Sérieuses inquiétudes des travailleurs du secteur public face à un arrêté ministériel du gouvernement du Québec

Les travailleurs et travailleuses du secteur public expriment de sérieuses préoccupations quant au contenu de l'arrêté ministériel 2020-04 publié le 15 mars par la ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Danielle McCann, où il est question de suspendre certaines clauses de leurs conventions collectives. Cet arrêté a été publié en conformité avec le décret émis par le gouvernement du Québec, le 13 mars, déclarant l'état d'urgence sanitaire sur tout le territoire québécois et octroyant des pouvoirs exceptionnels à sa ministre de la Santé décrits dans l'article 123 de la Loi sur la santé publique.

Au centre de cet arrêté est la question de fournir des services de garde aux travailleurs jugés essentiels. L'arrêt cite le décret qui prévoit que « les centres de la petite enfance, les garderies et les services de garde en milieu familial de même que les services de garde en milieu scolaire doivent suspendre leurs activités, mais que des services doivent être organisés et fournis aux enfants dont l'un des parents est à l'emploi d'un établissement de santé ou de services sociaux ou y exerce sa profession, ou est policier, pompier, ambulancier, agent des services correctionnels ou constable spécial. » Notons que depuis la parution de l'arrêté, la liste de travailleurs jugés essentiels, publiée sur le site du gouvernement alloué aux informations sur la COVID-19, s'est allongée.

Alors que les travailleurs du secteur public sont entièrement mobilisés pour contenir la maladie, ils ont émis de sérieuses inquiétudes face au passage de l'arrêté qui dit que « Malgré les dispositions des conventions collectives applicables aux employés de la fonction publique, une personne peut être redéployée dans une autre fonction ou dans un autre lieu, selon les besoins, même si le niveau d'emploi applicable à celle-ci n'est pas respecté ».

L'arrêté spécifie de plus que les contrats de travail entre les commissions scolaires et tous les syndicats sont modifiés pour permettre aussi que les horaires de travail prescrits dans les conventions collectives n'ont plus à être respectées, « pour permettre à l'employeur de répondre aux besoins » et que « les articles relatifs à l'octroi d'une rémunération ou d'une compensation additionnelle à celle versée pour la rémunération des heures normales et du temps supplémentaire lorsque des services doivent être maintenus, notamment en raison d'un cas de force majeure, sont inapplicables. »

Selon les syndicats, aucune consultation n'a été faite auprès d'eux avant de déclarer que les règles entourant l'exécution et la rémunération d'une partie de leurs tâches étaient changées. Ils l'ont appris en lisant ledit arrêté.

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) qui représente près de 200 000 travailleurs, dont la majorité oeuvre dans le secteur public, a immédiatement averti le gouvernement Legault que la nécessité « de répondre rapidement à la crise pour assurer la santé et la sécurité de la population, [mais cela] ne doit pas se faire au détriment des droits fondamentaux du personnel. Nous réitérons qu'il est extrêmement important d'assurer la mobilisation et l'engagement des travailleuses et des travailleurs pour maintenir les services essentiels et assurer une lutte efficace contre la pandémie. Nous invitons donc le gouvernement Legault à la prudence et à éviter d'adopter des mesures extrêmes, sans consultation, qui pourraient avoir l'effet contraire aux objectifs recherchés. »

Le Syndicat national des employées et employés de la commission scolaire de Montréal (SNEE-CSN) a lui aussi réagi. L'organisation représente les ouvriers des services d'entretien ménager et d'entretien physique, du transport et des cafétérias de la CSDM, ceux qui chaque jour s'affairent à nettoyer et entretenir les maisons d'éducation et qui ces jours-ci font un énorme travail pour désinfecter chaque pièce de chaque école pour les rendre sécuritaires et propices au retour des élèves et du personnel de l'éducation. Le SNEE dit que c'est avec fierté que tous ses membres répondent présents ! à leurs devoirs de citoyens. Il note aussi que « l'utilisation de ces mesures ne peut être utilisée qu'en ultime recours et après avoir tout fait ce qui était possible pour l'éviter. Il ne s'agit pas ici d'un outil de gestion pour faciliter le travail de nos gestionnaires, mais bien d'une mesure d'exception qui ne saurait être utilisée avec légèreté. »

L'opinion des travailleurs du secteur public doit être respectée. Ils ne font pas référence à des choses imaginaires quand ils parlent de décrets qui imposent des conditions avec lesquelles les travailleurs ne sont pas d'accord, et qui deviennent des instruments de gestion néolibérale des autorités. C'est ainsi que des conditions dites exceptionnelles deviennent la norme, comme le temps supplémentaire obligatoire parmi les infirmières. L'argument du gouvernement du Québec à l'effet qu'il possède déjà des pouvoirs d'exception selon la loi et qu'il fait juste adopter la réglementation qui met en oeuvre ces pouvoirs n'est pas acceptable. L'opinion et la voix des travailleurs, leur mot à dire sur les conditions d'exercice de leur livraison des services en situation d'urgence est non seulement une question de droit, mais une question d'assurer le succès des mesures d'urgence. Les travailleurs du secteur public soutiennent les programmes sociaux et les services publics à bout de bras depuis plus de 30 ans contre l'offensive antisociale des riches et de leurs gouvernements et c'est eux encore qui sont aux premières lignes de la défense des services publics dans cette situation de pandémie. Leur voix, exprimée dans leurs organisations, ne peut pas être bafouée. L'urgence même de la situation requiert que l'expérience et les solutions qui sont proposées par les travailleurs de première ligne soient respectées et mises en oeuvre.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 16 - 21 mars 2020

Lien de l'article:
Sérieuses inquiétudes des travailleurs du secteur public face à un arrêté ministériel du gouvernement du Québec - Geneviève Royer


    

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