Les Wet'suwet'en continuent de dire Non! au pipeline de Coastal GasLink sur leur territoire

Depuis le début de l'année, les Wet'suwet'en ont intensifié leurs efforts pour défendre leurs territoires traditionnels face aux provocations accrues des tribunaux coloniaux et du gouvernement de la Colombie-Britannique. Les chefs héréditaires des cinq clans qui constituent le peuple Wet'suwet'en ont émis et mis à exécution un ordre d'expulsion contre Coastal GasLink (CGL) de leur territoire. CGL a reçu l'approbation du gouvernement pour construire un gazoduc de 670 kilomètres à partir de l'ouest de Dawson Creek, en Colombie-Britannique, vers une installation d'exportation de gaz naturel liquéfié près de Kitimat, en violation du droit souverain des Wet'suwet'en de refuser une telle activité sur leurs terres non cédées. Le 4 janvier, le dernier entrepreneur de CGL a été escorté à l'extérieur de leur territoire par les Wet'suwet'en.

Ces actions ont été prises en rejet d'une décision du 31 décembre 2019 rendue par la juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, Marguerite Church, qui accorde à CGL une injonction interlocutoire contre les Wet'suwet'en qui bloquent l'entrée de CGL à leur territoire.[1] Cette injonction prolonge une injonction provisoire en vigueur depuis 2019 pour la durée du projet de construction et comprend une ordonnance accordant à la GRC le pouvoir de la faire respecter.

Dans un communiqué de presse publié au moment de l'expulsion, les chefs héréditaires Wet'suwet'en déclarent que « Les tribunaux canadiens ont reconnu dans Delgamuukw-Gisdaywa c. La Reine que le peuple Wet'suwet'en, représenté par nos chefs héréditaires, n'a jamais cédé ni remis le titre de propriété sur les 22 000 kilomètres carrés du territoire des Wet'suwet'en. L'octroi de l'injonction interlocutoire par la Cour suprême de la Colombie-Britannique nous a prouvé que les tribunaux canadiens ignoreront leurs propres décisions et nieront notre compétence lorsque cela leur convient, et ne protégeront pas nos territoires ou nos droits en tant que peuples autochtones. »[2]

À la suite de l'avis d'expulsion contre CGL, les chefs héréditaires ont expliqué : « Coastal Gaslink a violé la loi d'entrée non autorisée des Wet'suwet'en et a rasé notre territoire avec des bulldozers, détruit nos sites archéologiques et occupé nos terres avec des campements industriels. Des firmes privées de sécurité et la GRC ont continuellement entravé les droits protégés par la Constitution des Wet'suwet'en qui nous permettent d'accéder à nos terres pour la chasse, le piégeage et les cérémonies. »

Les chefs ont dénoncé l'hypocrisie du gouvernement de la Colombie-Britannique pour avoir adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), alors que les Wet'suwet'en se voient activement refuser la protection de la DNUDPA sur leurs propres terres. « Lorsque nous avons appliqué nos propres lois et exigé que l'industrie recherche un consentement libre, préalable et éclairé pour le développement de nos terres », ont-ils déclaré, « nous avons été confrontés à une manifestation brutale de violence policière militariste et à une occupation policière continue de nos territoires. » Cela faisait référence à l'opération paramilitaire de la GRC du 7 janvier 2019 qui a brutalement attaqué le poste de contrôle de Gidimt'en au camp d'Unist'ot'en, menant à l'arrestation de 14 défenseurs de la terre, pour faire respecter l'injonction provisoire.

Les chefs héréditaires ont également noté : « Nous avons appris, grâce au reportage paru dans le Guardian, que la GRC est prête à tuer des personnes non armées de Wet'suwet'en si nous continuons de faire respecter nos lois. »

On lit aussi dans la déclaration : « Anuc 'nu'at'en (la loi des Wet'suwet'en) n'est pas une 'croyance' ou un 'point de vue'. C'est une façon de gérer de manière durable nos territoires et nos relations les uns avec les autres et avec le monde qui nous entoure, et cela a fonctionné pendant des millénaires afin de conserver intacts nos territoires. Notre loi est au coeur de notre identité. La criminalisation continue de nos lois par les tribunaux canadiens et la police embauchée par l'industrie est une tentative de génocide, une tentative d'éteindre l'identité même des Wet'suwet'en. »

Un an après l'assaut de la GRC contre les défenseurs de la terre Wet'suwet'en sur leur territoire traditionnel du nord de la Colombie-Britannique, les institutions de l'injustice coloniale continuent de refuser de respecter les droits et les titres ancestraux des Wet'suwet'en. Tant les gouvernements fédéral que provincial, en dépit des phrases ronflantes sur la réconciliation et les relations de nation à nation, insistent sur le fait qu'il s'agit d'une question de « loi et d'ordre ». Le premier ministre néodémocrate de la Colombie-Britannique, John Horgan, a refusé de manière arrogante de rencontrer les dirigeants héréditaires lors d'un récent voyage dans le nord de la Colombie-Britannique et a répété qu'« il y a des accords du district de la Paix jusqu'à Kitimat avec les communautés autochtones qui veulent voir l'activité économique et la prospérité devenir une réalité [...] Tous les permis sont en place pour que ce projet se poursuive. Ce projet va de l'avant et l'état de droit doit prévaloir en Colombie-Britannique ». Les accords auxquels le premier ministre a fait référence avec les communautés autochtones sont des accords conclus avec des conseils de bande élus sur le tracé du pipeline qui ont été établis en vertu de la Loi sur les Indiens raciste et coloniale précisément pour accomplir l'assimilation et la dépossession des peuples originels.

