Appuyons les Wet'suwet'en!

Condamnons la violence de l'État colonial canadien!


Vancouver, 6 février 2020

Tôt le matin du 6 février, des policiers de la GRC en tenue d'intervention tactique, armes au poing et avec des chiens, et un convoi de plus d'une douzaine de véhicules, ont commencé à expulser des gens du territoire traditionnel des Wet'suwet'en. La cible de l'attaque était le camp Gidumt'en situé au kilomètre 39 (la distance de l'autoroute 16) du chemin de service forestier de la rivière Morice. La GRC est intervenu pour faire respecter une injonction accordée le 31 décembre 2019 à Coastal GasLink (CGL) par la Cour suprême de la Colombie-Britannique. La GRC a fait tout son possible pour empêcher les journalistes d'observer et de rapporter ce qui se passait. Le raid a commencé juste avant 5 heures du matin, alors que la plupart des gens dormaient. À 6 h 22, le campement des Unist'ot'en a rapporté : « Nous avons perdu toute communication avec le poste de surveillance de Gidumt'en au kilomètre 39 après que la GRC eut brisé la vitre du véhicule radio. » La fenêtre a été brisée afin d'arrêter la personne qui se trouvait dans le véhicule et qui s'occupait des communications. À 7 h 22, le camp des Unist'ot'en a rapporté que « 36 véhicules, une ambulance et de la machinerie lourde se sont rendus au kilomètre 4. Au moins 2 bulldozers et pelle mécanique. »


Le 6 février, raid de la GRC sur le campement Gidimt'en au kilomètre 39 sur le chemin de service forestier de la rivière Morice

En quelques heures, plus de 50 communautés au Canada et à l'étranger se sont mobilisées pour tenir des actions condamnant le raid de la GRC et le comportement méprisable des gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique qui refusent de rencontrer les chefs héréditaires des Wet'suwet'en. Les chefs héréditaires ont émis un avis d'expulsion le 4 janvier à CGL qui a envahi les terres des Wet'suwet'en pour construire une partie de son gazoduc jusqu'à l'usine de LNG Canada, à Kitimat.

Le raid de la GRC ayant été prévu, les gens s'étaient préparés et ont réagi face à la police par des messages, y compris des vidéos sur les réseaux sociaux, réaffirmant le droit des Wet'suwet'en de défendre la terre et ses ressources et leur détermination à ne pas reculer. Le même jour, les chefs héréditaires ont publié un communiqué de presse annonçant qu'ils avaient « déposé une demande de révision judiciaire de la décision de l'Agence d'évaluation environnementale (AÉO) de prolonger pour encore cinq ans le certificat environnemental du projet de gazoduc de Coastal GasLink qui transporte dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique du gaz obtenu par fracturation. »

Les négociations de mauvaise foi ouvrent la voie
à la criminalisation des défenseurs de la terre

Le raid de la police a eu lieu exactement sept jours après que les chefs héréditaires ont accepté la proposition d'une période de sept jours pour des discussions avec des représentants du gouvernement de la Colombie-Britannique, sans la présence du premier ministre. Les pourparlers se sont terminés après deux jours, le 4 février, sans résolution du conflit, ce qui n'était guère surprenant car le premier ministre avait déclaré : « Je ne m'attends pas à ce que les dirigeants disent demain qu'ils aiment le gazoduc. Ce ne sont pas mes attentes. Mais il doit y avoir un consensus légitime que la majorité des gens de la région va en bénéficier, et c'est ce que le dialogue produira. » Les chefs héréditaires ont participé de bonne foi, contrairement au gouvernement provincial, représenté par le ministre des Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation, Scott Fraser. Durant ces sept jours, la GRC a massé ses agents à Houston, à environ 300 km au nord-ouest de l'autoroute 16 de Prince George, se préparant à l'invasion que l'État avait planifiée.

Sur le site Web de la GRC on peut lire : « Le 31 décembre 2019, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a accordé l'injonction interlocutoire à Coastal GasLink contre les personnes qui interfèrent avec le projet Coastal GasLink » et, qu'à la lumière de l'échec des pourparlers entre les chefs héréditaires et le gouvernement de la Colombie-Britannique pour conclure une entente et compte tenu du fait que le délai discrétionnaire maximal prévu par l'injonction avait expiré, la GRC n'avait d'autre choix que d'agir. Ainsi, la GRC répand la désinformation selon laquelle elle est une partie neutre qui se contente de faire respecter la loi, et non l'instrument violent de l'État canadien, de l'oligarchie financière et des monopoles du gaz et du pétrole et de leurs gouvernements, qui imposent leurs intérêts privés étroits au-dessus des intérêts des peuples autochtones et canadien.

