Résistance aux conditions dans les résidences pour personnes âgées

Le coeur du problème devant la mort de tant de personnes âgées

La situation insoutenable à laquelle font face les personnes âgées pendant cette pandémie est une très grande préoccupation pour les travailleurs, les familles et leurs proches.

Au 22 avril, le gouvernement du Québec avait rendu plus de 7 000 lits disponibles dans le système hospitalier. Or, seulement 1 400 des 21 838 personnes atteintes de COVID-19 ont été hospitalisées depuis le début de la pandémie. Plus de 5 000 lits restent inutilisés. Sur les 1 243 personnes décédées, 1 211 (97,5 %) avaient plus de 60 ans et de ce nombre 850, ou 81,7 %, sont décédées dans des résidences pour personnes âgées ou des centres de soins de longue durée (CHSLD) dans des conditions de solitude et de détresse.
Le fait est que les 23 et 25 mars et le 9 avril, le ministère de la Santé et des Services publics a émis des directives aux CHSLD concernant le transfert de malades dans les hôpitaux.

La directive du 23 mars spécifie que « les patients COVID-19 suspectés ou confirmés ne doivent être transférés en CH [centres hospitaliers] que de façon exceptionnelle et après consultation avec le médecin de garde. [...] »

La directive du 25 mars prévoit spécifiquement que les transferts de ces personnes vers les centres hospitaliers doivent être évités et doivent être des cas d'exception. Cette même directive prévoit en outre une révision systématique de l'ensemble des niveaux de soins pour cette clientèle spécifique. La procédure est compliquée au point de rendre tout transfert pratiquement impossible.

Le 9 avril, la directive ajoutait la notion de volonté de l'usager et de sa famille concernant la quantité et la qualité des soins. « Si son état de santé le requiert, l'usager est transféré vers un centre hospitalier désigné COVID-19. Cette décision dépend du niveau de soins, qui est déterminé en fonction de la volonté de l'usager et de sa famille et du jugement du médecin. » (Notre souligné)

Quand il dit que la décision est déterminée en fonction de l'usager et de sa famille et du jugement du médecin, le ministère semble faire expressément abstraction des conditions dans lesquelles la décision doit être prise : dans des institutions où il y a insuffisance de personnel et où souvent le personnel n'est pas qualifié parce qu'il faut des infirmières et des médecins. La personne est en isolement et possiblement en détresse, la famille n'a pas accès à la résidence, etc. Comment peut-on supposer un examen systématique des soins donnés ? Le gouvernement se soustrait à sa responsabilité de fournir le maximum de soins possible, avec le plus haut standard de soins de santé modernes, que le patient soit en CHSLD, en résidence de personnes âgées ou en centre hospitalier.

Introduire subrepticement la notion de la décision de l'usager est une façon d'éviter le coeur du problème. Qui est responsable de la mort de tant de personnes âgées ? Le gouvernement affirme que tous les soins sont disponibles dans ces endroits malgré toutes les preuves qui montrent que le niveau de soins est déjà bien en deçà de ce qui est nécessaire. Des patients ayant besoin d'assistance deviennent incontinents par manque de personnel et à cause du temps d'attente pour être assistés. D'autres ne reçoivent pas de ventilateur car il n'y en a pas sur place ou de disponible au moment voulu, et la famille est appelée pour avoir l'autorisation de donner de la morphine pour soulager la douleur, et voilà ce qui en est de l'« examen systématique de tous les niveaux de soins » requis par le patient en question. La phrase courante « Le patient a demandé uniquement d'être confortable et qu'il n'y ait pas d'acharnement » devient la justification de cette négligence. C'est ainsi qu'insidieusement, la responsabilité du gouvernement est reportée sur le dos des aînés et de leur famille, forcés de prendre des décisions dans ces conditions inacceptables qui, en tout état de cause, n'ont aucune incidence sur les mesures préventives qui auraient dû être prises et le traitement humain qui devrait être disponible.

Depuis 20 ans, les Québécois dénoncent les conditions dans bon nombre de ces résidences qui manquent de personnel. De plus, beaucoup de nos proches sont placés là en permanence à la suite d'accidents cardiovasculaires et parce que l'institution médicale n'est pas autorisée à entreprendre leur réadaptation, ou parce qu'ils ont le Parkinson et l'establishment médical n'est pas disposé à s'attaquer à cette maladie. Le personnel dévoué est chroniquement sous-payé et souvent non qualifié, n'ayant pas les compétences infirmières requises pour répondre aux besoins des résidents. Qui au Québec ne sait pas que de nombreux patients qui ont besoin de réadaptation ou qui ont des maladies graves n'ont pas d'affaire dans des institutions où les gens sont envoyés pour mourir ? Pourquoi est-il « normal » d'avoir autant de morts dans ces endroits pendant la saison de la grippe ? Pourquoi ces personnes âgées ne sont-elles pas transférées à l'hôpital dès qu'elles présentent des symptômes pour y être soignées comme il faut ?

En raison du grand nombre de décès dans les CHSLD, beaucoup de choses sont révélées sur les conditions qui y règnent. Le Québec tout entier sait que cette situation existe à cause des politiques néolibérales et des coupures antisociales au fil des années. Les élites qui dominent les affaires politiques le savent puisque ce sont elles qui les ont mises en pratique et qui s'enrichissent grâce aux politiques d'austérité que les gouvernements des partis cartellisés adoptent et imposent en toute impunité. Les travailleurs aussi le savent parce qu'ils en portent le fardeau et le paient de leur santé et de leur vie. Ces politiques ont fait l'objet de maintes élections, y compris celles durant laquelle le premier ministre actuel a usurpé le pouvoir.

Les Québécois sont déterminés à tenir les gouvernements responsables de leur refus d'assumer la responsabilité sociale des conditions qui prévalent dans les CHSLD. Et qu'advient-il des chirurgies électives qui ne peuvent plus être reportées ? Des lits ont été libérés dans les hôpitaux partout au Québec en reportant les interventions dites non urgentes. C'est un problème parce qu'il faudra tôt ou tard que les chirurgies électives recommencent, alors où iront les malades de la COVID-19 ? On rapporte qu'il se fait normalement 9000 interventions chirurgicales dans les hôpitaux chaque semaine. Dans la semaine du 28 mars, quelque 6750 opérations chirurgicales ont été reportées. Des médecins spécialistes prévoient un engorgement dès le mois de mai puisque ce seront des milliers de patients qui auront besoin d'être opérés en même temps.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 28 - 25 avril 2020

Lien de l'article:
Résistance aux conditions dans les résidences pour personnes âgées: Le coeur du problème devant la mort de tant de personnes âgées - Christine Dandenault


    

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