Le premier ministre Horgan prétend que l'affrontement actuel, la barrière érigée par la GRC et la menace d'une escalade de la violence et du recours à la force concernent « l'état de droit ». En fait, il s'agit de la négation par la force de la souveraineté des Wet'suwet'en et de la loi des Wet'suwet'en, et de l'imposition du diktat de CGL de construire son pipeline et poursuivre un mégaprojet de gaz naturel liquéfié de 40 milliards de dollars.

Les Wet'suwet'en ont rejeté la criminalisation de leurs droits héréditaires et de leur souveraineté. Ils affirment leur droit souverain de dire non ! à l'entrée sur leur territoire sans leur consentement. Non ! au diktat des monopoles comme CGL. Non ! à l'usage illégitime de la force et de la violence par la police, les tribunaux et d'autres institutions de l'État canadien raciste et colonial. Leur position est que les négociations pour résoudre le conflit doivent avoir lieu entre les chefs héréditaires et les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada, et non avec la GRC ou CGL.

Au cours de l'année écoulée, le niveau d'appui, de compréhension et de reconnaissance publics de l'importance de cette opposition des nations autochtones et d'autres aux anciens arrangements coloniaux, n'a cessé de grandir. Les yeux des Canadiens et du monde entier sont tournés vers la situation qui se développe. En décembre 2019, le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale, réuni à Genève à sa 100e session, a rendu une décision qui lance l'appel à « l'État partie prenante » à suspendre la construction du pipeline Trans Mountain, du barrage du site C, et « d'arrêter immédiatement la construction et de suspendre tous les permis et approbations pour la construction du gazoduc Coastal GasLink sur les terres et territoires traditionnels et non cédés du peuple Wet'suwet'en, jusqu'à ce qu'il accorde son consentement libre, préalable et éclairé, dans le cadre de la mise en oeuvre pleine et adéquate de l'obligation de consulter ». La décision demande en particulier que la GRC se retire des territoires traditionnels. Dans sa décision, le Comité des Nations unies a conclu que l'État avait refusé « de considérer le consentement libre, préalable et éclairé comme une exigence pour toute mesure, telle que des projets de développement à grande échelle, qui pourrait causer un préjudice irréparable aux droits, cultures, terres, territoires et modes de vie des peuples autochtones ».

Les Wet'suwet'en ont continué de mener leur combat devant le peuple canadien qui a répondu par milliers en appui à la position de principe des chefs héréditaires et des maisons des clans pour faire respecter leurs lois et droits ancestraux. Plus récemment, des actions ont été organisées partout au Canada et au Québec au cours de la semaine du 7 au 12 janvier sous la bannière « Tous les yeux tournés vers les Wet'suwet'en » pour s'assurer que les gens s'expriment en leur propre nom et que l'État colonial n'ait pas les mains libres pour criminaliser et attaquer les Wet'suwet'en pour leurs justes positions.

La situation met en évidence les lignes de bataille qui sont tracées partout au Canada entre, d'une part, les gouvernements des oligarques financiers qui ont usurpé le pouvoir politique et, d'autre part, les peuples autochtones, la classe ouvrière, les femmes, les jeunes et tous les collectifs qui luttent pour leurs droits.

Le Canada doit respecter les droits ancestraux, constitutionnels et issus de traités des peuples autochtones afin de contribuer à la véritable réconciliation et de réparer les siècles de torts que l'État colonial raciste a commis contre les peuples autochtones du Canada.

Non à la criminalisation de la défense des Wet'suwet'en de leurs droits ancestraux !
Mettons fin à l'injustice coloniale !

Notes

1. Une injonction interlocutoire est un ordre d'un tribunal visant à obliger une personne à faire ou ne pas faire quelque chose en l'attente du jugement final.

2. Ce sont les chefs héréditaires Wet'suwet'en et Gitksan qui ont lancé ce qu'on a appellé le cas Delgamuukw, une décision historique de la Cour suprême du Canada sur la poursuite par les chefs héréditaires d'un règlement juridique et politique de leurs griefs et la reconnaissance de leurs droits. En 1977, la réclamation des chefs Wet'suwet'en et Gitksan sur leurs territoires traditionnels a été acceptée par le ministre fédéral des Affaires autochtones et du Nord comme bas de négociation d'une « réclamation globale » en vertu du processus fédéral des traités. Le gouvernement provincial a refusé de participer aux négociations et, après cinq années sans progrès, les chefs ont porté leur dossier pour la reconnaissance de ce qui leur était refusé depuis 1860 devant les tribunaux. La prétention que certains des chefs héréditaires agissent « en dehors de tout contrôle » et que leur cause est étroite et sans perspective est tout à fait honteuse.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 2 - 25 janvier 2020

Lien de l'article:
Les Wet'suwet'en continuent de dire Non! Au pipeline de Coastal GasLink sur leur territoire - Philip Fernandez et Barbara Biley


    

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