Le gouvernement du Québec annonce une «grande alliance» avec les Cris tout en demandant l'intervention policière contre les barrages
En grandes pompes, et pendant même qu'il appelait
à une intervention policière pour démanteler les
barrages établis à travers le Canada en appui aux
Wet'suwet'en, le gouvernement du Québec a annoncé
une « grande alliance » avec le grand chef
des Cris Abel Bosum. L'accord de principe
comprend, entre autres, le prolongement du chemin
de fer au nord de Matagami (environ 200 km au sud
de la baie James) à Whapmogoostui, sur la côte est
de la baie d'Hudson, où sera construit un port en
eau profonde, l'électrification de projets
industriels, la formation de la main-d'oeuvre
locale et des projets miniers pour des minéraux
stratégiques tels que le lithium et le vanadium.
Le premier ministre François Legault a déclaré que
le partenariat « gagnant-gagnant » permettra
aux deux nations - la nation crie et la nation
québécoise - de croître et qu'il espère que la
Grande Alliance servera de modèle pour d'autres
communautés autochtones.
Ironiquement, cette annonce survient à un moment
où certains membres de la communauté crie, comme
Paul Dixon, de Waswanipi, au nord de Val-d'Or, et
directeur de la Cree Trappers Association, ont
récemment dénoncé la disparition du caribou et
d'autres animaux, pour lesquels il blâme la coupe
à blanc de l'épinette noire et l'exploitation
minière dans cette région. Il a nommé une
entreprise en particulier, Canadian Malartic. Il a
déclaré que le projet hydroélectrique de la Baie
James des années 1970 a eu un impact social et
économique énorme sur la nation crie et que des
générations de trappeurs cris n'ont jamais voulu
que leur chasse s'arrête ou que leurs pièges
soient brisés. Il a dit que la plupart des
familles et des membres de la communauté
s'opposent à l'exploitation par les industries
minières et que, pour lui, la destruction de
l'environnement naturel de la nation crie est un
crime.
Quant au projet de la baie James, l'élite
politique oublie commodément que les travaux sur
le « projet du siècle » ont été annoncés et
ont effectivement commencé sans même mentionner
les Cris ou les Inuits qui seraient directement
touchés ainsi que leurs terres ancestrales sur
lesquelles le projet était construit. Les
Premières Nations ont dû se défendre devant les
tribunaux pour forcer les élites politiques et
économiques de l'époque à au moins se rendre
compte qu'elles n'avaient même pas consulté ceux
qui vivaient sur ces terres.
Quant aux appels de Legault pour résoudre ce
qu'on appelle la « crise ferroviaire », il
prétend qu'il a une pensée pour ceux qui perdent
ou vont perdre leur emploi et que, bien qu'il soit
important d'écouter les nations autochtones, « il
faut aussi écouter les Québécois et les Canadiens
qui souffrent en ce moment ». Les
déclarations effrontées du premier ministre,
notamment son insensibilité envers les demandes
des travailleurs du secteur public et les efforts
ouverts du gouvernement du Québec pour abaisser
leurs conditions de travail ainsi que la situation
honteuse en santé et en éducation au Québec, sont
des indications claires qu'ils n'ont que faire des
souffrances des travailleurs canadiens et
québécois. Si ces élites politiques et économiques
veulent vraiment que Trudeau « résolve la
crise », elles doivent insister pour que la
GRC et Coastal GasLink se retirent des territoires
Wet'suwet'en et que les droits des Wet'suwet'en
ainsi que les lois nationales et internationales
soient respectées.
Ces tentatives de diviser le peuple sur la base
du sophisme ne doivent pas réussir. Les lignes
sont clairement tracées : soit que nous
ouvrons la voie au progrès, soit que nous
défendons le statu quo colonialiste. Soyons du
côté des Wet'suwet'en !
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 10 - 22 février 2020
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