Le coup d'État contre la République plurinationale de Bolivie et son président

Le Canada doit cesser d'être l'instrument des opérations de changement de régime des États-Unis! Aux côtés du peuple bolivien, exigeons la réintégration du président qu'il a élu


Rassemblement d'enseignants des régions rurales à La Paz, le 13 novembre 2019, pour exiger que le gouvernement autoproclamé du coup d'État se retire du pouvoir.

Les événements de la semaine passée en Bolivie montrent clairement que nous sommes témoins de l'aboutissement d'un coup d'État militaire contre le président Evo Morales, qui a été réélu à l'élection générale du 20 octobre, et le Mouvement pour le socialisme (MAS) qu'il dirige et qui a remporté une majorité de sièges au Sénat et à la Chambre des députés.

Il existe des preuves irréfutables démontrant que les événements survenus la semaine dernière sont liés aux efforts des États-Unis pour influencer et prendre le contrôle des forces militaires et policières de la région par le biais de programmes mis en place à cette fin. En outre, des cassettes audio laissent voir que certains politiciens américains et fonctionnaires de l'ambassade ont collaboré avec des officiers de l'armée, des membres de l'opposition boliviens à la retraite et d'autres pour organiser et financer les actions violentes et déstabilisatrices qui ont eu lieu, ainsi que la création d'un gouvernement parallèle dans l'éventualité d'une autre victoire d'Evo à l'issue de l'élection. L'existence d'un tel plan est corroboré par le fait que, selon Evo, un membre de son équipe de sécurité lui aurait dit qu'on lui avait offert 50 000 dollars pour le remettre à Evo à ses ennemis politiques.

Faisant preuve de mauvaise conscience, le gouvernement Trudeau refuse de se rendre à l'évidence. Dans ses déclarations, Affaires mondiales ne mentionne jusqu'à présent que la « démission » du président Morales et sa disposition à appuyer « une solution institutionnelle qui permettra à une administration intérimaire temporaire de se préparer à de nouvelles élections et d'éviter un vide de pouvoir ». Cela signifie que le Canada soutient la sénatrice de l'opposition Jeanine Añez qui, comme Juan Guaido au Venezuela, s'est déclarée présidente intérimaire en violation de la constitution, et dans ce cas avec le soutien de l'armée (on voit un officier l'aider à mettre l'écharpe présidentielle lors de son assermentation). Après s'être emparée de la présidence, Añez a nommé son propre cabinet et, contredisant la prétention que son gouvernement n'était qu'un gouvernement « intérimaire » en place jusqu'à la tenue d'une nouvelle élection, elle a immédiatement entrepris dans un esprit revanchard de démanteler les programmest les mesures de tous types mis en place par le gouvernement du MAS. Si la « présidente » par intérim réussit à s'imposer, il n'y a pas qu'Evo qui se verra interdire de se présenter à l'élection, mais tous les candidats du MAS. Entre-temps, la police et l'armée ont reçu le feu vert pour attaquer et arrêter arbitrairement ceux qui résistent au coup d'État, dont beaucoup appartiennent aux nations autochtones. En date du 16 décembre, 23 décès ont été signalés, bon nombre par balles.

Dans les opérations de changement de régime au Venezuela et en Bolivie, le Canada a joué un rôle important au sein de l'Organisation des États Américains (OÉA) pour que le regroupement déclare des élections illégitimes ou frauduleuses lorsqu'elles ne produisent pas les résultats escomptés. Ensuite il s'associe aux forces du coup pour destituer illégalement les présidents et les gouvernements élus par le peuple.

