Les États-Unis adoptent une nouvelle loi renforçant les mesures coercitives unilatérales


Tandis que les États-Unis multiplient les mesures coercitives contre le Venezuela, les Nations unies acceptent l'accréditation du président de la République bolivarienne du Venezuela, Nicolas Maduro, le 18 décembre 2019, le confirmant comme unique représentant du Venezuela à l'ONU.

La Loi du secours d'urgence, de l'aide démocratique et du développement du Venezuela, ou Loi VERDAD selon son acronyme, a été approuvée le 16 décembre par la Commission sénatoriale sur les affaires étrangères et par le Sénat tout entier le 19 décembre.

Les sénateurs américains Marco Rubio (républicain ) et BobMenendez (démocrate), les architectes principaux du siège du Venezuela par le Congrès des États-Unis, sont les visages publics de cette initiative dans laquelle on trouve également des représentants démocrates de la Floride comme Donna Shalala, Debbie Wasserman Schultz et Debbie Mucarsel-Powell.

La loi est une initiative partisane et bicamérale qui représente une manoeuvre de l'État profond des États-Unis pour protéger juridiquement et perpétuer le siège et la stratégie d'asphyxie de la République bolivarienne du Venezuela.

La loi VERDAD (vérité en français – Note de LML) vise à escalader et à renforcer les mesures coercitives unilatérales contre le pays. Bien que l'étendue de son application semble se limiter au niveau dirigeant du gouvernement bolivarien, il vise plutôt à renforcer les mesures d'asphyxie économique et le blocus total de l'économie vénézuélienne.

Elle prévoit aussi l'expansion des ressources allouées à la tristement célèbre « restauration de la démocratie vénézuélienne » tant vantée. Autrement dit, c'est un effort pour renforcer l'allocation des ressources pour la déstabilisation du pays par le Congrès.

Argent et arrière-plan

En juin 2018, le Sénat a approuvé 20 millions de dollars et la Chambre des représentants un montant additionnel de 15 millions pour réaliser ces objectifs.

À ces ressources s'ajoutent maintenant les 400 millions de dollars qui seront destinés, en vertu de la Loi VERDAD, aux dirigeants du coup au Venezuela dirigés par Voluntad Popular, sous la couverture traditionnelle de la fourniture d'une « aide humanitaire » qui est la catégorie dans laquelle cette aide va se retrouver dans le budget de l'année fiscale 2020.

Et il se trouve encore des journalistes, des analystes et des personnalités des médias sociaux qui se demandent où Juan Guaido et compagnie prennent toutes les ressources pour leurs voyages à l'étranger et les produits de luxe auxquels ils sont habitués, sans parler de leurs magouilles qui font les manchettes.

À cause de ces similitudes, étant une initiative bipartisane, appuyée dans les deux chambres, allouant des ressources pour la déstabilisation, créant un faux cadre juridique pour mettre en oeuvre un blocus économique, la Loi VERDAD est semblable à la Loi Helms-Burton appliquée contre Cuba depuis 1995.

La Loi VERDAD présente aussi des similitudes avec la loi qui a été approuvée en 2015 par le Congrès des États-Unis autorisant la guerre contre l'État islamique en Syrie. Dans cette loi, ce sont les violations alléguées contre les droits humains par le gouvernement de Bachar el-Assad qui ont été utilisées pour mener une guerre sur deux fronts et allouer des ressources pour la « restauration de la démocratie » dans le pays arabe.

La similitude entre les deux décrets consiste aussi dans l'allocation de ressources à une opposition qui est déjà prête à prendre le chemin de la voie armée et à recourir à l'insurrection comme méthode de lutte politique.

À l'égard du Venezuela, cette nouvelle loi oblige le département d'État à travailler en coordination avec les organisations non gouvernementales (ONG), les médias « indépendants » et l'Assemblée nationale (en majorité anti-chaviste), avec comme objectif de saper le chavisme et le gouvernement bolivarien.

Ces ressources seront allouées aux bras et aux instruments « civils » de l'interventionnisme des États-Unis afin de renforcer l'affirmation selon laquelle le gouvernement de Nicolas Maduro est un gouvernement qui commet des « violations des droits de l'homme » et des « crimes contre l'humanité ».

La stratégie des États-Unis consiste à financer la construction d'un discours tout préparé d'avance visant à diaboliser la direction chaviste afin de la poursuivre à moyen terme devant les instances internationales, telle la Cour pénale internationale de La Haye (dans les Pays-Bas).

Limitation institutionnelle des dommages

La Loi VERDAD sera la première loi du Congrès américain à émettre des sanctions contre une cryptomonnaie, le Petro dans ce cas-ci, lancée par l'État vénézuélien en 2018 pour soutenir la reprise économique du pays face à son étranglement par les sanctions financières de Washington.

Il s'agit d'une « nouveauté » en termes juridiques et politiques dans la politique étrangère des États-Unis, du fait qu'elle transforme le Petro vénézuélien en moyen d'imposer des restrictions à un nouvel ordre financier international en plein développement, reposant sur les cryptomonnaies et le défi au contrôle punitif du service bancaire américain aux grandes entreprises.

La loi autorise aussi des investigations financières spéciales dont l'objectif est de restreindre, contrôler et accaparer les « avoirs vénézuéliens » qui ont été prétendument cooptés par la « corruption du régime Maduro ». De cette façon, le pillage des avoirs nationaux vénézuéliens est protégé juridiquement, ce qui offre un incitatif à la fracture des institutions vénézuéliennes.

