L'éducation est un droit
La nécessité d'affirmer l'éducation en tant que droit dans les conditions d'aujourd'hui
- Laura Chesnik -
Ce que ce Premier
Mai révèle est jusqu'à quel point l'économie est
sociale de par sa nature. Chaque partie dépend des
autres. Une population en santé est la base de
toute économie, après quoi il y a les soins
prodigués aux enfants et aux aînés, puis
l'éducation et la recherche. Sans une
main-d'oeuvre instruite et en santé, l'économie
moderne ne peut pas fonctionner, ce qui veut dire
que les travailleurs sont la base de l'immense
valeur qui est actuellement retirée par les
monopoles sous forme de profits.
La demande de certains monopoles que l'économie
soit « redémarrée » ou « déconfinée » ne
tient pas compte de cette réalité. Il s'agit au
contraire d'une revendication étroite et
intéressée qui veut que la santé et le bien-être
de la population continuent d'être sacrifiés pour
qu'ils puissent continuer de réaliser leurs
profits. Une pression est exercée sur la classe
ouvrière pour qu'elle fasse sienne cette demande
des monopoles de repartir l'économie suivant une
vision pessimiste que si nous n'agissons pas tout
de suite, le ciel va nous tomber sur la tête.
C'est une tentative d'accabler la classe ouvrière
et le peuple et de les empêcher de poursuivre leur
propre discussion et de fixer leur propre
encadrement pour la reprise de l'économie. La
question en est réduite à une opposition entre «
redémarrer » et « ne pas redémarrer »,
un faux choix. Ralentir la propagation du virus
jusqu'à ce qu'un vaccin soit produit et planifier
un redémarrage économique qui est favorable au
peuple, voilà comment la question se pose. C'est
ce problème qu'il faut résoudre.
Lorsque nous parlons d'éducation, une des
principales caractéristiques de la classe
dirigeante est qu'elle voit les jeunes comme un
problème, parce que tant qu'ils ne sont pas à
l'école les parents doivent s'occuper d'eux à la
maison et ne sont donc pas au travail. En soi,
cela montre que les garderies et les écoles,
accessibles en tant que service public, libèrent
des ressources humaines massives qui peuvent
contribuer à bâtir l'économie. En fait, l'économie
ne peut redémarrer sans que ces services soient
pleinement fonctionnels. Comment la redémarrer
d'une manière qui soit favorable à la société dans
son ensemble à long terme, et à la jeunesse en
particulier, et non pas en simple réaction aux
exigences des monopoles, voilà ce dont il faut
débattre.
L'éducation
est intimement liée à d'autres secteurs de
l'économie du fait que les jeunes font partie de
la société et que la société a des responsabilités
envers eux. Le point de départ de toute relance du
système d'éducation doit être l'affirmation du
droit à l'éducation. Cela veut nécessairement dire
affirmer le droit de ceux qui dispensent
l'éducation et des jeunes eux-mêmes d'avoir leur
mot à dire sur comment initier la relance puisque
c'est leur vie et leur avenir qui est en jeu. Dans
ce processus, les enseignants et les travailleurs
de l'éducation, en tant qu'individus et par la
voix de leurs syndicats et de leurs comités de
santé et sécurité au travail ; les jeunes en
tant qu'individus et par la voix de leurs conseils
étudiants ; les parents en tant qu'individus
et par la voix des comités de parents ; et
les commissaires élus, ont le droit de se
prononcer sur la façon de redémarrer les écoles et
doivent faire partie des prises de décision. C'est
la seule façon de mettre en oeuvre des mesures qui
seront vraiment respectées et défendues par ceux
qui sont appelés à respecter les règles. Les
jeunes surtout doivent avoir voix au chapitre sur
l'établissement des directives qu'ils seront
appelés à suivre. C'est une méthode importante qui
permet de les former à prendre leurs
responsabilités individuelles et sociales, à
travailler comme collectif et à apprendre
ensemble.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS)
recommande spécifiquement aux éducateurs : «
Intégrez la prévention et la lutte contre les
maladies aux activités et aux leçons quotidiennes.
Veillez à proposer des contenus adaptés à l'âge,
au genre, à l'ethnie et au handicap éventuel des
enfants, et assurez-vous que les activités sont
intégrées aux matières existantes. » La
situation ne doit pas servir uniquement à dicter
des ordres basés sur la peur et les menaces ;
il faut faire participer les jeunes pour qu'ils
puissent constater comment les règlements doivent
servir la société et contribuer à leur bien-être,
et que s'ils jouent un rôle dans leur formulation,
ils peuvent mieux les appliquer eux-mêmes et
éduquer leurs familles. En ce sens, l'OMS soulève
aussi comment les écoles jouent un rôle primordial
dans la dissémination d'informations publiques sur
la santé qui peuvent aider à arrêter la
propagation du virus. L'expérience du Venezuela,
qui a utilisé son portail de cartes d'identité
pour faire parvenir un questionnaire aux citoyens
pour solliciter des renseignements et
immédiatement expédier des équipes pour faire du
porte-à-porte et déceler les infections possibles
pourrait être utile ici. Les écoles peuvent jouer
un rôle dans le repérage de symptômes et de
traitements individualisés lorsqu'ils sont
accessibles et dans l'administration des vaccins
dès qu'ils seront disponibles. En d'autres mots,
les écoles ne sont pas uniquement une cellule de
confinement pour enfants, elles sont un lien
vivant entre les campagnes et programmes publics
et la population dans son ensemble.
L'OMS offre les principes suivants pour aider à
arrêter la propagation de la COVID-19 dans les
écoles :
- Les élèves,
enseignants et autres membres du personnel malades
doivent s'abstenir de venir à l'école.
- Les écoles doivent imposer le lavage des mains
régulier à l'aide d'eau propre et de savon, d'une
solution hydroalcoolique ou d'une solution
chlorée. Elles doivent également désinfecter et
nettoyer les surfaces de l'école au moins une fois
par jour.
- Les écoles doivent mettre à disposition des
installations de distribution d'eau,
d'assainissement et de gestion des déchets, et
respecter les procédures de nettoyage et de
décontamination de l'environnement.
- Les écoles doivent encourager l'éloignement
social (il s'agit de mettre en oeuvre certaines
mesures pour ralentir la propagation d'une maladie
très contagieuse, notamment en limitant les
rassemblements d'un grand nombre de personnes).
Les services de garde
D'abord et avant tout, sans des services de garde
disponibles sur une base universelle pour les
enfants de la maternelle à la 8e année avant
toute réouverture, il sera très difficile de
rouvrir quoi que ce soit puisque les parents vont
devoir rester à la maison. (L'âge minimum pour
rester seul à la maison en Ontario est de 16
ans, cependant la plupart des agences de services
sociaux recommandent 12 ans.) Les services de
garde pour les enfants au préscolaire doivent être
bien organisés pour veiller à ce qu'ils soient
sécuritaires. Sans services de garde pour les
enseignants et les travailleurs en éducation dont
les enfants ne sont pas d'âge scolaire, il sera
difficile de rouvrir les écoles. La situation des
établissements de services de garde est donc la
première chose à examiner — en veillant d'abord à
ce qu'ils soient propres et sécuritaires, sans
quoi le reste ne tiendra pas.
Le transport en commun
Une autre question importante est la nécessité
d'accroître les investissements dans le transport
en commun. De nombreux jeunes se rendent à l'école
par transport en commun et par autobus scolaire.
Pour assurer une bonne distanciation physique, il
faudra une importante augmentation des services de
transport en commun pour éviter les longues files
d'attente et les véhicules bondés. Il faudra plus
de personnel pour assurer le nettoyage adéquat des
services de transport en commun après chaque
circuit. C'est ce que les travailleurs du
transport en commun exigent eux-mêmes car ils
voient comment le manque de transport en commun
peut avoir des répercussions nocives sur la santé
humaine, y compris la leur.
