Les gouvernements ne peuvent se soustraire à leur responsabilité sous le prétexte du choix

Le gouvernement Legault a annoncé les dates de réouverture des écoles primaires et des garderies du Québec et a assuré aux parents qu'ils avaient le « choix » d'envoyer ou non leur(s) enfant(s) à l'école. Depuis que Legault a annoncé il y a trois semaines la réouverture possible, une pétition demandant au gouvernement de fermer les écoles et les garderies jusqu'en septembre a reçu près de 300 000 signatures. [1] Le gouvernement a invoqué de nombreux idéaux élevés pour justifier la réouverture des écoles, allant d'éduquer nos enfants, leur permettre de socialiser, de courir et de sortir de la maison, à ne pas laisser les enfants ayant des besoins spéciaux plus désavantagés, à révéler les abus au foyer que les enseignants signalent et qui, sans cela, passent inaperçus, et contribuer à l'immunité collective. Toutes ces raisons très convaincantes pour envoyer des enfants à l'école soulignent que le système d'éducation a été contraint de compenser les échecs d'une société confrontée à des décennies de compressions destructrices dans les programmes sociaux.

En plus d'une éducation, le système scolaire fournit des repas et des collations aux enfants en situation d'insécurité alimentaire. Depuis 2018, le gouvernement finance un programme de petits déjeuners pour 180 000 enfants d'âge préscolaire et primaire provenant de plus de 700 écoles dans l'ensemble du Québec, pourvu que les écoles y soient admissibles selon leur indice socioéconomique. Les écoles offrent un environnement structuré pour l'apprentissage, la socialisation et l'exercice et une pause indispensable pour ceux qui vivent dans des logements surpeuplés, inadéquats et dangereux. Cependant, opposer la santé et la sécurité des Québécois par rapport à la COVID-19 à leur sécurité mentale et physique en raison du manque de ressources sociales n'est pas du tout un choix.

Le gouvernement dit qu'il fait confiance aux employeurs pour discuter avec les travailleurs qui ont des enfants afin de parvenir à une entente sur leur retour au travail. Comment les employeurs combleront-ils les postes de travailleurs qui ne retournent pas au travail parce qu'eux-mêmes ou leurs enfants ont un système immunitaire affaibli afin que les entreprises puissent recommencer à fonctionner ? Les gens devront-ils « choisir » entre retourner au travail ou perdre leur emploi ? Si quelqu'un refuse d'aller au travail par souci de sa propre sécurité ou parce qu'il ne veut pas envoyer ses enfants à l'école, l'assurance-emploi (AE) le couvrira-t-il ou sera-t-il considéré comme ayant volontairement quitté son emploi et perdra-t-il à la fois son emploi et ses prestations d'assurance-emploi ? De nombreux parents subissent déjà un stress financier lié à l'assurance-emploi ou un stress mental parce qu'ils doivent travailler à domicile avec leurs enfants présents. On ne peut que conclure que les écoles sont en train de rouvrir pour ceux qui n'ont PAS le choix.

L'Organisation mondiale de la santé a établi les six mesures suivantes avant de mettre fin à une situation de confinement :

1. La transmission de la COVID-19 est maîtrisée

2. Les systèmes de santé sont capables d'« identifier, tester, isoler et traiter chaque cas et retrouver chaque contact »

3. Les risques de points chauds sont minimisés dans les endroits vulnérables, tels que les centres d'hébergement pour personnes âgées

4. Les écoles, les lieux de travail et autres lieux essentiels ont mis en place des mesures préventives

5. Le risque d'importer de nouveaux cas « peut être géré »

6. Les communautés sont pleinement éduquées, engagées et habilitées à vivre selon une nouvelle normalité

Le gouvernement Legault dit que le Québec remplit ces conditions, mais de le répéter ne le rend pas plus vrai. Le fait qu'il y ait « beaucoup de lits d'hôpitaux pour ceux qui tombent malades » est-il censé être rassurant ? La réalité est tout à fait le contraire à Montréal où deux grands hôpitaux (Sacré-Coeur et Maisonneuve-Rosemont) font actuellement face à des éclosions majeures de COVID-19 dans la majorité de leurs services, au point qu'ils ont dû transférer des patients non affectés par la COVID-19 vers d'autres hôpitaux.

Les parents, les enseignants et toutes les personnes actives dans l'éducation sont à juste titre préoccupés par les mesures qui doivent être mises en place pour assurer un retour au travail et à l'école en toute sécurité. Étant donné que ce gouvernement a toujours refusé de consulter quiconque qui doit appliquer les mesures qu'il dicte, et compte tenu du piètre état du système d'éducation dans des conditions de non pandémie, ce n'est pas rassurant.

La situation est complexe et les gens font tout ce qui est en leur pouvoir, individuellement et au sein de leurs collectifs, par exemple par le biais de leurs syndicats, organisations communautaires et quartiers, pour rester en bonne santé et en sécurité tout en aidant à relancer l'économie et la vie. Cependant, la situation est loin d'être maîtrisée et la tendance de ce gouvernement est de blâmer la population de ne pas respecter les lignes directrices tout en refusant d'examiner son propre bilan, par exemple en obligeant les travailleurs de la santé à fréquenter de nombreux établissements de santé, contribuant ainsi grandement à la propagation du virus. De plus, comment pouvons-nous compter sur un système de gouvernance basé non pas sur la santé et le bien-être des membres de la société, mais sur le motif du profit qui, 17 ans après l'épidémie de SRAS, nous a privés de l'équipement de protection individuelle dont nous avons besoin pour survivre à la pandémie? Il est impératif de discuter de nos droits, de nos revendications et d'alternatives afin d'ouvrir la voie au progrès afin de ne plus jamais faire face à ce genre de situation.

Note

1. La pétition se trouve ici


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 29 - 2 mai 2020

Lien de l'article:
Les gouvernements ne peuvent se soustraire à leur responsabilité sous le prétexte du choix - Linda Sullivan


    

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