Les travailleurs font connaître
leurs préoccupations
Les mesures sur l'assurance-emploi posent problème
- Pierre Chénier -
Dans le cadre du plan d'aide de 82
milliards de dollars pour les Canadiens que le
gouvernement Trudeau a annoncé le 18 mars
pour faire face à la pandémie de la COVID-19, un
montant de 27 milliards est consacré
à l'aide directe aux Canadiens. Certaines des
mesures annoncées concernent l'assurance-emploi
(AE) et il est évident qu'elles sont inadéquates.
L'accès des chômeurs au
programme de l'AE est déjà un problème que les
gouvernements successifs ont refusé d'aborder.
Environ 40 % seulement des travailleurs
sans emploi sont admissibles à l'AE. Pendant cette
crise, ce dont on a besoin est un programme social
qui fournit un revenu garanti à tous ceux qui se
retrouvent sans emploi. Rien qu'en mars, le taux
de chômage projeté est censé dépasser
les 7 %, avec 300 000 nouveaux
chômeurs. Ce sont des travailleurs qui pourraient
être mobilisés pour travailler de manière
sécuritaire dans des entreprises publiques au
service du peuple et de l'économie, à des salaires
et des avantages sociaux de niveau canadien. Au
lieu de cela, le gouvernement a créé deux
programmes, l'Allocation de soins d'urgence et
l'Allocation de soutien d'urgence, qui sont
clairement présentées comme des programmes
temporaires et d'exception.
Le plan d'aide comprend trois mesures qui
concernent l'assurance-emploi :
1. Le gouvernement élimine le délai de carence [période
d'attente pendant laquelle aucune prestation
n'est versée au prestataire - Note du LML]
d'une semaine pour les personnes en quarantaine
qui demandent des prestations de maladie de
l'assurance-emploi. Cette mesure temporaire est
entrée en vigueur le 15 mars 2020.
2. Le gouvernement élimine l'obligation de
fournir un certificat médical pour avoir accès aux
prestations de maladie de l'assurance-emploi.
3. Le gouvernement modifie le programme de
Travail partagé de l'assurance-emploi, qui offre
des prestations d'AE aux travailleurs qui
acceptent de réduire leur horaire de travail
normal en raison de nouvelles circonstances
indépendantes de la volonté de leur employeur, en
faisant passer la durée d'admissibilité des
ententes de travail de 38 à 76 semaines,
en assouplissant les conditions d'admissibilité et
en simplifiant le processus de demande.
Par exemple, le gouvernement élimine
le délai de carence qui existe présentement avant
qu'une deuxième demande de travail partagé soit
faite lorsqu'une première entente est écoulée.
Cette annonce a été faite par le premier ministre
le 11 mars 2020 qu'il a répétée le 18
mars.
Ceux qui ont besoin d'accéder à ces mesures
disent qu'elles soulèvent des questions immédiates
qui demandent des réponses. Les activistes qui
travaillent avec les organisations de défense des
chômeurs essaient de démêler les choses, le fait
par exemple qu'aucune extension de la durée des
prestations que touchent les chômeurs n'a été
annoncée.
En 2018, en tant que mesure pour traiter du
problème du « trou noir » auquel font face
les travailleurs saisonniers alors qu'ils sont
sans revenu, ayant épuisé leurs prestations et
n'ayant pas encore repris le travail, le
gouvernement Trudeau a introduit un montant
supplémentaire disponible pour les travailleurs
qui vont suivre des formations pendant cette
période. Cette mesure n'était pas adéquate parce
que la formation ne peut pas régler le problème du
« trou noir » auquel font face les travailleurs
vivant dans des régions qui vivent principalement
ou exclusivement du travail saisonnier.
Que-va-t-il arriver à ces travailleurs maintenant
que les institutions qui fournissent de la
formation ont fermé leurs portes en raison de la
pandémie ?
Les travailleurs du pétrole de l'Ouest canadien
font aussi face à de sérieux problèmes. Le chômage
dans leurs rangs s'est accru à cause de la crise
de l'industrie pétrolière, laquelle est aggravée
par la pandémie de la COVID-19. Il faut que la
durée de leurs prestations et les montants des
prestations couvrent leurs besoins dans ces
circonstances de crise.
Pouvons-nous nous attendre à ce que ces
travailleurs soient protégés par la nouvelle
Allocation de soutien d'urgence qui est censée
répondre aux besoins de ceux qui ne sont pas
admissibles à l'assurance-chômage ? Aucun détail
n'a été donné à cet égard.
