Décès dans les établissements pour aînés et de soins de longue durée

L'administratrice en chef de l'Agence de la santé publique, la docteure Theresa Tam, a affirmé que près de la moitié des décès au Canada dus à la COVID-19 était dans des résidences pour personnes âgées ou de soins de longue durée. Plus de 150 000 personnes vivent dans des centres de soins attitrés partout au Canada, selon l'Association canadienne des soins de longue durée.

Une étude menée par la London School of Economics en Grande-Bretagne a fait valoir que près de la moitié des décès dus à la COVID-19 semblent s'être produits dans les établissements de soins dans certains pays européens.

Selon The Guardian, des données sommaires provenant de diverses sources officielles permettent de constater qu'en Italie, en Espagne, en France, en Irlande et en Belgique, entre 42 % et 57 % des décès dus au coronavirus ont eu lieu dans des établissements pour aînés.

Le gouvernement des États-Unis n'a pas publié de statistiques sur les décès dus à la COVID-19 dans les établissements pour aînés. Selon le décompte de l'Associated Press, il y a eu 3 621 décès dans les établissements pour aînés, et le New York Times a identifié plus de 2500 résidences pour aînés où l'épidémie s'est déclarée.

Dans plusieurs cas, les décès ne sont tout simplement pas annoncés. En Grande-Bretagne, le gouvernement ne parle pas des décès dans les résidences pour aînés, seulement de ceux ayant lieu dans les hôpitaux. En Italie, les syndicats, les travailleurs de la santé et les membres de famille en Lombardie, la région la plus frappée en Italie, affirment qu'un grand nombre de patients qui n'ont jamais été testés pour le coronavirus sont décédés dans des résidences pour aînés de la région.

De façon générale, les patients sont décédés dans des conditions de négligence abjecte, privés de leur dignité humaine, sans leur famille, et dans plusieurs cas sans eau et sans nourriture. Ce serait la règle plutôt que l'exception. Dans un climat d'impuissance et d'effondrement d'un système brisé, ces décès sont le produit funeste de nombreuses années d'austérité néolibérale, de dérèglementation et de privatisation, d'un refus impitoyable de défendre les droits des aînés et des travailleurs qui les soignent.

À la pénurie de personnel s'ajoutent les salaires de crève-faim, le travail à temps partiel et occasionnel, qui fait en sorte que les travailleurs se rendent dans plusieurs établissements, le manque de congés de maladie, le manque de prévention des infections, la propriété privée, y compris la sous-traitance et la présence de plusieurs employeurs différents dans un établissement qui semblerait être un autre facteur important. Aussi, un grand nombre d'aînés vivent dans des conditions déplorables dans des hébergements « de base » où jusqu'à quatre personnes peuvent partager la même chambre, une situation favorable à la propagation rapide de maladies infectieuses.

Voici les informations recueillies par LML sur les décès en Alberta, en Colombie-Britannique, au Québec et en Ontario.

Au Québec

Près de 60 % des 435 décès au Québec ont eu lieu dans des résidences pour aînés et des établissements de soins de longue durée en date du 14 avril, selon les données provinciales. Soixante-et-onze de ces décès ont eu lieu dans seulement six établissements, selon les données du 6 avril.

Le résultat des tests de dépistage pour la COVID-19 pour les résidents de 106 établissements pour aînés a été positif. Il en est ainsi dans 67 centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD) et 39 résidences privées pour aînés (RPA). Quarante-et-un centres ont été identifiés comme devant être surveillés et 5 ont été mis sous surveillance suite aux inspections des 11 et 12 avril. Les inspections ont été menées à la suite de la divulgation de la situation tragique à la résidence Herron, où nous apprenions que 33 personnes étaient décédées depuis le 13 mars.

Vingt-cinq établissements de soins de longue durée et de résidences pour aînés autonomes et semi-autonomes ont été jugés dans un état critique. Le nombre de décès dans ces centres et autres établissements n'a pas été rendu public. Selon les médias, dans au moins trois centres de soins de longue durée, il y a eu au moins 26 décès. La plupart des établissements où la situation est critique sont sur l'Île de Montréal et à Laval, et il y en a un à Trois-Rivières, à Shawinigan et à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Selon le journal intime d'une travailleuse du centre LaSalle à Montréal publié dans le Globe and Mail, la grave négligence à la résidence Herron est loin d'être une exception. Elle décrit l'effondrement d'un système déjà brisé : un personnel totalement dépassé et dans l'impossibilité de fournir les soins aux résidents, un échec total de la part de l'établissement de mettre en oeuvre des procédures de contrôle de la propagation de l'infection et un manque d'équipement de protection individuelle. Le premier ministre François Legault a annoncé que le réseau des CHSLD avait un manque de 2 000 infirmières et préposés aux bénéficiaires, y compris 1 380 dans les centres publics.

