Les travailleurs étrangers temporaires méritent la résidence permanente, pas des menaces!
- Diane Johnston -
En opposition à sa décision de refuser aux
demandeurs d'asile d'entrer irrégulièrement au
Canada, abandonnant ainsi ses propres engagements
humanitaires internationaux, le gouvernement
libéral de Justin Trudeau a exempté les
travailleurs étrangers temporaires de ses
restrictions à ses frontières, tout en menaçant de
recourir aux pouvoirs policiers contre eux.
En 2016, un total
de 613 200 permis de travail ont été
délivrés par le gouvernement fédéral à des
travailleurs étrangers temporaires, tous
programmes confondus. De ce
nombre, 129 000 permis ont été émis pour
les quatre programmes
suivants : 25 700 sont allés à des
travailleurs du programme « pour des motifs
d'ordre humanitaire », 3 700 à ceux
du programme de permis « Autres programmes de PTO
[travail ouvert] », 77 800 au
programme « Titulaires de PTED [Permis de travail
lié à un employeur donné] à faible niveau de
compétences » et 21 800 à «
Titulaires de plusieurs types de permis de travail
ou d'un permis de travail lié à un employeur donné
sans niveau de compétence déterminé. ».[1]
Au fil des ans, les pays à faible niveau de
développement économique et de stabilité sociale
ont été les principales sources de travailleurs
étrangers temporaires dans le cadre du programme
des aides familiaux résidants, du
programme des travailleurs agricoles saisonniers
et du projet pilote relatif aux
travailleurs peu spécialisés du gouvernement
fédéral. Dans tous ces programmes, ces
travailleurs étrangers temporaires ont eu une
forte tendance à demeurer plus longtemps ou à
revenir après avoir quitté pendant quelques mois,
car les emplois qu'ils effectuent sont récurrents.[2]
Dans le contexte de la pandémie de la COVID-19,
une lettre datée du 1er avril 2020,
signée par la ministre fédérale de la Santé Patty
Hajdu et la ministre de l'Emploi Carla Qualtrough,
adressée aux employeurs de ces travailleurs,
décrit les mesures que le gouvernement a prises
pour faciliter leur accès « à cette source
importante de main-d'oeuvre, reconnaissant que ces
travailleurs jouent un rôle essentiel lorsqu'il
est question d'appuyer la sécurité alimentaire et
d'autres industries primordiales à l'économie
canadienne ». Les ministres justifient les
menaces qu'elles ont proférées contre ces
travailleurs en disant avoir « toujours fait ce
qui est nécessaire pour protéger la santé et la
sécurité des Canadiens ».[3] Le grand absent
est le souci pour la santé et la sécurité de ces
travailleurs.
Les considérant d'abord et avant tout comme une
marchandise, la lettre informe ensuite les
employeurs de leurs « obligations qui seront
imposées aux TET (travailleurs étrangers
temporaires) arrivant au Canada en vertu du décret
d'urgence Numéro C.P. : 2020-0175 sous
l'article 58 de la Loi sur la mise en
quarantaine, ainsi que les obligations
connexes que vous aurez en tant qu'employeur.
[...] De plus, quiconque, en contrevenant
intentionnellement ou par insouciance à cette loi
ou aux règlements, expose autrui à un danger
imminent de mort ou de blessures graves encourt
une amende maximale
de 1 000 000 $ ou un
emprisonnement maximal de trois ans, ou les deux
peines. Nous étudions également des options pour
imposer des pénalités à des employeurs de
ressortissants étrangers en vertu d'autres régimes
de réglementation, comme le Règlement sur
l'immigration et la protection des réfugiés,
puisque nous nous soucions grandement de la santé
des Canadiens. »[4]
« Il est important que vous sachiez que des
sanctions pouvant
atteindre 750 000 $ peuvent être
infligées à des TET qui ne se conformeraient pas à
l'article 58 », déclarent les ministres.
La lettre informe également les employeurs
que :
« Les travailleurs étrangers temporaires arrivant
par avion devront se soumettre à une vérification
de leur état de santé avant l'embarquement ainsi
qu'à une évaluation à leur arrivée au Canada. Si
votre employé présente des symptômes avant
l'embarquement, il ne sera pas autorisé à se
rendre au Canada.
