Justice pour les travailleurs migrants

Les organisations de défense exigent la protection de tous les travailleurs agricoles

Les organisations qui défendent les travailleurs migrants intensifient leur lutte à la défense de tous les travailleurs agricoles, dont la section la plus vulnérable est composée des près de 60 000 travailleurs saisonniers et temporaires qui viennent au Canada à chaque année travailler dans l'industrie agricole. Plusieurs y viennent en participant à des programmes fédéraux tels que le Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS).

Le mois dernier, le gouvernement fédéral a autorisé les agriculteurs à embaucher des travailleurs migrants pendant la pandémie, à condition qu'ils s'isolent pendant deux semaines à leur arrivée. Le règlement, par contre, ne s'applique pas aux travailleurs considérés essentiels par les représentants de la Santé publique. Le gouvernement fédéral, de façon éhontée, s'est lavé les mains de la nécessité d'adopter des mesures permettant aux travailleurs agricoles migrants de pratiquer la distanciation sociale au travail et où ils sont hébergés. Les travailleurs agricoles migrants sont généralement mal logés dans un espace qu'ils doivent partager avec plusieurs autres. Pourtant, le gouvernement fédéral a décrété que les entreprises agricoles sont les mieux placées pour fournir un hébergement adéquat, en conjonction avec les provinces.

Selon un rapport publié en juillet 2019 par le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, l'embauche de travailleurs migrants temporaires a augmenté de 45 600 en 2014 à près de 60 000 en 2017. Ce qui veut dire que les travailleurs migrants constituaient près d'un sixième de tous les emplois de la main-d'oeuvre agricole canadienne. L'Ontario embauche 14 000 migrants temporaires pour travailler dans le secteur agricole chaque saison. Dans le sud-ouest de l'Ontario, Leamington et la municipalité adjacente de Kingsville accueillent annuellement de 5000 à 6 000 travailleurs, dont la vaste majorité sont du Mexique.

Depuis près de 20 ans, Justicia pour les travailleurs migrants (J4MW) défend les droits des migrants et de tous les travailleurs agricoles et intensifie sa lutte dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 pour exiger une protection urgente pour ces travailleurs.

Par exemple, le gouvernement Ford de l'Ontario a annoncé une augmentation salariale et une prime spéciale pour certains travailleurs qui dispensent des services au cours de la pandémie du coronavirus, comme certains travailleurs d'hôpitaux, de centres de soins de longue durée ou de refuges d'urgence, il n'a même pas daigné inclure les travailleurs agricoles parmi les travailleurs admissibles à ces mesures. J4MW veut savoir pourquoi les travailleurs agricoles, un des groupes les plus vulnérables et essentiels, sont exclus de ces soutiens financiers. En raison des récentes révélations médiatiques comme quoi le virus s'est propagé dans les entreprises agricoles, J4MW exige que le gouvernement provincial mette en place des mesures pour protéger les intérêts des travailleurs agricoles et la chaîne agroalimentaire.

Dans un communiqué de presse du 26 avril, J4MW exhorte le gouvernement provincial et le ministère du Travail à mettre en place des mesures immédiates pour faire en sorte que les travailleurs agricoles soient protégés de la propagation de la pandémie. Selon le communiqué, ces mesures doivent comprendre ce qui suit :

- élargir l'augmentation salariale pour qu'elle s'applique à tous les travailleurs agricoles de l'Ontario

- établir un processus d'appel rapide pour les travailleurs migrants lorsqu'ils déposent des plaintes relativement à des questions de santé et de sécurité au travail et aux normes d'emploi

- les travailleurs migrants ne doivent pas être liés exclusivement à un employeur

- élargir la législation sur la santé et la sécurité au travail pour qu'elle s'applique aux hébergements agricoles

- consolider les protections anti-représailles pour faire en sorte que les travailleurs ne soient pas congédiés lorsqu'ils soulèvent leurs préoccupations grandissantes de santé et de sécurité ou sont blessés ou tombent malades

- développer des règlements pour protéger les travailleurs du stress de la chaleur, de l'exposition aux produits chimiques et aux pesticides, des espaces restreints, du travail en hauteur et d'autres risques professionnels

- accroître les inspections non annoncées et proactives dans toutes les entreprises agricoles en Ontario

- fournir une prime de risque, de maladie et d'autres avantages sociaux qui tiennent compte des dangers liés au travail agricole

- reconnaître qu'un salaire basé sur le paiement à la pièce représente un danger pour la santé et la sécurité au travail

- développer et mettre en oeuvre une législation de santé et sécurité au travail qui reconnaît le racisme et la discrimination systémique et fournit une analyse basée sur l'équité afin de déterminer quelles catégories de travailleurs courent le plus grand risque de danger dans leur travail

- donner l'information sur les protocoles que la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail a adoptés pour isoler les travailleurs infectés (et protéger les travailleurs non infectés) s'il y a éclosion dans le dortoir ou à l'endroit de travail

- que cessent toutes déductions salariales imposées par l'employeur pour l'équipement de protection personnelle et élaborer des règlements qui obligent les employeurs à fournir des toilettes, des installations sanitaires et de l'eau potable pour les travailleurs agricoles partout en Ontario

- renforcer la protection des travailleurs migrants contre les frais de recrutement en tenant les employeurs et les recruteurs conjointement responsables

- mettre fin aux exclusions de la paie de vacances, du paiement des heures supplémentaires, des dispositions sur le minimum d'heures travaillées et mettre fin à la myriade de règlements qui sont inéquitables pour les travailleurs agricoles

« Ce sont des revendications de longue date que les travailleurs agricoles défendent depuis des décennies », dit Moilene Samuels, une activiste du J4MW. « Si nous voulons empêcher la propagation de cette pandémie, il nous faut des changements structurels aux iniquités systémiques de pouvoirs qui existent dans notre secteur », ajoute-t-elle.

J4MW et plusieurs organisations qui luttent à la défense des travailleurs migrants revendiquent aussi que le gouvernement canadien accorde le statut de résident à tous les travailleurs migrants.

Le communiqué de presse cite la Dr Vasanti Venkatesh, professeur de droit à l'Université de Windsor. « Les travailleurs agricoles migrants ont toujours été le pilier de la saison des récoltes et leurs contributions sont plus essentielles que jamais puisqu'ils assurent une sécurité alimentaire pour le Canada pendant cette pandémie, dit-elle. Pourtant, c'est au cours de la saison des récoltes que ces travailleurs ont le moins de protection, puisqu'ils travaillent de nombreuses heures supplémentaires sans paie dans des conditions de vie et de travail dangereuses. »

Vasanti Venkatesh souligne aussi que « les iniquités structurelles dans le travail agricole sont exacerbées par la double pression de la pandémie et des récoltes. Par conséquent, il n'a jamais été aussi urgent d'accorder aux travailleurs tous leurs droits et protections. Les employeurs agricoles reçoivent toutes sortes d'avantages sous forme de subventions et autres formes de financement et d'exemptions aux règlements. Il est temps que les travailleurs aient tous les avantages qui leurs sont dus et qu'ils soient valorisés pour leur travail essentiel. »


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 29 - 2 mai 2020

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