Le multilatéralisme impérialiste du Canada

Une idée qui a beaucoup été promue, surtout depuis que le gouvernement Trudeau a décidé d'entrer dans la course pour un siège au Conseil de sécurité en 2021, est que le Canada est un champion du multilatéralisme. De cette manière, la politique étrangère d'ingérence du Canada est présentée comme étant différente et probablement meilleure que l'unilatéralisme odieux de « l'Amérique avant tout » de Trump. Le multilatéralisme impérialiste du Canada est basé sur le fait qu'il préfère s'ingérer dans le cadre de coalitions et regroupements de pays aux vues similaires plutôt que de le faire seul. Cela n'aide sans doute pas la tentative du Canada de convaincre d'autres pays d'appuyer sa candidature au Conseil de sécurité que d'attirer l'attention sur le trait caractéristique de sa politique étrangère : son dévouement complet à la politique d'apaisement de l'impérialisme américain. Une diversion est donc lancée avec beaucoup de tapage au sujet de « l'approche multilatérale » du Canada, sans expliquer ce qu'elle signifie vraiment.

Le Mouvement des pays non alignés, qui regroupe quelque 120 des 193 États membres de l'ONU, pratiquement tous originaires d'Asie, d'Afrique, des Caraïbes et d'Amérique latine, a lancé l'année dernière une campagne qui appelle au renforcement du multilatéralisme. Sa position est en faveur d'une paix et d'une diplomatie fondées sur l'égalité souveraine de tous les États membres de l'ONU, la non-agression réciproque et la non-ingérence dans les affaires intérieures des uns et des autres. Son objectif est de faire en sorte que l'ONU serve le but pour lequel elle a été créée et de demander des comptes aux États-Unis et à ceux qui l'apaisent afin qu'ils ne puissent pas continuer d'appliquer leurs « règles » en attaquant en toute impunité les peuples du Venezuela, de Cuba, du Nicaragua, de l'Iran, de la Syrie, du Yémen, de la République populaire démocratique de Corée et d'autres, par l'imposition des sanctions meurtrières, qui sont des actes de guerre.

C'est l'antithèse du multilatéralisme que le Canada pratique pour apaiser l'impérialisme américain qui, au nom d'idéaux élevés, viole le droit des peuples de vivre en paix, sans ingérence et à l'abri de la menace ou de l'emploi de la force.

Dans un important discours politique qu'elle a prononcé en 2017, décrivant ce que le gouvernement Trudeau appelle son programme multilatéral, Chrystia Freeland a dit qu'il s'agissait de renforcer l'ordre international fondé sur des règles et a mentionné la participation du Canada dans des groupes tels que le G7, le G20, l'Organisation des États américains, la Coopération économique Asie-Pacifique, l'Organisation mondiale du commerce, l'Organisation mondiale de la santé, le Commonwealth, quelques autres « et bien sûr l'OTAN et l'ONU ». Elle a dit que la « pierre angulaire » du programme multilatéral du Canada était son « engagement indéfectible envers l'Alliance transatlantique », c'est-à-dire l'alliance militaire et politique agressive dirigée par les États-Unis, qui contrevient ouvertement à la Charte des Nations unies et au droit international.

Le groupe illégitime de Lima a été inclus depuis dans la liste comme un autre exemple du multilatéralisme canadien à l'oeuvre - en fait un modèle à suivre, selon l'ancien ambassadeur du Canada au Venezuela qui, en tant que praticien de « la promotion de la démocratie » à l'américaine, a transformé pendant son mandat l'ambassade du Canada à Caracas en un centre de subversion contre le gouvernement vénézuélien.

