L'éducation est un droit

La nécessité d'affirmer l'éducation en tant que droit dans les conditions d'aujourd'hui

Ce que ce Premier Mai révèle est jusqu'à quel point l'économie est sociale de par sa nature. Chaque partie dépend des autres. Une population en santé est la base de toute économie, après quoi il y a les soins prodigués aux enfants et aux aînés, puis l'éducation et la recherche. Sans une main-d'oeuvre instruite et en santé, l'économie moderne ne peut pas fonctionner, ce qui veut dire que les travailleurs sont la base de l'immense valeur qui est actuellement retirée par les monopoles sous forme de profits.

La demande de certains monopoles que l'économie soit « redémarrée » ou « déconfinée » ne tient pas compte de cette réalité. Il s'agit au contraire d'une revendication étroite et intéressée qui veut que la santé et le bien-être de la population continuent d'être sacrifiés pour qu'ils puissent continuer de réaliser leurs profits. Une pression est exercée sur la classe ouvrière pour qu'elle fasse sienne cette demande des monopoles de repartir l'économie suivant une vision pessimiste que si nous n'agissons pas tout de suite, le ciel va nous tomber sur la tête. C'est une tentative d'accabler la classe ouvrière et le peuple et de les empêcher de poursuivre leur propre discussion et de fixer leur propre encadrement pour la reprise de l'économie. La question en est réduite à une opposition entre « redémarrer » et « ne pas redémarrer », un faux choix. Ralentir la propagation du virus jusqu'à ce qu'un vaccin soit produit et planifier un redémarrage économique qui est favorable au peuple, voilà comment la question se pose. C'est ce problème qu'il faut résoudre.

Lorsque nous parlons d'éducation, une des principales caractéristiques de la classe dirigeante est qu'elle voit les jeunes comme un problème, parce que tant qu'ils ne sont pas à l'école les parents doivent s'occuper d'eux à la maison et ne sont donc pas au travail. En soi, cela montre que les garderies et les écoles, accessibles en tant que service public, libèrent des ressources humaines massives qui peuvent contribuer à bâtir l'économie. En fait, l'économie ne peut redémarrer sans que ces services soient pleinement fonctionnels. Comment la redémarrer d'une manière qui soit favorable à la société dans son ensemble à long terme, et à la jeunesse en particulier, et non pas en simple réaction aux exigences des monopoles, voilà ce dont il faut débattre.

L'éducation est intimement liée à d'autres secteurs de l'économie du fait que les jeunes font partie de la société et que la société a des responsabilités envers eux. Le point de départ de toute relance du système d'éducation doit être l'affirmation du droit à l'éducation. Cela veut nécessairement dire affirmer le droit de ceux qui dispensent l'éducation et des jeunes eux-mêmes d'avoir leur mot à dire sur comment initier la relance puisque c'est leur vie et leur avenir qui est en jeu. Dans ce processus, les enseignants et les travailleurs de l'éducation, en tant qu'individus et par la voix de leurs syndicats et de leurs comités de santé et sécurité au travail ; les jeunes en tant qu'individus et par la voix de leurs conseils étudiants ; les parents en tant qu'individus et par la voix des comités de parents ; et les commissaires élus, ont le droit de se prononcer sur la façon de redémarrer les écoles et doivent faire partie des prises de décision. C'est la seule façon de mettre en oeuvre des mesures qui seront vraiment respectées et défendues par ceux qui sont appelés à respecter les règles. Les jeunes surtout doivent avoir voix au chapitre sur l'établissement des directives qu'ils seront appelés à suivre. C'est une méthode importante qui permet de les former à prendre leurs responsabilités individuelles et sociales, à travailler comme collectif et à apprendre ensemble.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande spécifiquement aux éducateurs : « Intégrez la prévention et la lutte contre les maladies aux activités et aux leçons quotidiennes. Veillez à proposer des contenus adaptés à l'âge, au genre, à l'ethnie et au handicap éventuel des enfants, et assurez-vous que les activités sont intégrées aux matières existantes. » La situation ne doit pas servir uniquement à dicter des ordres basés sur la peur et les menaces ; il faut faire participer les jeunes pour qu'ils puissent constater comment les règlements doivent servir la société et contribuer à leur bien-être, et que s'ils jouent un rôle dans leur formulation, ils peuvent mieux les appliquer eux-mêmes et éduquer leurs familles. En ce sens, l'OMS soulève aussi comment les écoles jouent un rôle primordial dans la dissémination d'informations publiques sur la santé qui peuvent aider à arrêter la propagation du virus. L'expérience du Venezuela, qui a utilisé son portail de cartes d'identité pour faire parvenir un questionnaire aux citoyens pour solliciter des renseignements et immédiatement expédier des équipes pour faire du porte-à-porte et déceler les infections possibles pourrait être utile ici. Les écoles peuvent jouer un rôle dans le repérage de symptômes et de traitements individualisés lorsqu'ils sont accessibles et dans l'administration des vaccins dès qu'ils seront disponibles. En d'autres mots, les écoles ne sont pas uniquement une cellule de confinement pour enfants, elles sont un lien vivant entre les campagnes et programmes publics et la population dans son ensemble.

