Des sujets de
préoccupations devant le déroulement
de la pandémie de COVID-19
La pandémie révèle la nouvelle direction dont le Canada a besoin
- Pauline Easton et K.C.
Adams -
Les périodes de crise ont tendance
à révéler la
vérité d'une situation d'une manière
brutale et souvent étonnante. Après l'annonce par
le Canada de la ratification de la nouvelle version de l'accord
commercial de l'ALÉNA avec les États-Unis et le
Mexique, la réalité d'une relation commerciale
qu'on dit être à l'avantage réciproque
s'est révélée dans toute sa laideur.
Le
président américain Donald Trump a
annoncé lors d'un point de presse à la
Maison-Blanche le 3 avril 2020 qu'il invoquerait la Loi
sur la production de défense pour
empêcher les entreprises américaines de vendre des
respirateurs N95, des masques chirurgicaux, des gants et autres
équipements de protection individuelle à d'autres
pays, dont le Canada et le Mexique. Il a promulgué un
décret-loi qui donne à l'Agence
fédérale de gestion des situations d'urgence
(FEMA) le pouvoir « d'allouer à l'usage
domestique » plusieurs types
d'équipements médicaux personnels de protection
qui seraient autrement exportés.
« La politique des États-Unis
est d'empêcher les courtiers, distributeurs et autres
intermédiaires nationaux de détourner ce
matériel vers l'étranger »,
peut-on lire dans le décret-loi, qui donne à la
FEMA une certaine latitude pour ordonner « le cas
échéant » l'arrêt
des exportations.
« Nous avons besoin de ces articles
immédiatement pour un usage domestique. Nous devons les
avoir », a déclaré le
président Trump lors de son point de presse quotidien au
cours duquel il a traité les exportateurs de fournitures
médicales d'« acteurs et profiteurs sans
scrupules ».
Le fabricant de produits
médicaux 3M, dont le siège social est
à Saint-Paul, au Minnesota, et qui possède des
usines dans le monde entier, a déclaré dans un
communiqué que le gouvernement américain lui a
ordonné de cesser d'envoyer des masques de protection
respiratoire N95 au Canada et en Amérique latine.
« L'administration a exigé également
que 3M cesse d'exporter des respirateurs que nous fabriquons aux
États-Unis vers les marchés canadien et
latino-américain. L'arrêt de la fourniture de
respirateurs aux travailleurs de la santé au Canada et en
Amérique latine, où nous sommes un fournisseur
essentiel de respirateurs, a toutefois des implications humanitaires
importantes », a
déclaré 3M. Les agences de presse
rapportent que l'entreprise a averti que si d'autres pays prenaient des
mesures de rétorsion, « le nombre net de masques
disponibles aux États-Unis irait en fait en
diminuant ».
Le premier ministre canadien
Justin Trudeau a répondu en disant que bloquer le commerce
avec le Canada pourrait « finir par nuire aux
Américains autant qu'à n'importe qui
d'autre ». Il a fait allusion au fait que de
nombreux travailleurs de la santé canadiens traversent
chaque jour la frontière de Windsor (Ontario) à
Detroit (Michigan) pour travailler dans le système
médical américain et que les entreprises
américaines qui produisent des équipements de
protection individuelle reçoivent les intrants
matériels nécessaires de producteurs canadiens.
« Le niveau d'intégration de nos deux
économies va dans les deux sens », a
déclaré M. Trudeau, ajoutant :
« Ce serait une erreur de créer des blocages ou de
réduire le volume des échanges de marchandises et
de services essentiels, y compris les produits médicaux,
à travers notre frontière. »
La ministre des Affaires intergouvernementales,
Chrystia Freeland, a déclaré :
« Je tiens à assurer aux Canadiens que notre
gouvernement — comme l'a démontré notre
action — est prêt à faire tout ce qu'il
faut pour défendre l'intérêt
national. »
Pour sa part, le premier ministre de l'Ontario,
Doug Ford, a exprimé à maintes reprises sa
« déception » face à
cette décision. « Je ne peux exprimer à
quel point je suis déçu que le
président Trump ait pris cette
décision », a-t-il
déclaré durant son point de presse. Le premier
ministre du Québec, François Legault, a fait
écho à ce sentiment en soulignant l'importance
pour les provinces d'être autosuffisantes en
matière d'équipements médicaux.
« Je ne vais pas compter sur le président Trump,
je ne vais plus jamais compter sur un premier ministre ou sur toute
autre province ou pays », a-t-il
déclaré.
Au coeur des relations commerciales
Il est assez dégoûtant de
voir et entendre ceux qui prétendent représenter
le Canada faire comme si le Canada était
indépendant des États-Unis et un partenaire
commercial égal. Ils étalent leur ignorance des
vérités historiques quand ils cherchent ainsi
à forcer les gens à croire qu'ils
représentent les « intérêts
canadiens » et non ceux de l'oligarchie
financière mondiale.
