a fermé ses frontières, les groupes de pression du secteur agricole ont orchestré une stratégie massive de lobbying auprès de leurs alliés politiques, créant cette fable d'une crise alimentaire si le Canada n'ouvrait pas ses frontières pour répondre aux besoins des agriculteurs. Comme l'a récemment souligné le ministre canadien de l'Agriculture, les Canadiens ne risquent pas de mourir de faim. Une grande partie de la main-d'oeuvre jugée aujourd'hui essentielle est destinée à répondre aux besoins d'une industrie agricole orientée vers l'exportation en pleine expansion. Par exemple, le même lobby qui met l'accent aujourd'hui sur les pénuries de main-d'oeuvre et de nourriture au Canada est resté silencieux lorsque des milliers d'acres de serres productrices de fruits et légumes ont été convertis à la production du cannabis.

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Depuis la fermeture des frontières du Canada, Justice pour les travailleurs migrants a reçu plusieurs appels de travailleurs agricoles au Canada ainsi que de ceux qui attendent de revenir au travail. Au Canada, les travailleurs migrants se plaignent d'un traitement discriminatoire où les travailleurs migrants sont confinés dans des fermes et ne sont pas autorisés à quitter les sites de l'employeur alors que leurs homologues canadiens ne sont pas soumis à de telles restrictions. De nombreux travailleurs s'inquiètent du fait qu'il n'y a pas d'espace pour se distancier physiquement au travail, qu'ils ne reçoivent pas d'équipement de protection individuelle et qu'ils sont confrontés à des conditions de logements surpeuplés.

En ce qui concerne les travailleurs arrivés récemment au cours de la période de quarantaine de 14 jours, les migrants sont censés être payés 30 heures par semaine pendant la quarantaine. Nous avons entendu parler de menaces d'employeurs qui ont qualifié cela d'un prêt qui doit être remboursé, entreprenant différentes manoeuvres pour essayer de recouvrer les coûts, y compris le paiement des emplettes d'épiceries. Il semble que même pendant cette pandémie, certains employeurs tentent de limiter les garanties minimales que les travailleurs migrants devraient recevoir pendant la quarantaine.

Pour les travailleurs coincés dans les Caraïbes, on peut entendre dans leur voix le désespoir qui les anime. Beaucoup sont scandalisés qu'à un moment où on les force au chômage, le régime d'assurance-emploi du Canada et la Prestation canadienne d'urgence annoncée récemment ne leur soient pas offerts bien qu'ils aient contribué depuis des décennies des millions de dollars au régime canadien. Beaucoup entendent les mots « travailleur essentiel », qui confirment à quel point les travailleurs agricoles font partie intégrante de la société, mais ils sont en colère face à un système de deux poids, deux mesures lorsqu'il s'agit d'un groupe de travailleurs qui sont si importants mais qui, aussi ou surtout maintenant, se voient refuser les protections de base dont bénéficient les travailleurs canadiens. .

Pour tous les travailleurs migrants, que ce soit dans les Caraïbes ou au Canada, il existe une crainte générale de dénoncer les conditions de travail dangereuses, car cette dénonciation est depuis longtemps utilisée comme mesure disciplinaire pour intimider les « fauteurs de troubles ». Ceux qui se tiennent tranquilles acceptent des conditions dangereuses, non par ignorance, lâcheté ou négligence. Il s'agit d'un mécanisme d'adaptation pour assurer leur survie dans des conditions précaires. Les travailleurs estiment que venir au Canada n'est pas un choix. S'ils ne viennent pas, leurs familles meurent de faim et s'ils viennent au Canada, ils risquent de subir des accidents graves et des maladies et de trouver la mort. J4MW s'inquiète depuis longtemps du pouvoir des employeurs de « rapatrier » les travailleurs dans leur pays d'origine lorsqu'ils exercent leurs droits ou tombent malades. Avant la COVID-19, des milliers de travailleurs migrants sont retournés chez eux malades, blessés et handicapés alors que le Canada n'assume aucune responsabilité pour les maux subis en travaillant au Canada. Étant donné les dangers auxquels sont confrontés les travailleurs de première ligne de la COVID-19, il doit y avoir une tolérance zéro pour ce type d'intimidation. Les employeurs doivent respecter le devoir des travailleurs de signaler toute éclosion dans le dortoir ou le lieu de travail et le droit des travailleurs de refuser des conditions de travail dangereuses. Aucun travailleur qui tombe malade ou signale une épidémie ne doit être renvoyé chez lui.

La crise économique mondiale actuelle devrait également servir de signal d'alarme sur la façon dont nous structurons le soutien au revenu pour les migrants. Alors que des milliers de travailleurs migrants sont confrontés à une pauvreté croissante, nous croyons fermement que les travailleurs migrants, qu'ils soient au Canada ou non, devraient avoir accès à l'assurance-emploi et à d'autres mesures de soutien du revenu. Si tant de nos travailleurs essentiels doivent traverser la frontière, il est temps de penser que le soutien du revenu est lui aussi transférable au-delà des frontières.

Alors qu'ils sont souvent embauchés avec des conditions de travail insalubres, dangereuses et mortelles, nous devons aller au-delà des platitudes pour garantir qu'aucun travailleur blessé ou malade ne soit oublié pendant cette crise et que les ressources et le soutien nécessaires leur soient accordés pour protéger leur santé et leur bien-être, durant cette période particulière. Cette pandémie appelle à des changements transformateurs pour répondre aux demandes que les travailleurs migrants soulèvent quotidiennement. Tout cela peut être résolu aujourd'hui par la mise en oeuvre d'une législation en faveur des travailleurs afin de garantir l'équité, le respect et la dignité pour les travailleurs agricoles migrants. D'ici à ce que cela se produise, ceux d'entre nous au sein de la diaspora, ainsi que ceux des Caraïbes, doivent exiger que nos gouvernements respectifs mettent en place des protections accrues pour les travailleurs migrants. Appuyez le travail de Justice pour les travailleurs migrants et du Réseau de solidarité caribéenne pour que nous puissions y arriver. Nous reconnaissons l'importance du programme PTAS pour les travailleurs migrants, leurs familles et leurs communautés, mais personne ne devrait risquer sa vie pour gagner un chèque de paie.

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(Stabroek News)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 29 - 2 mai 2020

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Essentiels mais sacrifiables – les travailleurs agricoles migrants en cette période de la COVID-19


    

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