La proposition de remplacer les trains bloqués par des camions: une tentative de mobiliser les camionneurs dans la négation des droits des autochtones - la réponse est Non!

Un article de Radio-Canada rapporte qu'il y a en ce moment des pourparlers entre le ministère du Transport du Québec (MTQ) et l'Association du camionnage du Québec (ACQ), qui représente la majorité des grandes entreprises de transport de la province. Ces échanges sont liés aux blocus ferroviaires qui sont organisés en appui à la nation Wet'suwet'en. Le MTQ fait valoir le besoin immédiat de transporter les marchandises dites essentielles et veut utiliser les camionneurs pour briser l'impact des blocus.

Selon l'article, les pourparlers en question portent sur des questions de logistique et de disponibilités des camions et des chauffeurs. Il cite le président de l'ACQ, Marc Cadieux : « J'ai eu des échanges avec certains transporteurs et oui, on me confirme qu'il y a eu des demandes et qu'il y en aura d'autres. Il y a des coûts associés à la réorganisation de la logistique du transport. Ça nécessite des mouvements inhabituels. Il y aura sûrement des augmentations de coûts. »

Le MTQ a soulevé la question du transport du propane d'une manière hystérique et a demandé aux transporteurs s'ils disposent de camions et d'équipements qui conviennent et d'assez de conducteurs qui peuvent faire les voyages de longue distance au Québec, en Ontario et même aux États-Unis.

Cette demande du ministère du Transport à l'Association du camionnage du Québec a soulevé de la discussion parmi les camionneurs qui demandent eux aussi à déterminer le cours de leur vie, comme le font les Wet'suwet'en. Le MTQ et l'ACQ considèrent les milliers de camionneurs oeuvrant au Québec comme un simple moyen de production disponible aux moindres soubresauts des monopoles en toutes conditions et circonstances, toujours prêts à bondir quand ils sont appelés. Beaucoup de camionneurs disent un instant s'il vous plaît, nous avons des droits nous aussi. Nous avons le droit de conscience, le droit de penser et de décider par nous-mêmes une ligne de marche, de nous prononcer sur les enjeux et de donner ou non notre consentement.

À aucun moment, il ne vient à l'idée des autorités gouvernementales et de l'oligarchie financière que les camionneurs pourraient bien appuyer la cause des Wet'suwet'en dans la lutte pour leurs droits et dire non ! à cette requête. Les travailleurs ont une cause commune avec les peuples autochtones et la responsabilité sociale de demander que la situation soit résolue sur la base de la reconnaissance des droits et de la souveraineté des Wet'suwet'en.

Le MTQ et l'ACQ ont eux-mêmes toujours collaboré pour briser les normes et les réglementations qui favorisaient les camionneurs. L'ACQ, en tant que représentante des grandes entreprises de transport, s'est constamment opposée à la création d'une organisation indépendante qui représenterait les intérêts des camionneurs. Maintenant, les cercles dirigeants veulent que les camionneurs collaborent pour garantir le transport de biens bloqués par les blocus et de cette façon miner la cause des peuples autochtones pour la justice et de nouvelles relations anticoloniales de nation à nation. De plus en plus de travailleurs s'opposent à cette capitulation à l'élite dirigeante. Ils s'expriment dans leurs endroits de travail et sur les médias sociaux. Plusieurs trouvent méprisable la demande du gouvernement à l'industrie du camionnage de venir à la rescousse de l'oligarchie financière dans sa lutte contre les Wet'suwet'en.

Les camionneurs sont insatisfaits depuis longtemps de leurs conditions de travail et ils mènent leur propre lutte à la défense de leurs droits, en particulier depuis la déréglementation de l'industrie à partir des années 1990. Beaucoup de camionneurs vont même jusqu'à dire qu'eux-mêmes devraient bloquer les routes en soutien aux Wet'suwet'en et pour montrer la force des camionneurs dans l'économie.

De nombreux camionneurs considèrent comme insultante la demande du MTQ et de l'ACQ, une atteinte à leur dignité commise sans leur consentement, comme le passage du pipeline sur le territoire Wet'suwet'en est aussi imposé sans le consentement de ces derniers. Cette situation renforce leur détermination à bâtir leur propre organisation qui défend leurs intérêts en tant que collectif de camionneurs et les rend capables de prendre la parole en leur propre nom au lieu de laisser d'autres parler en leur nom.

Les camionneurs disent non aux demandes de l'ACQ et du MTQ dans leurs conversations et sur les médias sociaux. Ils envoient un clair message de « non-consentement » au ministre du Transport canadien Marc Garneau et au ministre du Transport québécois Francois Bonnardel ainsi qu'au président de l'Association du camionnage du Québec. Ils leur disent qu'ils ne veulent pas offrir leur capacité de travailler pour faire perdurer le déni des droits des Wet'suwet'en et l'utilisation de la violence coloniale de l'État contre les peuples autochtones et leurs sympathisants et contre les travailleurs comme ceux de la raffinerie Co-op de FCL à Regina.

Le refus de l'élite dirigeante de mettre fin à l'ordre colonial canadien nous affecte tous. Nous devons nous saisir de cette occasion pour exprimer notre solidarité à tous ceux et celles qui luttent pour leurs droits au Canada et par le fait même démontrer notre détermination à le faire pour nous-mêmes.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 10 - 22 février 2020

Lien de l'article:
La proposition de remplacer les trains bloqués par des camions: une tentative de mobiliser les camionneurs dans la négation des droits des autochtones - la réponse est Non! - Normand Chouinard


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca