Les infirmières des États-Unis défendent héroïquement la santé et la sécurité face à la pandémie et à la destruction néolibérale
Des infirmières devant la Maison-Blanche à
Washington rendent hommage aux travailleurs de la
santé morts de la COVID-19 et exigent des
équipements de protection adéquats pour faire leur
travail, le 21 avril 2020.
En pleine pandémie, la vie des travailleurs de la
santé des États-Unis et du public est inutilement
mise en danger par l'inaction du gouvernement et
les conflits entre les gouvernements des États et
les gouvernements fédéraux. Comme en témoigne
l'expérience des travailleurs de la santé au
Canada, ce sont les travailleurs eux-mêmes qui
défendent la santé et les normes de sécurité
contre les gouvernements et les employeurs qui ont
d'autres ordres du jour, surtout dans le système
américain qui est largement organisé pour générer
des profits pour des intérêts privés. De février à
aujourd'hui, les Infirmières nationales unies
(NNU) et d'autres associations d'infirmières
nationales ont publié des communiqués de presse
réguliers et organisé des manifestations publiques
pour continuer de mettre de l'avant les
revendications des infirmières.
Un communiqué de
presse du NNU du 28 février au sujet d'un
patient atteint de la COVID-19 soigné au centre
médical UC Davis en Californie montre ce à quoi
les infirmières font face à l'échelle des
États-Unis. Le NNU souligne que ce cas « met en
lumière la vulnérabilité des hôpitaux de la nation
face à ce virus et l'insuffisance des récentes
directives du Centre pour le contrôle des
maladies.
« Le seul patient de la COVID-19 admis à
l'établissement le 19 février a mené au
confinement volontaire à domicile d'au
moins 36 infirmières licenciées et de 88
autres travailleurs de la santé.
« Ces 124 infirmières et travailleurs de la
santé, qui sont plus que jamais nécessaires, ont
au contraire été immobilisés. Le manque de
préparation va engendrer une crise nationale
intenable du personnel de la santé.
« Pour les infirmières, la gestion de ce cas de
COVID-19 représente un échec du système et non un
succès. Les infirmières licenciées du NNU se font
entendre parce qu'elles se consacrent à la
protection de la santé et de la sécurité de leurs
patients, des travailleurs de la santé et du
public.
« Les infirmières employées par les centres
médicaux de l'Université de la Californie ont
rencontré les représentants de l'université quatre
fois et écrit de nombreuses lettres depuis le 28
janvier pour les avertir de l'urgence de se
préparer au coronavirus, faire des demandes
d'information et offrir de travailler avec eux.
Le 18 février, les infirmières de l'UC ont
écrit à Janet Napolitano, la présidente du système
de l'UC, afin d'exiger une protection accrue pour
les infirmières et les patients contre le
coronavirus. Le 11 février, les infirmières
Davis de l'UC, huit jours avant l'admission du
patient en question, avaient approché les
gestionnaires de l'hôpital pour leur demander
d'appliquer le plan de contrôle des infections
déjà en place en raison de la pandémie de l'Ebola
en 2014, mais l'hôpital a refusé. »
Manifestation devant l'hôpital Antioch en
Californie le 24 mars 2020. La National Nurses
United estime que plus de 150 manifestations ont
eu lieu aux États-Unis.
« Nous savons que nous pouvons réussir à mettre
tous nos hôpitaux en état de préparation afin de
contrôler la propagation de ce virus », a dit
Bonnie Castillo, infirmière licenciée, directrice
générale de NNU. « Nous sommes engagées à
travailler avec les hôpitaux, l'État et les
agences fédérales afin d'être prêtes. Mais les
infirmières et les travailleurs de la santé
doivent avoir les effectifs, l'équipement et le
matériel nécessaires pour y arriver. Ce n'est pas
le temps pour les réseaux d'hôpitaux de couper les
coins ronds et de prioriser les profits. C'est le
temps de faire un effort supplémentaire et de
faire en sorte que les travailleurs de la santé,
les patients et le public soient protégés en vertu
des plus hauts standards. »
Le mois suivant,
dans un communiqué de presse du 10 mars, le
NNU a déclaré : « Les infirmières licenciées
sont scandalisées d'apprendre que le Centre pour
le contrôle des maladies (CCM), en date du 10
mars, a dilué encore plus ses directives pour
contenir la COVID-19. Entre autres changements, il
y a eu une réduction des normes entourant
l'équipement de protection individuelle (ÉPI)
comme le fait de remplacer les respirateurs N95
par de simples masques chirurgicaux, ne pas exiger
que les patients de la COVID-19 confirmés ou
soupçonnés soient placés dans des chambres
d'isolement de pression négative en tout temps et
la détérioration des protections pour les
travailleurs de la santé faisant la cueillette
d'échantillons de diagnostic respiratoire. Ce sont
des changements qui, selon le NNU, mettront les
infirmières, les travailleurs de la santé, les
patients et nos communautés dans une situation de
danger grave. »
Du mois de mars à aujourd'hui, les infirmières
ont organisé des rassemblements lors des
changements de quart de travail pour appuyer leurs
revendications ainsi que des actions pour défendre
les infirmières suspendues parce qu'elles refusent
de travailler sans qu'on leur fournisse l'ÉPI
nécessaire pour travailler en toute sécurité.
Conflits entre les autorités des États et les
autorités
fédérales au sujet de l'équipement
Comme au Canada, les travailleurs des États-Unis
sont confrontés à une économie qui n'est pas
autosuffisante pour répondre aux besoins du
peuple. Dans la situation actuelle, cela veut dire
fournir l'ÉPI nécessaire, les ventilateurs et les
autres équipements requis par les travailleurs de
la santé et les patients de la COVID-19. La
situation est exacerbée par les luttes intestines
entre l'État fédéral et les autorités de chaque
état au sujet de l'équipement médical.
