Lancement d'une action concertée pour briser la loi du silence sur les conditions dans les établissements de soins de longue durée et les résidences pour personnes âgées
Le 21 avril, le Collège des médecins du
Québec (CMQ), l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec (OIIQ) et l'Ordre des
infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec
(OIIAQ) ont annoncé la tenue d'une enquête
conjointe pour évaluer la qualité des soins de
santé et les pratiques au CHSLD privé Herron de
Dorval qui appartient au groupe Katasa, ainsi que
de l'Institut universitaire de gériatrie de
Montréal (IUGM). À ce sujet, la Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
écrit : « Dans un contexte d'Omerta, nous
espérons que cette enquête brisera la loi du
silence dans les soins aux personnes âgées, et que
la voix des ordres professionnels s'ajoutera enfin
à celles de nos membres qui, elles aussi,
souhaitent protéger le public. »
« Pour les
professionnelles en soins, les faits sont là. Nos
membres nous rapportent, depuis plusieurs années,
qu'elles n'ont plus les conditions qui leur
permettent de donner des soins sécuritaires et de
qualité, il manque de personnel de façon
chronique, la surcharge de travail est constante,
les gestionnaires rationnent les soins, les CHSLD
sont à l'agonie et malheureusement, nous en
faisons le triste constat aujourd'hui. »,
déclare Nancy Bédard, présidente de la FIQ.
Au CHSLD Ste-Dorothée, à la demande des syndicats
du personnel médical, la Commission des normes, de
l'équité, de la santé et de la sécurité du travail
(CNESST) est intervenue dans le centre pour ces
mêmes raisons. Le rapport remis le 12 avril a
fait état de plusieurs manquements. « Certains
travailleurs présentant des symptômes compatibles
avec la COVID-19 ont continué à travailler, des
membres du personnel ont dû réaliser des
interventions risquées auprès de patients infectés
sans équipements de protection adéquats »,
indique entre autres le rapport cité dans le
document déposé à la cour. Des résidents infectés
n'auraient pas été transférés à l'hôpital Cité de
la santé à Laval, même si cela aurait pu permettre
de mieux les soigner. »
Au CHSLD Ste-Dorothée à Laval, en date du 16
avril 2020, celui-ci comptait 150 cas de
personnes atteintes de la COVID-19 chez les
résidents, soit 78 % du nombre total de
résidents, et 56 décès, en plus de 79
cas chez les employés.
Le fils d'une aînée décédée de la COVID-19 au
CHSLD Ste-Dorothée vient d'intenter une action
collective de plus de 13 millions de dollars
contre le centre en l'accusant de grave négligence
ayant coûté la vie à 56 résidents. Le 21
avril, le cabinet Ménard, Martin, avocats, a
déposé une demande d'autorisation pour exercer une
action collective contre le CHSLD Ste-Dorothée à
Laval, ainsi que le Centre intégré de Santé et de
Services sociaux de Laval.
Les avocats réclament des millions en
dédommagement, au nom de 192 résidents du
centre, mais aussi de leurs proches qui vivent
encore une détresse psychologique face à la
situation.
Dans une lettre en date du 3 avril dernier
adressée à Danielle McCann, ministre de la Santé
et des Services sociaux, le cabinet avait déjà
fait part de ses préoccupations quant à la
situation dans les CHSLD.
« Dans les derniers jours, plusieurs situations
extrêmement préoccupantes nous ont été signalées
par des personnes vivant en CHSLD ou en résidence
privée pour aîné(e)s, de même que par des familles
de ces personnes. La situation actuelle d'urgence
sanitaire décrétée le 13 mars dernier donne des
pouvoirs sans précédent au gouvernement du Québec.
Cependant, ceux-ci ne sont pas sans
limites. »
Il s'en prend directement à la décision émise par
le ministère de réviser à la baisse l'ensemble des
niveaux de soins qui étaient fournis. Il rejette
également le prétexte de l'engorgement et de
limitation des ressources alors que des centaines
de lits ont été libérés, de même que la pression
exercée sur les familles d'accepter de facto une
baisse de soins.
Il écrit : « Nous
sommes très préoccupés par certaines directives
dont nous avons pris connaissance, notamment
celles concernant les CHSLD émises les 23
et 25 mars dernier, par le ministère de la
Santé et des Services sociaux.
« D'abord, la décision de réviser l'ensemble des
niveaux de soins, au moment même de cette période
de crise sanitaire, s'avère particulièrement
problématique.
« Dans ce contexte, alors que le consentement
libre et éclairé du patient ou de son représentant
est essentiel pour l'établissement d'un niveau de
soins, la révision systématique de l'ensemble des
niveaux de soins pour tous les résidents des CHSLD
est clairement inappropriée. Plusieurs familles
nous ont rapporté un processus de révision
inacceptable où le patient ou son représentant
reçoit une pression très forte des médecins et des
infirmières pour consentir à une baisse du niveau
de soins ou se fait carrément imposer une décision
à cet effet.
« Vos directives excèdent largement ce qui est
strictement nécessaire pour faire face au contexte
d'urgence actuelle. Il ne s'agit pas ici d'une
question de limitation des ressources. En date
du 2 avril 2020, le réseau
comptait 365 hospitalisations de patients
atteints du COVID-19, alors que 7 000
lits ont été libérés en prévision de la crise. De
même, les places en soins intensifs sont toujours
largement disponibles selon les informations que
vous rendez publiques quotidiennement. Encore
hier, le premier ministre Legault déclarait par
ailleurs que le Québec ne manquait pas de
ventilateurs. »
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 28 - 25 avril 2020
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