Le déconfinement au Québec

Aucun retour à la normale sans que les nouvelles normes démocratiques que nous affirmons ne soient respectées!

Alors que le processus de déconfinement a été annoncé, les travailleurs et leurs organisations font valoir leurs besoins comme ils le font en tant que travailleurs de première ligne et essentiels depuis le début de la pandémie. Ils exigent que leurs besoins en ce qui a trait aux mesures et aux équipements de protection soient respectés, et qu'ils participent activement aux prises de décisions. Ils affirment qu'ils n'ont pas l'intention de retourner aux conditions qui prévalaient avant le confinement.

Au sujet du plan du gouvernement du Québec d'ouvrir les écoles primaires et les services de garde le 14 mai dans les régions hors Montréal, la présidente d'un syndicat des enseignants de l'Outaouais a déclaré : « Les écoles d'hier ne sont pas les écoles qui rouvriront en mai. » Elle a dit : « Le plan ne peut pas avoir été écrit sans que les profs aient été consultés, l'aient vu et l'aient bonifié. Plus on nous écoutera, meilleure sera la réouverture ». Même son de cloche du président du syndicat du soutien scolaire, qui a affirmé : « On ne semble pas considérer dans le débat, mais en bout de ligne, ce sont ces gens-là qui font rouler les services de garde, les services administratifs, l'entretien des écoles. »

En préparation pour le déconfinement en éducation, plusieurs comités ont été formés à la demande du gouvernement et leurs recommandations devaient être présentées au début de mai, mais le gouvernement Legault a annoncé qu'il allait consulter son « caucus » ainsi que les « trois chefs de l'opposition qui vont consulter leurs députés », et voilà, le tour est joué.

Dans cette période de distanciation sociale, peut-être devrions-nous nous distancier quelque peu de ces institutions dites représentatives qui nous tournent le dos dans ces moments critiques et continuent de prendre des décisions à huis clos tout en tentant de nous épater parce qu'elles « consultent les chefs de l'opposition ». Arrêtons-nous un instant et pensons à toutes ces fois que nous avons fait valoir et défendu nos revendications, que ce soit contre les compressions en santé, en éducation et dans les services sociaux, contre l'offensive néolibérale et antisociale, dans le but d'améliorer nos conditions de travail ainsi que les services que nous assurons. Inévitablement, peu importe la justesse et la nécessité de nos revendications, les gouvernements et les médias se mettent à s'énerver et à reprendre leurs éternelles rengaines – « Les syndicats sont corporatistes », « Les travailleurs prennent la population en otage », « L'économie va s'effondrer » – et tout est fait pour isoler les travailleurs et veiller à ce que leurs revendications restent lettre morte. Des lois spéciales sont adoptées parfois même pour interdire toute forme d'action collective.

Maintenant, un virus mortel et la lutte de vie ou de mort menée contre lui pour protéger toute la société a mis en relief comment, de façon incontournable, les conditions de travail des enseignants sont, en effet, les conditions d'apprentissage des élèves, les conditions de travail des travailleurs de la santé sont, en effet, les conditions du bien-être de la population, et il en va de même pour tous les travailleurs du secteur public et tous les secteurs de l'économie puisque les travailleurs sont essentiels au fonctionnement de leurs communautés et de la société dans son ensemble. Le fait que les gouvernements agissent de l'ancienne façon envers les travailleurs en dépit de ce que la crise met en lumière est dû en grande partie au fait que, du haut de la tour de leur autorité, ils ne partagent aucunement les conditions de ceux qui font le travail.

L'initiative est entre nos mains. En quelques semaines, le rôle essentiel que nous jouons dans la société est devenu clair comme de l'eau de roche. Ceux qui travaillent, et qui luttent, depuis des années, ne s'en sont peut-être même pas rendus compte eux-mêmes avant aujourd'hui. Nous constatons l'immense responsabilité sociale que nous avons, une très noble responsabilité, d'une ampleur telle qu'il est même difficile de l'apprécier à sa pleine valeur. Mais nous y réussirons, aussi longtemps que nous défendons le mot d'ordre Pas de décisions sans que les travailleurs ne participent aux prises de décisions ! Pas de retour à la normale sans que les nouvelles normes démocratiques que nous affirmons ne soient respectées !


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 29 - 2 mai 2020

Lien de l'article:
Le déconfinement au Québec: Aucun retour à la normale sans que les nouvelles normes démocratiques que nous affirmons ne soient respectées! - Pierre Soublière


    

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