L'OMS offre les principes suivants pour aider à arrêter la propagation de la COVID-19 dans les écoles :

- Les élèves, enseignants et autres membres du personnel malades doivent s'abstenir de venir à l'école.
- Les écoles doivent imposer le lavage des mains régulier à l'aide d'eau propre et de savon, d'une solution hydroalcoolique ou d'une solution chlorée. Elles doivent également désinfecter et nettoyer les surfaces de l'école au moins une fois par jour.
- Les écoles doivent mettre à disposition des installations de distribution d'eau, d'assainissement et de gestion des déchets, et respecter les procédures de nettoyage et de décontamination de l'environnement.
- Les écoles doivent encourager l'éloignement social (il s'agit de mettre en oeuvre certaines mesures pour ralentir la propagation d'une maladie très contagieuse, notamment en limitant les rassemblements d'un grand nombre de personnes).

Les services de garde

D'abord et avant tout, sans des services de garde disponibles sur une base universelle pour les enfants de la maternelle à la 8e année avant toute réouverture, il sera très difficile de rouvrir quoi que ce soit puisque les parents vont devoir rester à la maison. (L'âge minimum pour rester seul à la maison en Ontario est de 16 ans, cependant la plupart des agences de services sociaux recommandent 12 ans.) Les services de garde pour les enfants au préscolaire doivent être bien organisés pour veiller à ce qu'ils soient sécuritaires. Sans services de garde pour les enseignants et les travailleurs en éducation dont les enfants ne sont pas d'âge scolaire, il sera difficile de rouvrir les écoles. La situation des établissements de services de garde est donc la première chose à examiner — en veillant d'abord à ce qu'ils soient propres et sécuritaires, sans quoi le reste ne tiendra pas.

Le transport en commun

Une autre question importante est la nécessité d'accroître les investissements dans le transport en commun. De nombreux jeunes se rendent à l'école par transport en commun et par autobus scolaire. Pour assurer une bonne distanciation physique, il faudra une importante augmentation des services de transport en commun pour éviter les longues files d'attente et les véhicules bondés. Il faudra plus de personnel pour assurer le nettoyage adéquat des services de transport en commun après chaque circuit. C'est ce que les travailleurs du transport en commun exigent eux-mêmes car ils voient comment le manque de transport en commun peut avoir des répercussions nocives sur la santé humaine, y compris la leur.

Le rôle des écoles dans la surveillance de la COVID-19

Les écoles doivent être organisées en tenant compte qu'elles sont le premier contact pour le système de santé. En ayant dans chaque école une petite clinique avec une infirmière ou étudiante en soins infirmiers, le contrôle des symptômes peut se faire durant la première période de l'horaire ou même en prenant la température à mesure que les élèves et le personnel arrivent à l'école. Les élèves et les membres du personnel qui montrent des symptômes peuvent immédiatement être envoyés à la clinique pour un examen plus complet et un test de dépistage, pour une plus grande efficacité du traitement et une réduction de la propagation.

Les mesures de distanciation sociale

L'OMS offre les directives suivantes :

- Étaler les horaires de début et de fin des cours
- Annuler les rassemblements, les rencontres sportives et tout autre événement susceptible d'attirer un grand nombre de personnes
- Lorsque c'est possible, laisser au moins un mètre entre les bureaux des enfants
- Apprendre aux élèves à garder leurs distances et à éviter les contacts inutiles, et donner l'exemple.

Avant l'éclosion de la COVID-19, la taille des classes était contraire à ce que nous considérons aujourd'hui comme des mesures de distance appropriées pour prévenir la propagation d'une maladie infectieuse. Ainsi, un facteur important pour tout redémarrage est de limiter la proximité des élèves pour limiter les taux d'infection. Il faut donc fournir les masques appropriés pour tous les élèves et le personnel de l'école pour limiter la propagation de gouttelettes. Il faudra donc fournir à chaque élève et membre du personnel des masques qu'ils pourront porter pour se rendre à l'école et repartir de façon sécuritaire. Au Canada, 5 609 007 élèves étaient inscrits à l'éducation primaire et secondaire en 2018. Il faudrait donc près de 20 000 000 de masques par semaine seulement pour les élèves, et ce sera des masques jetables. Les masques lavables pourraient aussi être utilisés mais devront être nettoyés à l'école pour que le nettoyage ne soit pas laissé au hasard.

Un nettoyage adéquat des écoles veut dire de plus grands investissements pour avoir un personnel d'entretien qui veille à ce que chaque jour toutes les surfaces soient nettoyées à fond, surtout pour les espaces communs, les poignées de porte et les bureaux.

De nouveaux régimes doivent être établis pour le lavage des mains et l'entretien pour que rien ne soit laissé au hasard. Il pourrait s'agir d'une routine matinale de lavage de mains à des kiosques à l'extérieur des écoles, routine qui serait ensuite reprise lorsque les élèves et le personnel quittent les lieux.

Il faut en premier lieu que le processus débute très lentement, avec un contrôle intense et une rétroaction aux autorités médicales et de la santé pour que des changements puissent se faire sur une base quotidienne. Il faudra ainsi un lien entre chaque école et l'unité locale de santé. Des représentants de santé et sécurité des travailleurs à chaque école devraient être libérés pour permettre qu'ils se réunissent tous les jours et contrôlent la mise en oeuvre des protocoles de sécurité. Il faudra pour ce faire mettre sur pied un comité de santé-sécurité dans chaque école qui est autorisé à recueillir l'information et à la transmettre au comité de santé-sécurité au niveau de la commission scolaire, lequel travaillerait directement avec les autorités municipales de santé publique et les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéraux, pour veiller à ce que toutes les mesures requises sont prises.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 29 - 2 mai 2020

Lien de l'article:
L'éducation est un droit: La nécessité d'affirmer l'éducation en tant que droit dans les conditions d'aujourd'hui - Laura Chesnik


    

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