Rien n'indique plus clairement que ce que le Canada défend n'a rien à voir avec le maintien des principes et des buts des Nations unies et la préservation de la paix, sur la base des enseignements tirés de deux guerres mondiales catastrophiques. Ce que le Canada défend, c'est le multilatéralisme impérialiste et les règles que l'OTAN cherche à imposer au monde par la force. L'usage de ce qu'on appelle des moyens diplomatiques pour garantir un changement de régime, par opposition à l'emploi de la force, serait la prétendue distinction entre la voie canadienne et la voie américaine. Ce qui n'est pas à discuter, ce sont les présumés moyens diplomatiques, tels que ceux que le Groupe de Lima serait censé mettre en oeuvre, pour préparer en fait le recours à la force et fournir une justification sous la forme d'une soi-disant intervention humanitaire contre un « État défaillant » ou de la doctrine impérialiste de « la responsabilité de protéger ». Il en va de même pour l'état de droit et le type de droit que le Canada défend, qui ne sont pas à discuter.

Dans une allocution faite le 21 février devant le Conseil des relations étrangères de Montréal, le ministre des Affaires étrangères François-Philippe Champagne a dit que la campagne pour un siège au Conseil de sécurité était l'occasion pour le Canada de rendre crédible, de renforcer et de mieux adapter le multilatéralisme aux réalités d'aujourd'hui. À cet égard, il a déploré ce qu'il a appelé une recrudescence de l'application sélective et du mépris du droit international, affirmant que l'ordre international fondé sur des règles était menacé. En conséquence, le système multilatéral a besoin d'être modernisé, a-t-il dit, pour l'adapter aux nouvelles réalités d'aujourd'hui. Le ministre a déclaré que le Canada devait prendre l'initiative à cet égard sur le plan international, donnant des exemples de comment il a déjà contribué à défendre le prétendu « ordre mondial fondé sur les règles ». Il a mentionné entre autres le rôle du Canada dans la création des institutions issues des accords Bretton Woods (FMI, Banque mondiale) et de l'OTAN, ainsi qu'un pionnier de la doctrine impérialiste de la « responsabilité de protéger » quand il a été membre du Conseil de sécurité dans le passé. Et bien sûr, plus récemment, le Groupe de Lima. Pendant que le ministre Champagne parlait, les Canadiens et les Québécois manifestaient pour dénoncer le fait que le  Canada était l'hôte d'une réunion du Groupe de Lima et son ingérence continue dans les affaires du peuple vénézuélien.

Pour certains, au bout du compte le Canada ne mérite pas un siège au Conseil de sécurité. C'est vrai. Mais qu'en est-il des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de tous les fauteurs de guerre qui, avec la Russie et la Chine, ont un droit de veto ? Plus que le fait que le Canada ne mérite pas un siège au Conseil de sécurité, les événements révèlent l'effondrement de l'ordre et de l'état de droit international de l'après-Deuxième Guerre mondiale pour la défense et la codification desquels les Nations unies ont été créées, pour prévenir le fléau des guerres récurrentes.

Aujourd'hui, la crise dans laquelle l'ONU et toutes les institutions basées sur des anciens arrangements sont embourbées se révèle par le fait que les impérialistes anglo-américains utilisent les questions des droits humains, de la paix, de la liberté et de la démocratie comme des outils politiques, comme des armes pour justifier l'agression et l'intervention contre les peuples et les pays qui défendent leur droit d'être. Ce sont ces mêmes peuples et pays qui sont accusés d'être hostiles aux intérêts anglo-américains et une menace à la sécurité internationale et nationale. C'est ce à quoi s'engage le gouvernement Trudeau sous le prétexte de fuir l'unilatéralisme de Trump, d'être inclusif, de rassembler les peuples pour « résoudre les problèmes », même si cela viole la Charte des Nations unies et les principes du droit international et de la diplomatie au niveau international.

Mais le monde a ses propres exigences et ne se conforme pas à la volonté des pays aux visées hégémoniques. Les peuples du Canada et du monde s'efforcent de s'investir du pouvoir en luttant et en défendant les arrangements nécessaires, surtout des gouvernements antiguerre qui veilleront à ce que des notions antihumaines comme la loi du plus fort soient enterrées une fois pour toutes afin qu'un monde digne des êtres humains soit créé. Le bien-être des peuples doit être au centre de toutes les considérations qui nécessitent la défense des droits de tous et des régimes qui les garantissent.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 10 - 22 février 2020

Lien de l'article:
Le multilatéralisme impérialiste du Canada - Margaret Villamizar


    

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