On lit dans le New York Times du 6
avril : « Au Massachusetts, les dirigeants de
cet État ont dit qu'ils avaient confirmé une vaste
commande d'équipement de protection individuelle
pour leurs travailleurs de la santé. Puis,
l'administration Trump a saisi ces livraisons.
« Au Kentucky, le dirigeant du système des
hôpitaux a dit aux membres du congrès que son
intermédiaire avait résilié l'entente pour la
livraison de quatre cargaisons d'équipement
médical désespérément attendues après que le
Federal Emergency Management Agency l'ait pris en
main.
« Le gouverneur Jared Polis du Colorado pensait
que son État avait obtenu 500 ventilateurs
mais ceux-ci ont été ‘confisqués par la FEMA'.
« Pendant des semaines, l'administration Trump a
exercé une pression sur les États pour qu'ils se
procurent leurs propres ventilateurs et leurs
propres équipements de protection tels que
masques, gants et visières. Mais une nouvelle
tentative de la part de l'administration de créer
un système hybride de distribution — partagé entre
le gouvernement fédéral, les représentants locaux
et les compagnies de services de santé privées — a
engendré une nouvelle confusion qui frise le chaos
et des accusations de confiscation. »
La destruction néolibérale du Centre américain
de contrôle et de prévention des maladies
Le Centre américain de contrôle et de prévention
des maladies (CDC) est une agence fédérale sous
l'égide du département des services humains et de
santé. Dès le début de l'éclosion de la COVID-19,
plusieurs questions ont été soulevées au sujet du
CDC et de son manque d'actions fermes et de
direction pour combattre la pandémie.
Un problème initial a été le fait que le CDC n'a
pas fourni des tests fiables pour la COVID-19 dès
le début de janvier, après que les États-Unis
aient décidé de fabriquer leur propre test, plutôt
que de prendre comme modèle le test proposé par
l'Organisation mondiale de la santé. Selon le Washington
Post du 18 avril : « L'absence de
mesures proposées par le Centre pour le contrôle
et la prévention des maladies pour produire
rapidement une trousse de dépistage pour déceler
le nouveau coronavirus est due à un effondrement
scientifique flagrant au complexe central des
laboratoires du CDC à Atlanta, selon les
scientifiques compétents en la matière et une
lettre de détermination des contrôleurs fédéraux.
« Les installations du CDC qui fabriquaient les
trousses ont violé les principes de fabrication
appropriés, ce qui a résulté en une contamination
de l'une des trois composantes utilisées dans le
processus excessivement sensible de détection, ont
dit les scientifiques.
« La contamination croisée a sans doute eu lieu
parce que des mélanges chimiques étaient intégrés
aux trousses dans un espace de laboratoire où
étaient aussi manipulés des matériaux synthétiques
du coronavirus. Les scientifiques ont aussi dit
que la proximité n'était pas conforme aux
procédures appropriées et avait compromis le
dépistage du virus.
« Le Washington Post a confirmé
séparément que le Food and Drug Administration
avait reconnu que le CDC avait violé ses propres
normes de laboratoire dans la fabrication de ces
trousses. En raison de ces pratiques médiocres,
les trousses ont été exposées à la contamination.
« Le volet défectueux du test n'était pas
déterminant pour déceler le nouveau coronavirus,
ont dit les experts. Mais après que le problème
eut été observé, les représentants du CDC ont
procédé pendant plus d'un mois à retirer cette
étape non nécessaire des trousses, exacerbant
ainsi les délais de dépistage à l'échelle
nationale, selon un examen de documents fédéraux
et des entrevues avec plus de trente scientifiques
actuels et anciens et d'autres personnes au fait
des événements. »
Un rapport du New York Times du 18
avril souligne que « les tests de dépistage sont
encore rationnés dans certains états et sont
inégaux dans d'autres, et les médecins et les
patients peuvent attendre plusieurs jours avant
d'en obtenir les résultats. Plusieurs experts de
la santé publique et des maladies infectieuses
disent que les tests de dépistage ne sont pas
suffisants pour ouvrir à nouveau le pays ou
retourner à une vie à peu près normale. »
La question qui se pose est pourquoi le CDC n'a
pas été en mesure d'adhérer aux procédures de base
afin d'éviter la contamination de ses trousses de
dépistage.
En 2017, en raison d'un gel d'embauche
fédéral, 700 postes au CDC ont été laissés
vacants, ce qui « selon les représentants et les
chercheurs a eu des répercussions sur les
programmes d'appui à la préparation aux urgences
de la santé publique locale et de l'État, au
contrôle des maladies infectieuses et à la
prévention des maladies chroniques », a écrit
le Washington Post à ce moment-là. Même
en 2017, « dans les institutions nationales
de la santé, selon le personnel, le travail
clinique, le soin des patients et le recrutement
sont précaires », selon l'article du Post.
D'autres compressions au CDC ont eu lieu dans les
années qui ont suivi, dont une compression
de 80 % aux efforts du CDC pour
contribuer à l'effort mondial de lutte contre les
épidémies de maladies infectieuses comme l'Ebola.
Tout indique que la crise de la COVID-19 aux
États-Unis est la conséquence directe des
compressions néolibérales qui ont frappé
l'institution même qui doit prévenir les éclosions
massives de maladies, faisant en sorte que le CDC
ne peut même pas respecter les normes de base pour
les laboratoires ni jouer son rôle de fournir des
directives nationales de sécurité pour protéger
les travailleurs de la santé.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 28 - 25 avril 2020
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