Le déconfinement au Québec
Aucun retour à la normale sans que les nouvelles normes démocratiques que nous affirmons ne soient respectées!
- Pierre Soublière -
Alors que le processus de déconfinement a été
annoncé, les travailleurs et leurs organisations
font valoir leurs besoins comme ils le font en
tant que travailleurs de première ligne et
essentiels depuis le début de la pandémie. Ils
exigent que leurs besoins en ce qui a trait aux
mesures et aux équipements de protection soient
respectés, et qu'ils participent activement aux
prises de décisions. Ils affirment qu'ils n'ont
pas l'intention de retourner aux conditions qui
prévalaient avant le confinement.
Au sujet
du plan du gouvernement du Québec d'ouvrir les
écoles primaires et les services de garde
le 14 mai dans les régions hors Montréal, la
présidente d'un syndicat des enseignants de
l'Outaouais a déclaré : « Les écoles d'hier
ne sont pas les écoles qui rouvriront en
mai. » Elle a dit : « Le plan ne peut
pas avoir été écrit sans que les profs aient été
consultés, l'aient vu et l'aient bonifié. Plus on
nous écoutera, meilleure sera la
réouverture ». Même son de cloche du
président du syndicat du soutien scolaire, qui a
affirmé : « On ne semble pas considérer dans
le débat, mais en bout de ligne, ce sont ces
gens-là qui font rouler les services de garde, les
services administratifs, l'entretien des
écoles. »
En préparation pour le déconfinement en
éducation, plusieurs comités ont été formés à la
demande du gouvernement et leurs recommandations
devaient être présentées au début de mai, mais le
gouvernement Legault a annoncé qu'il allait
consulter son « caucus » ainsi que les «
trois chefs de l'opposition qui vont consulter
leurs députés », et voilà, le tour est joué.
Dans cette période de distanciation sociale,
peut-être devrions-nous nous distancier quelque
peu de ces institutions dites représentatives qui
nous tournent le dos dans ces moments critiques et
continuent de prendre des décisions à huis clos
tout en tentant de nous épater parce qu'elles «
consultent les chefs de l'opposition ».
Arrêtons-nous un instant et pensons à toutes ces
fois que nous avons fait valoir et défendu nos
revendications, que ce soit contre les
compressions en santé, en éducation et dans les
services sociaux, contre l'offensive néolibérale
et antisociale, dans le but d'améliorer nos
conditions de travail ainsi que les services que
nous assurons. Inévitablement, peu importe la
justesse et la nécessité de nos revendications,
les gouvernements et les médias se mettent à
s'énerver et à reprendre leurs éternelles
rengaines – « Les syndicats sont
corporatistes », « Les travailleurs prennent
la population en otage », « L'économie va
s'effondrer » – et tout est fait pour isoler
les travailleurs et veiller à ce que leurs
revendications restent lettre morte. Des lois
spéciales sont adoptées parfois même pour
interdire toute forme d'action collective.
Maintenant,
un virus mortel et la lutte de vie ou de mort
menée contre lui pour protéger toute la société a
mis en relief comment, de façon incontournable,
les conditions de travail des enseignants sont, en
effet, les conditions d'apprentissage des élèves,
les conditions de travail des travailleurs de la
santé sont, en effet, les conditions du bien-être
de la population, et il en va de même pour tous
les travailleurs du secteur public et tous les
secteurs de l'économie puisque les travailleurs
sont essentiels au fonctionnement de leurs
communautés et de la société dans son ensemble. Le
fait que les gouvernements agissent de l'ancienne
façon envers les travailleurs en dépit de ce que
la crise met en lumière est dû en grande partie au
fait que, du haut de la tour de leur autorité, ils
ne partagent aucunement les conditions de ceux qui
font le travail.
L'initiative est entre nos mains. En quelques
semaines, le rôle essentiel que nous jouons dans
la société est devenu clair comme de l'eau de
roche. Ceux qui travaillent, et qui luttent,
depuis des années, ne s'en sont peut-être même pas
rendus compte eux-mêmes avant aujourd'hui. Nous
constatons l'immense responsabilité sociale que
nous avons, une très noble responsabilité, d'une
ampleur telle qu'il est même difficile de
l'apprécier à sa pleine valeur. Mais nous y
réussirons, aussi longtemps que nous défendons le
mot d'ordre Pas de décisions sans que les
travailleurs ne participent aux prises de
décisions ! Pas de retour à la normale sans
que les nouvelles normes démocratiques que nous
affirmons ne soient respectées !
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 29 - 2 mai 2020
Lien de l'article:
Le déconfinement au Québec: Aucun retour à la normale sans que les nouvelles normes démocratiques que nous affirmons ne soient respectées! - Pierre Soublière
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