Alors qu'elles font de leur mieux pour savoir
exactement ce que l'Allocation de soins d'urgence
et l'Allocation de soutien d'urgence vont fournir
comme aide et comment on peut y accéder, les
organisations de défense des chômeurs maintiennent
que des réformes immédiates doivent être faites au
régime de l'AE pour faire en sorte que tous les
travailleurs sans emploi sont protégés.
Par exemple, ces organisations demandent que le
gouvernement canadien traite du problème des longs
délais qui existent (parfois de plusieurs mois)
avant que le dossier d'un demandeur de prestation
ne soit traité. Le problème est beaucoup plus
sérieux qu'une simple élimination de la période
officielle d'attente si l'on veut que les
prestataires reçoivent les prestations auxquelles
ils ont droit. Le personnel de Service Canada est
surchargé depuis un bon moment. C'est un problème
qui doit être résolu sur une base permanente.
Comment les nouvelles réclamations vont-elles être
traitées en temps requis quand le système est déjà
sérieusement engorgé ?
Les organisations de
défense demandent aussi que le seuil
d'admissibilité soit sérieusement abaissé afin que
plus de travailleurs aient accès aux prestations
de l'AE. En ce moment, un travailleur doit avoir
effectué 600 heures de travail assurables
avant d'être admissible aux prestations de maladie
de l'assurance-emploi. En ce qui concerne les
prestations régulières, le nombre d'heures de
travail assurables pour être admissible varie
entre 420 et 700 heures, selon le taux
de chômage régional officiel que le gouvernement
fournit. Cette exigence est très problématique
parce qu'elle repose sur un chiffre arbitraire
auquel le gouvernement arrive en grande partie en
fusionnant des régions en une région de
l'assurance-emploi, lesquelles peuvent avoir très
peu de choses en commun au point de vue industries
et développement économique. Un autre problème
tout aussi préoccupant est le fait que moins d'un
pour cent des travailleurs dits autonomes sont
admissibles à l'assurance-emploi, car ces
travailleurs sont considérés comme étant à
l'extérieur de la relation employeur-employé.
Qu'est-ce qui va arriver maintenant de tous ces
problèmes et comment les travailleurs individuels
sont-ils censés naviguer dans tout cela ?
Une de ces organisations de défense au Québec, le
Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi
(MASSE) demande que le seuil d'admissibilité soit
abaissé à 350 heures de travail, que les
prestations durent un minimum de 35 semaines
(elles durent présentement de 14 à 45
semaines) et que le taux de prestations soit d'au
moins 70 % du salaire moyen hebdomadaire
du prestataire (il est présentement
de 55 %). D'autres organisations de
défense ont des cibles spécifiques différents tout
en exigeant que le seuil d'accessibilité soit
considérablement réduit. Le Conseil national des
chômeurs, également basé au Québec, et le Comité
d'action sur l'assurance-emploi des travailleurs
saisonniers du Nouveau-Brunswick exigent un seuil
d'admissibilité immédiat de 420 heures de travail
pour 35 semaines de prestations pour les régions à
économie saisonnière. Le seuil est actuellement
souvent supérieur à 650 heures dans ces zones en
fonction du taux de chômage officiel déclaré par
le gouvernement fédéral.
Les mesures d'urgence prises par le gouvernement
ne vont pas régler miraculeusement ces problèmes
auxquels les travailleurs sans emploi font face à
cause du système d'abandon à leur sort que les
gouvernements ont mis en oeuvre avec les
compressions qui font partie intégrante des
mesures d'« austérité » néolibérale. Cela
veut dire que pendant cette crise, les
revendications des organisations de défense des
chômeurs et des travailleurs organisés doivent
être prises au sérieux. Des mesures appropriées
doivent être mises en oeuvre qui produisent des
changements favorables aux travailleurs. Ces
mesures doivent soutenir et garantir le moyen de
subsistance de tous en tant que droit, et
contribuer à bâtir des programmes sociaux modernes
qui permettent aux gens d'affirmer leur humanité.
Alors que les mesures ont l'air positives sur
papier, ceux qui font face à la crise de l'emploi
savent qu'ils sont abandonnés à leur sort et,
qu'en définitive, ils ne reçoivent pas une
allocation qui leur permet de vivre. Le problème
ne se pose pas comme la vice-première ministre ne
cessait de le dire, que ce sont là de petits
problèmes d'exécution des mesures avec lesquelles
il faut composer au nom du bien collectif.
Personne ne doit être
laissé à lui-même !
Tous les travailleurs sans emploi doivent
recevoir
une allocation qui leur permet de vivre !
Pierre Chénier est le secrétaire du Centre
ouvrier du Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste).
(Photos: J. Poirier, CUPE)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 16 - 21 mars 2020
Lien de l'article:
Les travailleurs font connaître
leurs préoccupations: Les mesures sur l'assurance-emploi posent problème - Pierre Chénier
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