« S'ils présentent des symptômes à leur arrivée,
ils seront placés en quarantaine au point d'entrée
ou envoyés à l'hôpital selon la gravité de leur
état. Une fois qu'ils se seront rétablis, leur
admissibilité sera évaluée et, le cas échéant, ils
pourront être autorisés à poursuivre leur voyage
pour se rendre à l'endroit où se trouve leur
poste.
« S'ils ne présentent aucun symptôme à leur
arrivée (dits ‘asymptomatiques') et qu'ils
satisfont aux exigences en matière d'entrée, ils
seront autorisés à poursuivre leur voyage dans un
véhicule privé pour se rendre à leur logement, où
ils devront s'isoler pendant 14 jours.
« S'ils deviennent symptomatiques après leur
arrivée à leur résidence canadienne, ils doivent
s'isoler des autres et les autorités de santé
publique locales doivent être contactées
immédiatement à des fins d'orientation. Celles-ci
fourniront des conseils à la personne concernée
ainsi qu'à toute personne ayant été en contact
étroit avec elle. Cette obligation demeure en
vigueur même après la fin de la période
d'auto-isolement obligatoire. »
La lettre conclut en soulignant que « les
employeurs sont tenus de surveiller la santé de
leurs employés et de signaler aux autorités de la
santé locales toute personne qui présente des
symptômes. Cela comprend les travailleurs
étrangers temporaires ainsi que tout autre
employé. »
Bon nombre des emplois pour lesquels des
travailleurs étrangers temporaires sont embauchés,
y compris la prestation de soins, le travail dans
les fermes et dans les champs ainsi que dans les
usines de transformation des viandes, ne sont pas
comblés par la main-d'oeuvre canadienne en raison
des salaires médiocres et de conditions de travail
intenables. Les travailleurs étrangers temporaires
acceptent souvent ces emplois dans l'espoir de
pouvoir s'installer définitivement ici pour
assurer un avenir meilleur à eux-mêmes et à leurs
familles. Pourtant, les gouvernements changent
continuellement les règles du jeu à leur égard,
les privant de ce droit.
Ces mêmes
gouvernements présentent la situation à laquelle
les travailleurs étrangers temporaires sont
confrontés comme étant régie par des règles et
affirment qu'ils sont couverts par les normes
minimales du travail fédérales et provinciales,
qu'ils ont accès à de nombreux programmes sociaux
et services publics, ainsi qu'à une porte d'entrée
vers la résidence permanente. Cependant, les
conditions objectives de servitude dans lesquelles
ils travaillent sont laissées à la discrétion de
l'employeur. Leurs droits sont soumis à des abus,
y compris leur droit fondamental de s'organiser
collectivement pour la défense de leurs droits,
auxquels s'ajoute la menace d'être renvoyés dans
leur pays d'origine.
Les gouvernements ici au Canada sont tenus de
maintenir ces travailleurs dans une position
vulnérable et ouverts aux abus en refusant de
supprimer leur statut temporaire. Tant que leurs
droits sont privés de garantie, leur dignité de
travailleur est également déniée et leur statut
précaire maintenu. Ils doivent être tenus
responsables des conditions que ces travailleurs
sont obligés d'endurer. Le fait « que ces
travailleurs jouent un rôle essentiel lorsqu'il
est question d'appuyer la sécurité alimentaire et
d'autres industries primordiales à l'économie
canadienne » mérite qu'ils soient dédommagés,
en commençant par leur octroyer le statut de
résident permanent, si ces travailleurs et leurs
familles le souhaitent. Ils ne méritent rien de
moins !
Notes
1. Statistique
Canada, Travailleurs étrangers temporaires au
sein de la population active du Canada :
permis de travail ouverts et permis liés à un
employeur donné, Tableau 1,
2. Dans
quelle mesure les travailleurs étrangers
temporaires étaient-ils temporaires ?,
Statistique Canada, 29 janvier 2018
3. Lettre
des ministres aux employeurs – Travailleurs
étrangers temporaires - COVID-19,1er
avril 2020
4. Décret
du gouverneur en conseil numéro 2020-0175
fait selon l'article 58 de la Loi sur
la mise en quarantaine et émis le 24
mars 2020.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 29 - 2 mai 2020
Lien de l'article:
Les travailleurs étrangers temporaires méritent la résidence permanente, pas des menaces! - Diane Johnston
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|