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À propos du plan de lutte contre la COVID-19
- K.C. Adams -
Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la
mise en place du « Plan canadien de mobilisation
du secteur industriel pour lutter contre la
COVID-19 ». Il a dit que le plan « va
permettre de créer des opportunités pour déployer
des ressources aux fabricants et aux entreprises
du pays pour qu'ils puissent nous aider à
traverser cette période difficile ». Selon le
communiqué émis à l'occasion, « le plan prévoit de
nouvelles mesures pour soutenir directement ces
entreprises afin d'augmenter rapidement leur
capacité de production ou en leur donnant les
outils nécessaires aux chaînes de production pour
concevoir des produits faits au Canada qui
aideront à lutter contre la COVID-19. Ces produits
pourraient comprendre des fournitures et de
l'équipement essentiels à la santé et à la
sécurité comme de l'équipement de protection
individuelle, des produits désinfectants, des
produits qui permettent de poser des diagnostics
et des tests ainsi que des technologies de suivi
de maladies. [...] Il met l'accent sur le
renforcement des capacités à l'échelle du pays,
des solutions innovatrices et de
l'approvisionnement en fournitures
essentielles. »
Le plan vise à « mettre en place la capacité
industrielle nécessaire à la fabrication à grande
échelle de fournitures essentielles au
Canada ».
Le plan « renforcera la capacité industrielle
nécessaire pour fabriquer des fournitures
essentielles à grande échelle au Canada ».
Les « ressources » que le gouvernement «
déploiera » sont principalement des fonds
publics d'État déjà disponibles dans le cadre des
programmes industriels et d'innovation du Canada.
Pour avoir droit à des fonds, une entreprise doit
accepter d'« accorder la priorité à la lutte
contre la COVID-19 ». Le Fonds stratégique
pour l'innovation « soutient directement »
des entreprises canadiennes » tandis que le
Conseil national de recherches du Canada «
accélère la recherche et le développement avec des
petites et moyennes entreprises ».
Le gouvernement veut utiliser ses supergrappes
d'innovation « qui mettent à contribution un
réseau national de 1 800 membres, et
Solutions innovatrices Canada qui aide les
entreprises à commercialiser plus rapidement leurs
produits ».
Commercialiser signifie mettre les « fournitures
essentielles » sur le marché pour les vendre
ou pour exécuter les commandes gouvernementales.
Le plan
apportera « un soutien direct à des entreprises
canadiennes de premier plan qui réalisent des
projets de recherche et de développement à grande
échelle et bien avancés visant, pour le moment, à
élaborer des mesures pour lutter contre la
COVID-19 ». Quelles sont les « entreprises
canadiennes » qui font une telle chose s'il
en est, la COVID-19 étant un phénomène
relativement récent ? Le plan « met les
entreprises innovatrices au défi de concevoir des
solutions, des technologies et des produits fondés
sur la recherche qui contribueront à répondre à
divers enjeux liés à la COVID-19 ».
Ce plan expose une faiblesse fondamentale du
système économique impérialiste. Le peuple n'a
aucun contrôle sur les entreprises, innovatricess
ou non. Les partis cartels au parlement se livrent
à des marchandages pour savoir lesquelles des
grandes entreprises et des sections de
l'oligarchie financière qu'ils représentent
obtiendra la plus grande part du gâteau.
L'objectif des entreprises privées est de faire de
l'argent. C'est cet objectif qui oriente leur
recherche et développement, mais elles sont aussi
contentes de recevoir des subventions du
gouvernement. Pour contrer ces objectifs étroits -
la recherche du profit aux dépens du facteur
humain/conscience sociale, le gouvernement doit
introduire des entreprises publiques sous son
contrôle et donner à la recherche et au
développement l'objectif de répondre aux besoins
de santé de la population et non au profit privé.
L'objectif actuel, le profit privé maximum, a
manifestement échoué à mettre en place une chaîne
d'approvisionnement sécurisée des produits de
santé nécessaires, car autrement ce ne serait pas
un sujet de discussion et de préoccupation
aujourd'hui. En revanche, des entreprises
publiques de fournitures de santé et de produits
pharmaceutiques auraient pour objectif à l'heure
actuelle de lutter contre le COVID-19, mais avec
l'objectif général de répondre aux besoins de
santé de la population en toutes circonstances en
créant une chaîne d'approvisionnement nationale
sous contrôle canadien allant de la recherche à la
production et à une distribution planifiée
continue basée sur une demande reconnue.
Le plan fédéral veut « acheter l'équipement dont
le Canada a besoin pour faire face à la COVID-19
ici au Canada. Le gouvernement du Canada aura
recours à des arrangements en matière
d'approvisionnement déjà en vigueur et à des
méthodes d'approvisionnement souples et
innovatrices ». Or, ces « arrangements déjà
en vigueur » sont à l'origine du problème.
Aucun des grands fournisseurs de soins de santé, y
compris les sociétés pharmaceutiques, n'est
canadien ni même très présent dans la recherche ou
la fabrication au Canada. La dernière entreprise
canadienne de recherche, de développement et de
production pharmaceutique véritablement
indépendante était Connaught Medical Research
Laboratories liée à l'Université de Toronto. Les
laboratoires Connaught étaient célèbres pour leur
production d'antitoxine diphtérique et la
découverte et la production en masse d'insuline au
XXe siècle, mais ils ont été victimes des
premières vagues de l'offensive antisociale. Le
gouvernement fédéral l'a privatisé en 1986 et
un monopole pharmaceutique mondial s'est approprié
ses installations, ses chercheurs et ses
scientifiques.
