Le FMI refuse l'aide au Venezuela
- Ana Maldonado, Paola Estrada,
Vijay Prashad, Zoe PC (extraits) -
Le Venezuela reçoit l'aide de la Chine le 19
mars 2020 pour combattre la pandémie.
Le 16 mars 2020, la chef du Fonds
monétaire international (FMI) Kristalina
Georgieva, a écrit un article sur le blog du site
Web du Fonds qui représente le genre de générosité
nécessaire dans les conditions d'une pandémie
mondiale. « Le FMI est prêt à mobiliser sa
capacité de prêt de 1 billion de dollars pour
aider nos membres », écrit-elle. Les pays «
ayant des besoins urgents en matière de balance
des paiements » pourraient être aidés à même
la « boîte à outils d'urgence flexible et à
décaissement rapide » du FMI. Grâce à ces
mécanismes, le FMI a déclaré qu'il pourrait
fournir 50 milliards de dollars aux pays en
développement et 10 milliards de dollars aux
pays à faible revenu à un taux d'intérêt nul.
La veille de cette
déclaration publique, le ministère des Affaires
étrangères du Venezuela a envoyé une lettre au FMI
demandant des fonds pour financer les « systèmes
de détection et de réponse » du gouvernement
dans ses efforts contre le coronavirus. Dans la
lettre, le président Nicolas Maduro écrit que son
gouvernement « prend différentes mesures
préventives et applique des contrôles stricts et
exhaustifs pour protéger les Vénézuéliens ».
Ces mesures nécessitent un financement et c'est
pourquoi le gouvernement « se tourne vers votre
honorable organisation pour demander son
évaluation de la possibilité d'autoriser pour le
Venezuela une ligne de crédit de 5 milliards
de dollars du fonds d'urgence de l'instrument de
financement rapide ».
La politique énoncée par Georgieva d'offrir une
assistance spéciale aux pays aurait dû suffire
pour que le FMI accorde cette aide demandée par le
gouvernement vénézuélien. Mais le Fonds a vite
décliné la demande du Venezuela.
Il est important de souligner que le FMI a
signifié ce refus à un moment où le coronavirus
commençait à se propager au Venezuela. Le 15
mars, lorsque le ministre a envoyé sa lettre au
FMI, Nicolas Maduro a rencontré de hauts
responsables du gouvernement à Caracas.
L'organisme pharmaceutique vénézuélien CIFAR et
les sociétés vénézuéliennes de matériel médical
ont déclaré qu'elles pourraient augmenter la
production de machines et de médicaments pour
endiguer la crise, mais, ont-ils dit, ils auraient
besoin de matières premières essentielles qui
doivent être importées. C'est pour payer ces
importations que le gouvernement vénézuélien s'est
adressé au FMI. Le refus du FMI punira directement
l'appareil de santé vénézuélien et empêchera le
Venezuela de s'attaquer à la pandémie de
coronavirus comme il faut.
« Il s'agit de la situation la plus grave que
nous ayons jamais connue », a déclaré le
président Maduro en annonçant la mise en place de
nouvelles mesures. Le gouvernement vénézuélien a
imposé une quarantaine nationale pour une période
indéfinie et a mis en place, en s'appuyant sur
l'autonomie locale des communes, un processus de
distribution de vivres et de fournitures
essentielles. Toutes les institutions de l'État
sont désormais engagées dans la bataille pour «
aplanir la courbe » et « briser la
chaîne » de la contagion. Mais, en raison du
refus du FMI, le pays aura plus de mal à produire
des trousses de dépistage, des respirateurs et des
médicaments clés pour les personnes infectées.
[...]
Réunion au Venezuela le 18 mars 2020 sur les
mesures à prendre pour combattre la COVID-19
Le FMI prend parti
En janvier 2019, le gouvernement américain a
tenté un coup d'État contre le gouvernement du
président Maduro. Il a choisi comme instrument
Juan Guaido, que les États-Unis ont proclamé
président du Venezuela. Les banques américaines
ont saisi à la hâte les actifs de l'État
vénézuélien qu'ils détenaient et les ont remis à
Guaido. Puis, dans une démarche surprenante, le
FMI a déclaré que le gouvernement vénézuélien ne
serait plus autorisé à utiliser ses 400
millions de dollars en droits de tirage spéciaux
(DTS), la monnaie du FMI. Il a déclaré qu'il avait
pris cette mesure en raison de l'incertitude
politique au Venezuela. En d'autres termes, en
raison de la tentative de coup d'État qui a
échoué, le FMI a déclaré qu'il « ne prendrait pas
parti » au Venezuela ; ne « prenant pas
parti », le FMI a refusé de permettre au
gouvernement du Venezuela d'accéder à ses propres
fonds. Étonnamment, le conseiller de Guaido,
Ricardo Hausmann, ancien président du comité de
développement du FMI et chef de la Banque
interaméricaine de développement, a déclaré à
l'époque qu'il s'attendait à ce que l'argent soit
à la disposition du nouveau gouvernement dans
l'éventualité d'un changement de régime. C'est le
FMI qui s'ingère directement dans les affaires
politiques vénézuéliennes.
Ni à l'époque ni aujourd'hui, le FMI n'a nié que
le gouvernement de Nicolas Maduro est le
gouvernement légitime du Venezuela. Le FMI
continue de reconnaître sur son site Web que le
représentant du Venezuela au FMI est Simon
Alejandro Zerpa Delgado, ministre des Finances du
gouvernement Maduro. C'est que Guaido n'a pas pu
prouver qu'il avait le soutien de la majorité des
États membres du FMI. Comme il n'a pas pu prouver
sa position, le FMI, encore une fois par mesure
extraordinaire, a refusé au gouvernement Maduro
son droit légitime à ses propres fonds et de faire
un emprunt aux sommes mises en commun par les
membres du FMI. [...]
Le ministre des Affaires étrangères du Venezuela
se trouve toujours sur la liste du site web du
FMI. Les Nations unies continuent de reconnaître
le gouvernement vénézuélien. C'est ce qui devrait
servir au FMI de standard officiel dans sa prise
de décision. Mais ce n'est pas le cas. Il suit les
directives du gouvernement des États-Unis. En
avril 2019, le vice-président américain Mike
Pence s'est rendu au Conseil de sécurité de l'ONU
où il a déclaré que celle-ci devait accepter Juan
Guaido comme président légitime du Venezuela. Il
s'est alors tourné vers l'ambassadeur du Venezuela
aux Nations unies, Samuel Moncada Acosta, et lui a
dit : « Tu ne devrais pas être là. » Ce
geste a une grande portée symbolique puisque les
États-Unis agissent comme si les Nations unies
étaient leur domicile et qu'ils pouvaient y
inviter qui bon leur semble.
Le refus du FMI face à la demande de 5
milliards de dollars de la part du Venezuela est
un reflet de ce que pense Pence. Il s'agit d'une
violation de l'esprit de coopération
internationale qui est au coeur de la Charte de
l'ONU.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 16 - 21 mars 2020
Lien de l'article:
Le FMI refuse l'aide au Venezuela - Ana Maldonado, Paola Estrada,
Vijay Prashad, Zoe PC (extraits)
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