L'OTAN en tant que « multiplicateur unique de la force diplomatique »
- Nick Lin -
Manifestation à Washington le 30 mars 2019 lors de la rencontre des
ministres des Affaires étrangères des pays de l'OTAN pour marquer le
70e anniversaire de la création de l'OTAN le 4 avril 1949
Le 12 novembre, le secrétaire général de l'OTAN,
Jens Stoltenberg, s'est vu décerner le prix de « diplomate de
l'année » par la revue Foreign Policy lors d'une cérémonie
à Washington. En acceptant le prix du rédacteur-en-chef Jonathan
Tepperman, Stoltenberg a plaidé en faveur d'« une incessante diplomatie
transatlantique, appuyée par une défense transatlantique
crédible ». Il a surnommé l'OTAN « un multiplicateur unique de la
force diplomatique », et a dit que « lorsque 29 nations
parlent d'une seule voix, c'est plus puissant que toute autre voix au
monde ».
C'est une façon on ne peut plus
intéressée de dire les choses. Le terme « multiplicateur de
force » appartient au domaine du combat militaire. Le département
américain de la Défense le définit comme suit : « Une capacité
qui, ajoutée à une force de combat et utilisée par elle, augmente
considérablement le potentiel de combat de cette force et augmente
ainsi la probabilité de réussite de la mission. » C'est le
contraire de la diplomatie, où les différends sont résolus par des
moyens pacifiques. Selon le secrétaire général de l'OTAN, la menace
coercitive de la force de l'OTAN se renforce et est essentielle à
l'efficacité de la diplomatie.
Dans son discours d'acceptation, Stoltenberg explique en
détail les préparatifs de guerre de l'OTAN en invoquant pour les pays
de l'OTAN des menaces militaires où il n'en existe aucune. Il rappelle
l'encerclement agressif de la Russie où l'OTAN continue de masser des
forces militaires en Europe de l'Est, affirmant que « nos efforts
diplomatiques ne peuvent être efficaces que si nous mettons la Russie
au défi à partir d'une position de dissuasion et de défense
crédible ». Pareillement, il laisse entendre que la Chine
constitue une menace pour les pays de l'OTAN quand il dit que « la
diplomatie combinée à la puissance militaire est également importante
pour nous adapter à un rapport de forces mondial en constante
évolution. La Chine sera bientôt un élément clé. La Chine aura bientôt
la plus grande économie du monde. Et elle dispose déjà du deuxième
budget le plus important en matière de défense, investissant
massivement dans de nouvelles capacités. » La Chine n'a pas envahi
les autres pays ni procédé à des coups d'État ni à des changements de
régime, mais elle constituerait pourtant une menace pour les pays de
l'OTAN. La soi-disant diplomatie est tout simplement une façade qui
dissimule carrément l'agression qui sert les intérêts des pays de
l'OTAN, en particulier des grandes puissances.
En ce qui concerne l'OTAN qui représente « 29 pays
parlant d'une seule voix [plus] puissante que toute autre dans le
monde », cela ne reflète pas la réalité. Une scission importante
existe actuellement au sein de l'OTAN, entre les États-Unis et les
autres membres, l'administration Trump estimant que l'OTAN est
inefficace et constitue un obstacle aux objectifs des États-Unis, car
elle ne fonctionne pas sans les forces armées et le financement
américains. En outre, 29 pays sur les 200 qui existent dans
le monde représentent une petite minorité par rapport à d'autres
groupes internationaux tels que le Groupe des 77 ou le Mouvement
des pays non alignés. Puis, alors que le Groupe des 77 et le
Mouvement des pays non alignés opèrent dans le cadre des Nations unies
et de la primauté du droit international, l'OTAN ne le fait pas. C'est
une alliance militaire voyoue qui fait fi de la règle du droit
international. La majorité des peuples du monde s'opposent à ses
activités agressives et la qualifient d'« organisation terroriste de
l'Atlantique Nord ». Contrairement aux propos sophistiqués de
Stoltenberg, la réalité montre que l'OTAN sert des objectifs agressifs
étroits et s'impose aux autres conformément à la doctrine impérialiste
de « la raison du plus fort ».
Qui est la revue Foreign Policy
Il est pertinent de se demander qui est la revue Foreign
Policy qui a proclamé le secrétaire général de l'OTAN « diplomate
de l'année ».
Foreign Policy est une publication américaine,
créée en 1970 dans la tourmente de la guerre du Vietnam, dont les
fondateurs ont défendu des conceptions réactionnaires en vogue dans le
monde. Elle a été cofondée par Samuel P. Huntington et Warren Demian
Manshel. Huntingdon était un idéologue impérialiste connu pour sa
théorie du « choc des civilisations ». Manshel était un banquier
investisseur, rédacteur en chef, éditeur et diplomate. De 1954
à 1955, il a été directeur et agent administratif principal du
Congrès pour la liberté de la culture, une organisation anticommuniste
d'intellectuels américains et européens.
Foreign Policy a des liens concrets avec la
conférence belliciste annuelle du Forum d'Halifax sur la sécurité
internationale. Depuis 2017, Foreign Policy est désignée
comme « partenaire médiatique » du Forum d'Halifax. Ce statut lui
a été conféré en 2017 lorsque Jonathan Tepperman, vice-président
du Forum, est également devenu rédacteur en chef de Foreign Policy.
Cette
année-là, elle a décerné à Chrystia Freeland son prix de «
diplomate de l'année ». Cette même année, Freeland a lancé le
Groupe de Lima, une minorité de pays au sein de l'Organisation des
États américains qui a pour mission l'intervention étrangère et le
changement de régime au Venezuela.
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 32 - 23 novembre 2019
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