Dans le cas de la récente élection en Bolivie, des analyses distinctes des résultats réalisés par différents experts ne corroborent pas les prétendues conclusions de la vérification réalisée pour le compte l'OÉA. Toutes les études ont conclu que le nombre d'irrégularités rapportées n'était pas significatif et que la suppression des votes dits suspects en faveur d'Evo n'aurait pas changé sa victoire au premier tour. (Voir à ce sujet « What Happened in Bolivia's 2019 Vote Count ? Role of the OAS Electoral Observation Mission » du Center for Economic and Policy Research). Tout cela permet de croire que les prétendues irrégularités rapportées par l'équipe de l'OÉA - qui n'étaient pas des cas de fraude et n'établissaient pas la preuve tangible de fraude - étaient le prétexte attendu pour demander le rejet complet des résultats et demander la tenue de nouvelles élections, permettant ainsi aux forces du coup d'État de dire qu'Evo a été élu par la « fraude » et de prendre leurs mesures contre lui. Au nom de qui le Canada a-t-il aidé à instiguer cette contestation ?


Marches en provenance de 20 États de la Bolivie vers les quartiers généraux du gouvernement
pour soutenir Evo Morales, le 15 novembre 2019

Le Canada a joué un rôle similaire dans d'autres coups d'État ou tentatives de coup d'État orchestrés par les États-Unis dans l'hémisphère sud durant ce siècle, notamment contre le président Jean-Bertrand Aristide en Haïti en 2004 et contre le président Manuel Zelaya au Honduras en 2009. Dans ces deux cas, les chefs et les gouvernements visés par un changement de régime tentaient de tracer une voie de développement indépendant pour leur pays, en donnant la priorité aux besoins des travailleurs et des plus vulnérables, au lieu d'appliquer les dures solutions néolibérales dictées par le FMI qui ont détruit l'économie nationale de bien des pays et semé la misère dans le monde. Dans ces deux cas, outre le rôle qu'il a joué dans le soutien aux coups d'État perpétrés contre ces présidents, le Canada, sous des gouvernements conservateurs et libéraux, est intervenu pour empêcher les forces populaires d'élire le gouvernement de leur choix en s'empressant de soutenir des coups électoraux pour garantir le maintien au pouvoir des gouvernements néolibéraux et de l'appareil répressif qu'ils n'hésitent pas à utiliser contre le peuple en toute impunité.

Le fait que le Canada ait été sollicité par les États-Unis pour diriger le Groupe de Lima, prétendument pour « rétablir la démocratie au Venezuela », montre quel genre de démocratie, de droits humains et de primauté du droit il défend. Le Groupe de Lima est un regroupement de gouvernements parmi les plus corrompus, répressifs, non démocratiques et violateurs des droits humains, parmi lesquels le Brésil, le Chili, la Colombie, le Honduras, le Pérou — tous confrontés à des crises de légitimité et une répudiation généralisée chez eux.

L'hypocrisie du gouvernement Trudeau semble n'avoir aucune limite. D'une part, il fait des déclarations interminables en son propre nom ou en tant que membre du Groupe de Lima sur la destruction de l'ordre démocratique et constitutionnel au Venezuela, justifiant des mesures punitives par l'OÉA. Non seulement le peuple vénézuélien s'oppose-t-il résolument au changement de régime, mais les tentatives du Canada dans ce sens n'ont jamais réussi faute du soutien nécessaire au sein de l'OÉA. En même temps, il ferme les yeux sur l'assaut de l'oligarchie contre la constitution et la démocratie, ainsi que contre la vie du peuple bolivien qui demande le retour de son président légitime. C'est l'oligarchie raciste qui se venge maintenant des « Indiens » qu'elle méprise.

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) appelle les Canadiens à soutenir sans réserve le peuple bolivien qui exige la réintégration de son président élu, Evo Morales, et à exiger que le gouvernement du Canada cesse son ingérence flagrante dans les affaires de la Bolivie et du Venezuela, en violation de la Charte de l'ONU, du droit international et des normes de la diplomatie. Toute l'hypocrisie libérale sur la tenue d'élections libres et équitables, les droits humains et un « ordre international fondé sur des règles » ne fera pas oublier cette réalité.

(Photos : O. Vargas, F. Morales, Prensa Latina)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 30 - 16 novembre 2019

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Le coup d'État contre la République plurinationale de Bolivie et son président: Le Canada doit cesser d'être l'instrument des opérations de changement de régime des États-Unis! Aux côtés du peuple bolivien, exigeons la réintégration du président qu'il a élu


    

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