Le rôle des écoles dans la surveillance de la
COVID-19
Les écoles doivent être organisées en tenant
compte qu'elles sont le premier contact pour le
système de santé. En ayant dans chaque école une
petite clinique avec une infirmière ou étudiante
en soins infirmiers, le contrôle des symptômes
peut se faire durant la première période de
l'horaire ou même en prenant la température à
mesure que les élèves et le personnel arrivent à
l'école. Les élèves et les membres du personnel
qui montrent des symptômes peuvent immédiatement
être envoyés à la clinique pour un examen plus
complet et un test de dépistage, pour une plus
grande efficacité du traitement et une réduction
de la propagation.
Les mesures de distanciation sociale
L'OMS offre les directives suivantes :
- Étaler les horaires
de début et de fin des cours
- Annuler les rassemblements, les rencontres
sportives et tout autre événement susceptible
d'attirer un grand nombre de personnes
- Lorsque c'est possible, laisser au moins un
mètre entre les bureaux des enfants
- Apprendre aux élèves à garder leurs distances et
à éviter les contacts inutiles, et donner
l'exemple.
Avant l'éclosion de
la COVID-19, la taille des classes était contraire
à ce que nous considérons aujourd'hui comme des
mesures de distance appropriées pour prévenir la
propagation d'une maladie infectieuse. Ainsi, un
facteur important pour tout redémarrage est de
limiter la proximité des élèves pour limiter les
taux d'infection. Il faut donc fournir les masques
appropriés pour tous les élèves et le personnel de
l'école pour limiter la propagation de
gouttelettes. Il faudra donc fournir à chaque
élève et membre du personnel des masques qu'ils
pourront porter pour se rendre à l'école et
repartir de façon sécuritaire. Au Canada, 5
609 007 élèves étaient inscrits à l'éducation
primaire et secondaire en 2018. Il faudrait
donc près de 20 000 000 de masques
par semaine seulement pour les élèves, et ce sera
des masques jetables. Les masques lavables
pourraient aussi être utilisés mais devront être
nettoyés à l'école pour que le nettoyage ne soit
pas laissé au hasard.
Un nettoyage adéquat des écoles veut dire de plus
grands investissements pour avoir un personnel
d'entretien qui veille à ce que chaque jour toutes
les surfaces soient nettoyées à fond, surtout pour
les espaces communs, les poignées de porte et les
bureaux.
De nouveaux régimes doivent être établis pour le
lavage des mains et l'entretien pour que rien ne
soit laissé au hasard. Il pourrait s'agir d'une
routine matinale de lavage de mains à des kiosques
à l'extérieur des écoles, routine qui serait
ensuite reprise lorsque les élèves et le personnel
quittent les lieux.
Il faut en premier lieu que le processus débute
très lentement, avec un contrôle intense et une
rétroaction aux autorités médicales et de la santé
pour que des changements puissent se faire sur une
base quotidienne. Il faudra ainsi un lien entre
chaque école et l'unité locale de santé. Des
représentants de santé et sécurité des
travailleurs à chaque école devraient être libérés
pour permettre qu'ils se réunissent tous les jours
et contrôlent la mise en oeuvre des protocoles de
sécurité. Il faudra pour ce faire mettre sur pied
un comité de santé-sécurité dans chaque école qui
est autorisé à recueillir l'information et à la
transmettre au comité de santé-sécurité au niveau
de la commission scolaire, lequel travaillerait
directement avec les autorités municipales de
santé publique et les gouvernements municipaux,
provinciaux et fédéraux, pour veiller à ce que
toutes les mesures requises sont prises.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 29 - 2 mai 2020
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L'éducation est un droit: La nécessité d'affirmer l'éducation en tant que droit dans les conditions d'aujourd'hui - Laura Chesnik
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