Des sujets de préoccupations
devant le déroulement
de la pandémie de COVID-19
Les actes de piraterie et la menace du virus
- Peter Ewart -
Comme d'autres pays, le Canada fait face à une
grave pénurie de masques respiratoires dans sa
lutte pour protéger les travailleurs de la santé
et la population en général contre la COVID-19.
Les réserves s'épuisent rapidement à tel point que
le 3 avril, l'Ontario n'en avait plus que
pour cinq jours et que les travailleurs de la
santé doivent maintenant désinfecter et réutiliser
leurs masques. Sans protection adéquate, ces
travailleurs sont placés dans une impossible
situation de vie ou de mort.
Dans ces conditions de pénurie, l'administration
Trump a invoqué la loi sur la production de
défense pour forcer la multinationale 3M à
interrompre les livraisons de masques au Canada et
à les retenir aux États-Unis. En outre, selon les
informations, une cargaison de masques à
destination du Québec a mystérieusement disparu et
s'est retrouvée dans l'État américain de l'Ohio.
Des actions similaires de la « loi de la
jungle » par l'administration américaine ont
été signalées dans d'autres pays. Des
représentants du gouvernement allemand ont révélé
qu'un envoi de 200 000 masques de Chine vers
l'Allemagne pour la police de Berlin avait été
intercepté par des responsables américains en
Thaïlande et détourné vers les États-Unis. Le
ministre de l'Intérieur de Berlin a qualifié cette
confiscation d'« acte de piraterie
internationale ». Les dirigeants politiques
français ont accusé le gouvernement américain
d'acheter des cargaisons destinées à la France.
Il y a quelques semaines, on apprenait que le
président Trump tentait de racheter et de
déménager aux États-Unis une société médicale
basée en Allemagne, CureVac, qui travaille au
développement d'un vaccin prometteur contre le
virus. L'administration américaine s'efforçait
d'obtenir la société afin d'avoir le vaccin «
uniquement pour les États-Unis », ce qui
soulève la question de savoir si l'administration
Trump allait ensuite utiliser sa propriété
exclusive du vaccin à des fins de chantage contre
d'autres pays. Quoi qu'il en soit, CureVac a
rejeté la tentative de prise de contrôle en disant
qu'elle ne développera le vaccin que « pour le
monde entier » et « pas pour les pays
individuels ».
Ces développements soulignent le fait que le
modèle actuel de mondialisation néolibérale est
irrévocablement brisé. Avec ce modèle, qui
favorise et enrichit les multinationales géantes,
les populations de tous les pays (y compris les
États-Unis) sont extrêmement vulnérables aux
perturbations de la chaîne d'approvisionnement,
aux pénuries et au chantage pur et simple. Malgré
cela, les gouvernements successifs au Canada se
sont accrochés aux dogmes de la mondialisation
néolibérale et ont intégré l'économie canadienne à
celle des États-Unis, vendant nos ressources et
nos chaînes d'approvisionnement au plus offrant
parmi les sociétés multinationales.
Cela a créé des
trous béants dans notre infrastructure nationale
de santé et d'équipement médical. Il est
inacceptable que presque aucun masque respiratoire
ne soit fabriqué au Canada malgré le besoin de
dizaines de millions de masques chaque année, sans
parler des nombreux millions qui sont maintenant
nécessaires à cause de la pandémie de COVID-19. Et
il en va de même pour les appareils respiratoires
et autres équipements. En effet, il est étonnant
que la plupart des produits pharmaceutiques dont
les Canadiens ont besoin pour se soigner soient
produits à l'étranger, comme en Chine, aux
États-Unis et dans d'autres pays.
C'est à la suite d'un autre terrible virus
en 1918 qu'une réévaluation du système de
santé canadien avait été faite. La « grippe
espagnole » de 1918, qui a en fait
commencé aux États-Unis, a tué 50 millions de
personnes dans le monde. À la suite de cette
pandémie, le ministère canadien de la Santé a été
créé et les laboratoires publics et non
commerciaux Connaught, une unité indépendante de
l'Université de Toronto, ont été créés. Connaught
a ensuite développé et produit l'insuline pour le
traitement du diabète et fait d'autres avancées
médicales, apportant une contribution majeure au
bien-être et à la santé de l'humanité.
Face au virus COVID-19, nous avons besoin de plus
d'installations comme les Laboratoires Connaught
(qui ont malheureusement été vendus à une
multinationale par le gouvernement fédéral dans
les années 1980) qui répondent aux besoins de
notre époque.
On a récemment annoncé que des ingénieurs et des
étudiants du Wood Centre de l'Université de
Guelph, avec la coopération d'autres participants
comme les opérateurs de l'atelier d'usinage de
l'Université Western Ontario, ont pris
l'initiative de concevoir et de construire un
cadre innovant imprimé en 3D pour les écrans
faciaux qui seront distribués au personnel médical
de première ligne dans la lutte contre le très
contagieux coronavirus. Il s'agit d'une excellente
initiative de la part d'une institution publique
et cela montre les possibilités qui peuvent être
mises à profit. Et il existe de nombreux autres
exemples qui démontrent l'ingéniosité et les
talents des Canadiens.
Quoi qu'il en soit, il n'est pas acceptable que
le Canada doive importer la plupart ou la totalité
de ses fournitures médicales. Il n'est pas non
plus acceptable que ces chaînes
d'approvisionnement et infrastructures restent
entre les mains de sociétés privées, car cela les
rend vulnérables aux prises de contrôle,
acquisitions et fermetures ou à l'externalisation
vers d'autres pays, comme cela se produit si
souvent.
De plus, les financiers internationaux sont en
train de faire des profits énormes. Par exemple,
l'homme le plus riche de Singapour, Li Xiting, qui
possède une multinationale qui fabrique des
ventilateurs électroniques (un appareil que le
Canada doit importer), a vu sa valeur nette
augmenter de 3,4 milliards de dollars en
raison des bénéfices accumulés de cette crise.
Dans ce monde globalisé de la « loi de la
jungle », parfaitement illustré par les
actions prédatrices de l'administration Trump, il
est clair que nous avons besoin d'une
infrastructure de santé publique et autonome qui
est imperméable aux prises de contrôle et à
l'externalisation par les multinationales et à la
pression de gouvernements étrangers.
En outre, le modèle de commerce de la « loi de la
jungle » et des sanctions unilatérales que
défend l'administration américaine doit être
rejeté. Nous avons besoin d'un commerce entre les
nations qui soit fondé sur l'avantage réciproque
et d'un nouveau modèle de mondialisation qui soit
respectueux de la souveraineté et qui investisse
les peuples du pouvoir. Les Américains et les
Canadiens ont beaucoup en commun. Dans ces moments
difficiles, nous ne devons pas laisser Trump ou
quelqu'un d'autre nous diviser.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 22 - 8 avril 2020
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