De plus, avec ce plan « le gouvernement fait
appel à des fournisseurs pour l'aider à cibler et
à acheter l'équipement, les fournitures et les
services dont le Canada a besoin pour faire face à
la COVID-19. En vue d'offrir un soutien à plus
long terme, le gouvernement du Canada assouplira
le processus d'approvisionnement afin de soutenir
l'innovation et renforcer la capacité de
fabrication nationale pour fournir aux Canadiens
des fournitures médicales essentielles. »
Le problème avec ce plan est l'absence de
contrôle du gouvernement, sans même parler d'un
contrôle par le peuple. Ces sociétés sont de
propriété et de contrôle privés et sont obsédées
par le profit maximum et la concurrence pour
établir la domination de l'empire auquel elles
appartiennent. Le secret entourant leurs
recherches est primordial. La propriété de la
plupart d'entre elles et le profit privé qu'elles
exproprient sont liés à des actions négociées sur
les marchés boursiers mondiaux. Le cours des
actions a pris un coup depuis que la gravité de la
pandémie est connue et que l'économie est entrée
en crise. Les propriétaires des actions veulent
que leurs sociétés soient remises sur la bonne
voie pour réaliser un profit maximum et accroître
la valeur marchande de leurs actions et la part de
marché de leurs entreprises en concurrence avec
les autres. C'est l'objectif qui dictera leurs
décisions et les beaux discours du gouvernement au
sujet de la capacité d'« offrir aux Canadiens des
fournitures médicales essentielles » sont en
contradiction avec la réalité du système
impérialiste, avec son objectif et ses exigences.
Tout « approvisionnement » sera à la
discrétion et aux prix dictés par les entreprises
pour assurer le profit privé et la domination de
leurs empires particuliers.
Aussi ambitieux que soit le plan du gouvernement,
il révèle l'absence d'un objectif et d'une
direction immédiats pour affronter les problèmes
du système de santé tels qu'ils se posent. Nous
avons besoin de certains produits de santé tout de
suite, notamment les trousses de dépistage pour
retracer la propagation du virus, sans parler des
vêtements protecteurs, des respirateurs, etc. Le
gouvernement a le pouvoir de réquisitionner les
usines et de fabriquer les produits nécessaires
dès maintenant et aux prix du marché tels que
déterminés par leurs prix de production et non par
les spéculateurs mondiaux. Il devrait utiliser son
pouvoir pour reprendre les installations de
fabrication et commencer immédiatement à produire
ce qui est nécessaire pour servir le bien public.
Les questions de propriété et de profit privé ne
doivent pas être un facteur dans la situation
actuelle.
En ce qui concerne la recherche, le manque de
contrôle canadien sur la recherche scientifique
est le résultat d'années de destruction de la
recherche publique, de la privatisation des
conseils de recherche qui existaient auparavant et
du manque total d'indépendance de la recherche
universitaire par rapport au diktat de
l'oligarchie financière mondiale.
Le Conseil national de recherches du
Canada (CNRC) n'est plus ce qu'il était autrefois,
mais ce qui reste pourrait être renforcé pour que
nous soyons en mesure de relever les défis
concrets que présente la pandémie de la COVID-19.
Le gouvernement a le pouvoir de réquisitionner des
scientifiques et des chercheurs du secteur privé.
Les scientifiques devraient être invités à se
joindre au CNRC pour des tâches spécifiques et à
apporter avec eux leurs recherches sur des
questions telles que des trousses de dépistage
plus efficaces et un vaccin.
L'Agence de la santé publique du Canada et Santé
Canada sont en mesure de déterminer dès maintenant
et de façon précise les mesures immédiates à
prendre et les produits à acquérir, notamment
l'équipement de protection individuelle, les
produits de désinfection, les produits de
diagnostic et d'analyse, les produits
thérapeutiques, les produits pharmaceutiques et la
technologie de suivi des maladies. Le gouvernement
doit réquisitionner les usines existantes pour
accomplir cette tâche essentielle. Croire que
l'oligarchie financière va le faire, c'est
commettre une erreur aux conséquences graves.
Le gouvernement affirme que le Programme d'aide à
la recherche industrielle du CNRC entretient des
relations avec des chercheurs de tout le Canada.
Ces chercheurs pourraient être unis et intégrés
dans une équipe chargée de répondre aux besoins de
santé les plus urgents du pays.
Les besoins immédiats en matière de soins de
santé ne doivent pas être considérés comme un
marché pour en enrichir quelques-uns au détriment
de la majorité et de la santé publique. Comme pour
toute grande entreprise, le diable est dans les
détails. Dans le cas de la COVID-19, nous avons
besoin de suffisamment de tests pour voir comment
le virus se propage et des mesures de confinement.
Une fois que tout a été dit et fait, tant qu'un
pourcentage indicatif suffisant de la population
n'aura pas développé une immunité, soit parce que
la personne a été malade et a survécu, soit parce
qu'il existe un vaccin, l'isolement social pour
freiner la propagation de la maladie doit être
maintenu.
(Source : Communiqué
de presse du Cabinet du premier
ministre, 20 mars 2020)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 16 - 21 mars 2020
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