De cette façon, les Wet'suwet'en sont criminalisés en tant que personnes « qui interfèrent avec le projet Coastal GasLink » et doivent être arrêtés. Il est important de noter qu'en plus de ne pas avoir l'approbation des chefs héréditaires, qui sont l'autorité politique traditionnelle sur le territoire des Wet'suwet'en, CGL n'a pas encore pleinement respecté les exigences légales de l'Agence d'évaluation environnementale (AÉO) à savoir quelles mesures CGL prendra pour atténuer les effets négatifs du gazoduc, même si l'AÉO a délivré un permis pour que la construction du gazoduc se poursuive. Le rapport d'évaluation soumis par CGL à l'AÉO ne mentionne même pas l'existence du centre de guérison Unist'ot'en, qui représente un lieu sacré pour les Unist'ot'en, l'un des cinq clans qui composent la nation wet'suwet'en. Les Unist'ot'en notent que leur « centre de guérison a été construit avec l'aide de colons sympathisants qui travaillent main dans la main avec nous pour financer et construire l'infrastructure qui nous permet de fournir des programmes de guérison culturellement enracinés dans les pratiques mises de l'avant par et pour les peuples autochtones. Elle est l'aboutissement de décennies de planification et de décolonisation. Cette vision de la guérison par la revitalisation culturelle et de rétablir le lien avec la terre est le fondement de notre plan d'utilisation du territoire et dépend d'un territoire sain et intact. » Le 6 février, le jour de l'agression de la GRC, les chefs héréditaires ont demandé une révision judiciaire de la décision de l'AÉO d'accorder le feu vert au projet.

En réponse à l'invasion violente du territoire des Wet'suwet'en et aux arrestations des défenseurs de la terre, le chef héréditaire Na'Moks des Wet'suwet'en a dénoncé l'attaque en déclarant : « Notre peuple est pacifique, ceux qui nous appuient sont pacifiques mais ils [la GRC] sont entrés avec les forces armées pour expulser les gens qui étaient pacifiques [et] qui font la bonne chose, au bon moment et pour les bonnes raisons [...] Nous exerçons notre juridiction. »

Les excuses données par l'État canadien et les médias monopolisés pour justifier la prolongation du gazodur et les attaques contre les Wet'suwet'en cachent commodément le fait que les chefs héréditaires et le peuple wet'suwet'en ont agi légalement dans le cadre de leur Anuc'niwh'it 'en (loi des Wet'suwet'en), des lois internationales et des lois canadiennes qui reconnaissent les Wet'suwet'en comme les détenteurs des titres de leur territoire et qu'ils continuent d'appeler à une solution pacifique du conflit. C'est l'État canadien qui a agi illégalement pour essayer de réprimer l'affirmation des Wet'suwet'en de leurs droits sur leur propre territoire. Ce qui n'est pas non plus reconnu, c'est que la nation souveraine des Wet'suwet'en et ses lois ont un statut politique égal aux lois du Canada, et que cela doit être reconnu et respecté comme fondement de la réconciliation entre le Canada et les peuples autochtones. C'est ce que les peuples autochtones et les Canadiens veulent et demandent, pour rompre avec le passé colonial du Canada.

La juge en chef de la Colombie-Britannique, Margaret Church, a statué dans sa décision du 31 janvier qui accorde l'injonction demandée par CGL de poursuivre la construction illégale du gazoduc, que les lois des Wet'suwet'en n'avaient aucune valeur légale dans le système juridique canadien. Elles ne sont tout simplement pas reconnues. Pendant ce temps, les travailleurs de partout au pays ne manquent pas d'expérience des lois canadiennes et de la façon dont elles servent l'oligarchie financière et leurs intérêts privés étroits, comme dans ce cas de colonialisme moderne.

Ce refus de reconnaître l'autorité des lois autochtones sur le territoire autochtone se reflète dans la déclaration de la GRC qui dit maintenant que la « zone d'exclusion » est interdite et que c'est leur commandant en chef, et non les chefs héréditaires wet'suwet'en, qui décidera qui peut y entrer. Ça ne doit pas passer !

Molly Wickham, porte-parole du clan des Gidumt'en, membre de la nation wet'suwet'en, a fait remarquer à propos des personnes arrêtées puis relâchées sans condition : « Ils sont sur le chemin du retour, et cela témoigne du fait que nous n'allons nulle part [...]

« Vous pouvez nous arrêter, vous pouvez essayer de nous expulser du territoire, vous pouvez nous expulser violemment du territoire, et nous reviendrons toujours. »

La répression policière des journalistes

Comme cela s'est produit en janvier 2019, lorsque la GRC a agressé et expulsé des personnes du territoire des Wet'suwet'en, des journalistes ont également été harcelés, gênés, menacés et empêchés de faire leur travail. Amber Bracken, journaliste indépendante pour The Narwhal, une publication basée en Colombie-Britannique, est au camp Unist'ot'en au kilomètre 66 de puis le 12 janvier. Ce camp, à 17 h le 6 février, était en dehors des lignes de police - la zone d'exclusion mise en place au kilomètre 27 - et n'a pas fait l'objet d'une descente. Cependant, selon The Narwhal, elle se trouve dans la position difficile de risquer d'être arrêtée si elle document les événements en cours. The Narwhal cite Karyn Pugliese, présidente de l'Association canadienne des journalistes, qui affirme qu'« elle a confirmé des informations selon lesquelles la GRC a dit aux journalistes de ne pas photographier ni filmer des officiers en tenue tactique portant des fusils d'assaut, ou des arrestations - sinon ils risquaient de se faire arrêter. La police a également arrêté des journalistes dans une camionnette et les a expulsés du site. »


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 7 - 8 février 2020

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