Le Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) a résolu la question de la
nature des relations canado-américaines dans les
années 1970, peu après sa fondation.
À cette époque, certains proclamaient que le
Canada était une nation opprimée et que la lutte
pour l'indépendance était la question principale
pour le peuple canadien. D'autres qualifiaient le Canada de puissance
impérialiste et disaient que la contradiction principale
était entre la bourgeoisie et la classe ouvrière.
Dans son analyse, le PCC(M-L) a
souligné la nécessité de faire des
distinctions claires :
- entre colonies au sens propre et ce qu'on
pourrait appeler colonies dérivées ;
- entre les propriétaires mondiaux de
la richesse sociale, ce qu'on appelait la grande bourgeoisie, et les
propriétaires de la richesse sociale locale ou nationale
appelée bourgeoisie nationale ;
- entre dépendance et
indépendance ; et
- entre un État oppresseur et un
État opprimé.
Caractériser
le Canada comme une colonie au sens propre, un pays occupé
par une population colonisatrice européenne, signifie que
l'État est opprimé. Le PCC(M-L) a
rappelé les faits à ce sujet. Le Canada a
été établi en tant que colonie dans
les années 1790 dans le style des colonies
établies avec des États oppresseurs. Dire que le
Canada était une colonie au sens propre et que
l'État canadien était un État
oppresseur n'est pas contradictoire. Un État peut
être un État dépendant comme celui du
Canada, tout en étant un État oppresseur. Il n'y
a pas de contradiction là non plus.
Une autre thèse
réfutée par l'enquête et l'analyse du
PCC(M-L) est celle qui soutient que la question de
l'indépendance ou de la dépendance du Canada est
liée à la question de savoir si une
révolution démocratique bourgeoise a eu lieu ou
non.
Le PCC(M-L) a souligné que le
succès ou l'échec d'une révolution
démocratique bourgeoise ne décide pas de la
question de savoir si le Canada a un État opprimé
ou non, si le Canada est dépendant ou non et si le Canada
est une colonie au sens propre ou non. Au Canada, une
révolution démocratique contre la puissance
coloniale n'a jamais eu lieu, et au Québec, les Britanniques
ont réprimé et étouffé la
république naissante, empêchant la
révolution démocratique d'avoir lieu.
Le PCC(M-L) a souligné qu'à
partir de la conquête coloniale britannique de la
Nouvelle-France dans les années 1760, les
colonialistes britanniques ont établi le mode de production
capitaliste dans ce qui est aujourd'hui le Québec, tout en
conservant certains aspects du féodalisme qui avaient
été importés de la France
féodale prérévolutionnaire.
Après le revers que leur a
infligé la Révolution américaine
en 1776, les colonialistes britanniques ont
implanté les « loyalistes de l'Empire
uni » expulsés dans ce qui est maintenant
le Canada. Ce fut fait dans le but de consolider la position coloniale
britannique en Amérique du Nord britannique.
Les colonialistes britanniques ont
établi un État oppresseur à York
(région de Toronto) dans les années 1790
avec un mode de production capitaliste dans tout le Haut-Canada et
partout où il s'est étendu. Le système
socio-économique et les formes politiques de la bourgeoisie
anglaise ont été étendus à
ce que l'on appelle aujourd'hui le Canada sur lequel elle
régnait.
L'autre élément de la
désinformation de l'élite dominante du Canada et
de ses gouvernements, ses médias et sa base sociale porte
sur l'histoire du passage du capitalisme au Canada au stade de
l'impérialisme, le stade suprême du capitalisme,
le développement de la grande production industrielle en
capitalisme monopoliste et la fusion des propriétaires de la
richesse sociale industrielle et financière en une
oligarchie financière qui envoie sa richesse sociale dans le
monde entier à la recherche du profit maximum.
Dès les années 1790
et surtout depuis 1867, l'État a joué un
rôle majeur dans l'établissement au Canada d'un
système socio-économique capitaliste auquel se
superposent des monopoles. Les principales branches de la grande
industrie au Canada sont le produit de l'importation de richesses
sociales, principalement en provenance de Grande-Bretagne et,
après le début du XXe siècle, des
États-Unis.
Avec le début de la crise
générale de l'impérialisme mondial
pendant et après la Première Guerre mondiale, le
capitalisme monopoliste d'État est apparu au Canada,
particulièrement dominant dans les secteurs manufacturier,
minier et forestier, comme la caractéristique globale du
système économique, ce qui signifie que le
système socio-économique est devenu capitaliste
monopoliste d'État, c'est-à-dire un
système impérialiste dominé par les
monopoles, principalement des multinationales impérialistes
américaines. Dans ce système, l'État
fonctionne comme un comité exécutif des plus
puissants propriétaires de richesses sociales qui, ensemble,
financent, dirigent, contrôlent et, d'une manière
générale, sont actifs dans, et dominent, les
secteurs économiques clés et envoient les
richesses sociales qu'ils possèdent et contrôlent
dans le monde entier, à la poursuite incessante du profit
maximum.
Dans cette situation, l'État canadien
est un État oppresseur dans le système
impérialiste mondial des États. Toutefois, le
Canada présente des caractéristiques qui se
maintiennent depuis ses débuts coloniaux. Son
impérialisme dépend des membres les plus
puissants du système impérialiste
d'États et son État est dominé par
l'impérialisme américain.
Aujourd'hui, en raison de la mondialisation
néolibérale et de la lutte de
l'impérialisme américain pour
l'hégémonie mondiale, l'économie et
l'État canadiens ne sont pas seulement dominés
par l'impérialisme américain, mais sont
intégrés dans ses cartels mondiaux et son
économie de guerre.
Matière à
réflexion
Le PCC(M-L) a fait cette analyse
économique et historique du Canada avec la participation de
milliers de personnes de tous les horizons au début des
années 1970. Il a établi que la base
sociale de la réaction et de l'élite dominante au
Canada est la classe sociale impérialiste, l'oligarchie
financière. L'élite dominante comprend des
Canadiens possédant une grande richesse sociale et ceux qui
sont une extension de l'oligarchie financière
impérialiste américaine. L'élite
dominante possède, contrôle et monopolise la
majeure partie de l'économie. Elle contrôle les
principaux moyens de production et exproprie la valeur
ajoutée produite par les travailleurs canadiens.
Au Canada, ce que l'on
pourrait appeler une classe nationale de propriétaires de
richesse sociale, une bourgeoisie nationale, est extrêmement
faible et s'est avérée incapable de lutter contre
l'oligarchie financière dominante
intégrée au système
impérialiste d'États sous contrôle
américain.
Au Canada, la classe des propriétaires
de richesse sociale n'ayant qu'un marché
intérieur et une production de biens et services
destinée à ce marché
intérieur est dominée par l'oligarchie
financière et l'impérialisme
américain. Cette classe de propriétaires
canadiens de richesse sociale pour le marché
intérieur ne peut pas maintenir une existence
indépendante parce que l'oligarchie financière
qui détient le contrôle est la base de la
domination impérialiste américaine du Canada.
L'élite dominante de l'oligarchie
financière est totalement réactionnaire et ne
permet pas que le pouvoir de l'État soit utilisé
pour favoriser les peuples du Canada. C'est pourquoi, pour mener
efficacement leurs luttes, les travailleurs canadiens doivent tenir
compte de l'oligarchie financière réactionnaire
constituée des grands propriétaires de la
richesse sociale et des impérialistes américains
et leur système d'États. Les porte-parole des
arrangements actuels cachent cette réalité en
présentant les représentants du gouvernement
comme des représentants du «
Canada » et des «
Canadiens », alors qu'en fait, ils
représentent l'oligarchie financière dominante et
l'impérialisme américain.
Ce que révèle la crise
actuelle est matière à réflexion. La
classe ouvrière canadienne et d'autres couches de la
population peuvent-elles se rallier à cette soi-disant
guerre anti-pandémique que le gouvernement du Canada
déclare mener au nom de la nation ? Qu'est-ce que
cela signifie lorsque le premier ministre et d'autres ministres du
gouvernement du Canada et les premiers ministres du Québec
et des provinces disent qu'ils sont en train de régler les
problèmes avec les impérialistes
américains ? Que négocient-ils et qui
cela favorise-t-il ? Qu'est-ce que cela signifie lorsque les
premiers ministres de l'Ontario et du Québec disent que
c'est important pour eux que l'Ontario et le Québec soient
autosuffisants en matière d'équipements
médicaux quand, dans les faits, aucune fabrication de la
moindre importance n'est indépendante des
impérialistes américains et ne permet de prendre
des décisions qui favorisent les
intérêts nationaux du Canada ?
Pour être vraiment
indépendant, il faut être indépendant
du système impérialiste d'États sous
contrôle américain et de son économie
de guerre. Être véritablement
indépendant signifie avoir le courage de s'opposer
à l'oligarchie financière qui est
complètement intégrée à
l'impérialisme américain et qui est
elle-même sujette à des rivalités pour
servir des intérêts privés
étroits.
Une nouvelle direction qui n'est plus sous ce
contrôle appelle les Canadiens à prendre les
choses en main.
La crise de la pandémie
révèle qu'une alternative est non seulement
nécessaire, mais possible avec de l'organisation, de
l'audace et une pensée claire.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 23 - 11
avril 2020
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