Dans le CHSLD de Ste-Dorothée, à Laval, 120 résidents - 62 % des résidents - ont eu un résultat positif pour la COVID-19. À Montréal, au Centre d'hébergement Yvon-Brunet, il y a 105 cas de COVID-10, soit 64 % des résidents. Neuf résidences ont entre 50 et 100 cas et 30 ont plus de dix cas. Des décès ont été annoncés dans les établissements suivants, mais des mises à jour n'ont pas été publiées, ce qui fait que le nombre de décès est sans doute plus élevé.

La Résidence Herron, Laval – 33 décès
Le centre de soins de longue durée Laflèche à Shawinigan – 27 décès
Le centre Sainte-Dorothée à Laval – 16 décès
Notre-Dame-de-la-Merci à Montréal – 13 décès
La Pinière à Laval – 10 décès
Le centre LaSalle à Montréal – 7 décès
Le Pavillon Alfred-Desrochers à Montréal – 5 décès

En Ontario

L'Ontario a 626 résidences de soins de longue durée qui sont licenciées et approuvées. La majorité d'entre elles sont de propriété privée (58 %), alors que 24 % fonctionnent sur une base volontaire (non gouvernementale, à but non lucratif), et 16 % relèvent de la municipalité. Près de 40 % des résidences de soins de longue durée sont petites, avec 96 lits ou moins, et près de la moitié de ces petites résidences sont situées dans des communautés rurales. Il y a 77 257 lits de long séjour dans ces établissements et environ 1 000 lits pour la convalescence et le repos.

Selon l'Association ontarienne des soins de longue durée, près de la moitié des résidences sont vieilles et ont besoin de rénovation. Elles ont en général quatre types d'hébergement : privé, semi-privé (2 personnes) et de base (jusqu'à quatre aînés dans une chambre). La liste d'attente en février 2019 était de 34 834 personnes et le temps d'attente moyen est de 161 jours.

L'épidémie s'est déclarée dans un total de 114 résidences de soins de longue durée de la province selon le premier ministre Doug Ford (14 avril). Il y a épidémie s'il y a un cas ou plus de COVID-19. Il y a aussi eu des épidémies dans les résidences de retraite où les aînés vivent séparément dans leur appartement. Le ministère de la Santé de l'Ontario affirme que 857 travailleurs de la santé ont eu un résultat positif pour la COVID-19 en Ontario.

Le Globe and Mail affirme que le 13 avril, il a contacté toutes les unités publiques en Ontario et a appris qu'il y avait eu au moins 182 décès de résidents dans les résidences pour aînés dus à la COVID-19. Au moins 197 établissements d'aînés ont eu un ou plusieurs cas de COVID-19 parmi les résidents ou le personnel. Les 34 unités de santé publique de la province n'ont pas toutes répondu aux questions du Globe and Mail.

Le médecin en chef de la Santé à Toronto affirme qu'à Toronto, l'épidémie s'est manifestée dans 38 résidences de soins de longue durée et dans 14 résidences de retraités. Soixante-huit décès dus à la COVID-19 ont été confirmés dans des résidences de soins de longue durée à Toronto et un dans une maison de retraite. Selon les médias, plusieurs résidences ont été identifiées comme ayant eu un nombre élevé de décès. Cent cinquante-cinq personnes sont décédées dans les résidences nommées. Cinq des six résidences ayant eu dix décès ou plus reçoivent des fonds publics ou sont de propriété privée ou de gestion privée, deux par le même gestionnaire.