La Loi VERDAD oblige aussi le département d'État à travailler étroitement avec les gouvernements alliés des États-Unis (Union européenne et pays latino-américains rassemblés dans le fantasmagorique Groupe de Lima) pour étendre les sanctions contre le Venezuela.

Dans la même veine, on peut aussi la considérer comme un moyen de faire pression sur la Chine et la Russie pour les amener à retirer à moyen terme leur appui au gouvernement Maduro.

Avec la Loi VERDAD, l'appétit pour une intervention militaire conventionnelle au Venezuela à court et moyen terme se trouve réduit, car elle remplace le pouvoir dur par le pouvoir souple, utilisant les ONG, les sanctions, les médias et l'Assemblée nationale comme des moyens politiques, économiques et institutionnels de combat politique adaptés à une guerre non conventionnelle.

Tout ceci confirme que les faucons de la Maison-Blanche et l'establishment de sécurité de nationale de Washington n'ont pas pu mener à bien leur plan contre le Venezuela.

Vue de cette façon, la Loi VERDAD apparaît comme une opération de limitation des dommages que le Parti de guerre (la somme des fauteurs de guerre parmi les démocrates et les républicains) essaie de faire dans la sphère institutionnelle afin de sauver la crédibilité de l'empire américain face à la résistance vénézuélienne.

Le Venezuela à la croisée des chemins avec les États-Unis

La chute du chavisme a été offerte par ces acteurs (Rubio, Menendez) comme un « trophée de guerre » qui va assurer la réélection de Donald Trump dans l'État stratégique de la Floride, où réside la diaspora cubaine-vénézuélienne qui demande une guerre fratricide avec le Venezuela.

Profitant de la situation où l'attention de Trump est accaparée par le processus de destitution, le Parti démocrate cherche à prendre le contrôle de la politique étrangère envers le Venezuela au Congrès en utilisant les sanctions et la pression économique comme des mécanismes de pouvoir souple permettant de réaliser le coup d'État avec un discours de « négociation pacifique et diplomatique ».

En ce qui a trait à la politique intérieure, les démocrates de la Floride cherchent à miner le monopole que les républicains ont exercé sur la politique étrangère envers le Venezuela depuis la montée de Trump, offrant avec la VERDAD une voie « plus effective » que celle du président républicain, afin de traduire cette manoeuvre en votes assurés contre le chef actuel de la Maison-Blanche à l'approche de l'élection de 2020.

Conséquemment, le Venezuela pourrait bien reconfirmer son rôle de centre politique de la diatribe continentale par une escalade et des pressions qui seront façonnées par la lutte pour la présidence des États-Unis.

Cela veut dire que l'année 2020 en sera une de pression accrue, pendant laquelle le Congrès et la guerre institutionnelle du Parti démocrate contre Trump seront des traits déterminants.

Pour des fins de politique intérieure vénézuélienne, le Congrès américain essaie de recalibrer l'échec de l'opposition vénézuélienne.

Alors que cette opposition est divisée, engagée dans d'innombrables affaires de corruption, privée de légitimité et incapable de réaliser le coup d'État, le Congrès des États-Unis tente maintenant de « venir à sa rescousse » en mettant de l'avant ces mécanismes pour redonner vie aux pressions et accroître les ressources pour la déstabilisation, appuyant le personnage de Juan Guaido.

Bien que la Loi VERDAD se donne les traits du triomphe d'une approche bipartisane et de ceux qui sont engagés dans la manigance d'un coup contre le Venezuela, les problèmes internes qui existent entre les factions aux États-Unis suggèrent autre chose.

Pendant cette même année, l'ébauche de la Loi du statut de protection temporaire ( HR 549), la Loi de restriction des armes pour le Venezuela (HR 920), la Loi sur l'aide humanitaire au peuple du Venezuela (HR 854) et la Loi sur la mitigation de la menace russo-vénézuélienne (HR1477) n'ont pas avancé à cause du contrôle que les républicains exercent au Sénat.

La Loi VERDAD est le dernier projet qui peut être réalisé dans le contexte où les quatre autres ont échoué.

Le problème à long terme de la soi-disant Loi VERDAD sera qu'elle rend impossibles des accords politiques ou des actions discrétionnaires de l'exécutif américain, que ce soit de la part de l'administration Trump ou d'une autre, qui auraient pu décroître ou abroger le blocus contre le Venezuela.

Les inconvénients auxquels a dû faire face l'administration de Barack Obama dans sa gestion de la détente avec Cuba face à la Loi Helms-Burton en sont le plus bel exemple

Cela illustre comment le Congrès américain utilise son pouvoir pour réglementer, bloquer et réorienter les actions de la présidence Trump et des autres à venir, donnant un air de légalité à la croisade anti-chaviste.

Il s'agit d'un gros problème politique pour le Venezuela, compte tenu de la prolongation et de la pérennité des facteurs de l'État profond aux États-Unis en tant qu'éléments essentiels qui contrôlent les leviers et le discours de l'establishment américain et protègent les plans de guerre géopolitiques contre tout changement de direction à la Maison-Blanche.

(20 décembre 2019. Traduction : LML)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 41 - 21 décembre 2019

Lien de l'article:
Les États-Unis adoptent une nouvelle loi Renforçant Les mesures coercitives unilatérales - Misión Verdad


    

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