Pinecrest Nursing Home, Bobcaygeon – 29 décès
Eatonville Care Centre, Toronto – 27 décès
Seven Oaks, Scarborough – 22 décès
Anson Place, Hagersville –19 décès. Soixante-treize résidents et 31 membres du personnel ont eu des résultats positifs pour la COVID-19. Seize des décès ont eu lieu dans des soins de longue durée et trois dans des résidences de retraités.
Almonte Country Haven, Mississippi Mills – 18 décès. Trente-six résidents ont eu un résultat positif et au moins un membre du personnel.
Lundy Manor Retirement Residence, Niagara Falls – 10 décès
Markhaven Home for Seniors à Markham – 9 décès
Village of Humber Heights, à Toronto – 8 décès
Hillsdale Terraces, à Oshawa – 7 décès
Résidence communautaire de soins de longue durée St Clair O'Connor, Toronto – 7 décès. Douze résidents et 10 membres du personnel ont eu un résultat positif.
La Maison de soins pour aînés Heritage Green, Stoney Creek – 3 décès
Résidence de retraités Cardinal, Hamilton – 3 décès

Des aînés vivant indépendamment dans leur propre chambre ont aussi perdu la vie.

En Alberta

Il y a eu 48 décès dus à la COVID-19 en Alberta, dont 60 % dans des résidences pour aînés et de soins de longue durée. Il y a eu 214 cas de COVID-19 dans des centres de soins de longue durée en Alberta dont 30 décès.

Vingt-et-un résidents sont décédés au McKenzie Towne Continuing Care Centre de Calgary. Le centre est la propriété de Revera Ltd qui est en partie la propriété du Service de placement du régime de retraite de la fonction publique et sous la direction, à but non lucratif, du Conseil du trésor fédéral. Il y a eu quatre décès au Manoir du Lac à McLennan dans le nord de l'Alberta, propriété de Integrated Life Care Inc., qui est propriétaire et gestionnaire d'établissements de vie indépendants pour aînés. Le gouvernement albertain a maintenant pris le contrôle de l'établissement. Deux décès ont eu lieu au Shepherd's Care Foundation Kensington Villagem, géré par le Shepherd's Care Foundation. Deux aînés sont décédés à Carewest à Calgary, un à Sarcee et un à Glenmore Park. Carewest est un établissement de soins de longue durée avec 14 résidences à Calgary et est géré par les Services de santé de l'Alberta.

Des épidémies se sont déclarées dans trois autres établissements, sans qu'il y ait eu de décès.

En Colombie-Britannique

La Colombie-Britannique a eu un total de 69 décès dus à la COVID-19, dont la majorité ont eu lieu dans des établissements de soins de longue durée. Il y a des éclosions dans 20 établissements de soins de longue durée, avec 289 cas - 165 résidents et 124 membres du personnel. La situation est déclarée rétablie dans quatre établissements.

Dans cinq établissements, il y a eu 38 décès d'aînés dus à la COVID-19, ou 55 % de tous les décès de la COVID-19 en Colombie-Britannique. La première éclosion a eu lieu dans le Lynn Valley Care Centre dans Vancouver Nord, où 20 résidents sont décédés. En date du 14 avril, Lynn Valley a eu 63 cas – 42 résidents et 21 membres du personnel, dont 30 s'en seraient remis.

Il y a eu 10 décès au centre Haro Park à Vancouver, cinq décès au centre Berkley Care à Vancouver Nord, deux décès à la maison de retraités Amica Edgemont Village aussi dans Vancouver Nord, deux décès au Dufferin Care Centre à Coquelitlam et un décès au centre Shaughnessy Care à Port Coquitlam. Aucun autre décès dans des soins de longue durée n'a été annoncé.

Les aînés sont décédés dans les résidences de soins de longue durée et d'aînés gérées par les autorités de la santé, les organisations volontaires à but non lucratif, et les propriétaires et gestionnaires des établissements à but lucratif. Plus de la moitié des décès ont eu lieu dans un établissement privé, Lynn Valley, où les services ont été fournis par trois sous-traitants privés différents. La plupart des travailleurs ont perdu leur convention collective dans des conditions de changement subi alors que les propriétaires privés ont eu davantage recours à la sous-traitance pour passer outre les conventions collectives et que plusieurs personnes ont travaillé dans de multiples établissements.

Un travailleur de 47 ans d'un foyer de groupe à Richmond est décédé chez lui alors qu'il était en isolement. Son employeur, la Richmond Society for Community Living, a dit qu'il s'était rendu compte qu'il l'avait contracté alors qu'il était à l'emploi de la résidence en tant que travailleur résidentiel venant en aide aux personnes ayant des déficiences intellectuelles ou physiques.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 25 - 18 avril 2020

Lien de l'article:
Décès dans les établissements pour aînés et de soins de longue durée - Peggy Morton


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca