Honduras
Les manifestations au point d'ébullition
- Emile Schepers -
Grandes manifestations à San Pedro Sula, au
Honduras, le 19 juin 2019
Depuis la réélection en 2017 du président
hondurien Juan Orlando Hernandez du Parti national
de droite, des manifestations de masse ont eu lieu
sans relâche dans les rues des villes
honduriennes. Plusieurs ont jugé que cette
élection était une fraude, mais maintenant la
décision d'un tribunal aux États-Unis a jeté le
feu aux poudres, alimentant la colère contre
Hernandez, un proche allié de l'administration
Trump.
Le 18 octobre, un tribunal fédéral des
États-Unis à New York a déclaré le frère du
président, Tony Hernandez, coupable de graves
accusations liées au narcotrafic. Et bien que Juan
Orlando Hernandez ait antérieurement affirmé que
son frère était l'unique responsable de ses actes,
les preuves retenues contre Tony sont
compromettantes pour Juan Orlando et son
prédécesseur, l'ancien président hondurien
Porfirio Lobo.
Un des principaux témoins au procès, le gangster
Devis Rivera Madriaga, a attesté avoir soudoyé les
présidents Hernandez et Lobo afin que le cartel de
narcotrafic Cachiros puisse librement transporter
des stupéfiants par le Honduras en route pour la
vente aux États-Unis. Aussi, des preuves sont
venues confirmer que la première campagne
électorale du président Hernandez en 2013
avait bénéficié de l'appui d'un financement
provenant du trafic de drogue.
L'avènement de Lobo et des frères Hernandez au
pouvoir au Honduras a été rendu possible par le
coup d'État militaire de 2009 qui a renversé
le président de gauche Manuel Zelaya. À ce
moment-là, les États-Unis avaient manoeuvré pour
empêcher Zelaya de retourner au pouvoir, ce qui a
mené à l'élection de Lobo en novembre 2009,
dans un contexte où les forces de sécurité
réprimait l'opposition, dont une section avait
décidé de boycotter les élections.
Le régime Hernandez a été particulièrement
violent. La police a été militarisée, les
manifestations ont été réprimées, et il y a eu
l'assassinat de personnalités de l'opposition
proches du peuple, y compris l'illustre
défenderesse environnementaliste autochtone Berta
Caceres, assassinée en mars 2016 en raison de
son activisme en opposition à un projet de barrage
néfaste pour l'environnement.
Les gens appauvris des villes et des campagnes
ont été les premiers à subir la répression, alors
que des grandes entreprises voraces ont travaillé
main dans la main avec les forces de sécurité pour
réprimer leurs efforts pour défendre leur moyen de
subsistance. Par exemple, dans le sud d'Aguan, il
y a eu de nombreux décès d'agriculteurs qui
résistent aux empiètements des propriétaires
fonciers qui cherchent à élargir la culture de
palme africain destinée aux marchés internationaux
de biocombustibles. Sur la côte caribéenne, la
population afro-autochtone de Garifuna est la
cible d'énormes pressions de puissants intérêts
qui veulent les repousser pour ouvrir la porte à
de lucratifs projets touristiques.
C'est donc sans surprise que le vendredi 18
octobre, à la suite de la condamnation de Tony
Hernandez et dans le contexte des révélations au
sujet de son frère le président, les Honduriens
soient descendus dans la rue pour manifester à
nouveau. L'ancien président Zelaya, qui est
maintenant chef du parti politique de gauche
LIBRE, a participé aux manifestations dans la
capitale hondurienne Tegucigalpa. Le lundi 21
octobre, d'autres manifestations ont eu lieu dans
la capitale et dans d'autres villes, où les
manifestants ont dressé des barricades et brûlé
des pneus dans la rue et ont été violemment
réprimés par les forces de l'ordre. Des gaz
lacrymogènes projetés par la police ont rempli le
campus de l'Université pédagogique Francisco
Morazan, près du site d'une des principales
manifestations dans la capitale.
La longue suite de manifestations et
d'affrontements avec les forces de l'ordre ont
causé des morts et des blessures et de nombreux
Honduriens ont été incarcérés pour leur opposition
active au régime corrompu de Hernandez. Bien qu'en
ce moment la principale revendication des
manifestants et d'une grande partie de
l'opposition est la démission de Juan Orlando
Hernandez, de longues luttes se préparent pour
réparer les dommages imposés à cette nation
extrêmement pauvre de 9,3 millions de
personnes depuis le coup de 2009.
Jusqu'à récemment, l'administration Trump a
fermement appuyé le régime violent de Tegucigalpa.
Le fait que le gouvernement de Juan Orlando
Hernandez ait été élu de façon malhonnête, qu'il
soit corrompu et antidémocratique, a laissé Trump
et ses acolytes indifférents, tout comme son
implication dans les affaires de drogue.
Cependant, plus tôt cette année, l'aide au
Honduras a été coupée en raison de l'hystérie
anti-immigrants de Trump. Le président des
États-Unis et ses acolytes ne s'inquiètent pas
outre mesure de voir que le gouvernement Hernandez
pille et réprime les travailleurs et les
agriculteurs pauvres. Ce qui l'inquiète, c'est
lorsque les victimes de cette violence tentent de
s'en échapper en prenant la route des États-Unis.
Non sans ironie, depuis un certain nombre
d'années, plusieurs personnes au sein du Congrès
tentent de mettre fin à l'appui financier des
États-Unis à la répression au Honduras. En ce
moment, un projet de loi a été déposé au Congrès
qui va dans ce sens : la Loi sur Berta
Caceres et les droits humains, H.R. 1945.
Le principal parrain du projet de loi est le
représentant démocrate de Géorgie Hank Johnson, et
il a gagné l'appui de 73 autres partenaires,
tous des démocrates. Le projet de loi mettrait fin
à la presque totalité de l'appui financier des
États-Unis aux forces de l'ordre honduriennes.
Cependant, pour que cette loi soit adoptée, les
gens préoccupés par la situation au Honduras vont
devoir agir et demander à leurs représentants au
Congrès de la soutenir.
Les organisations des droits humains font tout
leur possible en ce moment pour exiger que la
pression soit exercée en appui au peuple hondurien
en ce moment critique. Le Réseau de solidarité
avec le Honduras, avec l'appui de l'Alliance pour
la Justice mondiale et d'autres organisations,
souligne qu'un grand nombre de Honduriens ont déjà
été incarcérés ou sont menacés d'incarcération
pour leurs courageuses manifestations contre le
gouvernement illégal de Juan Orlando Hernandez.
Ces organisations exigent que les États-Unis
exercent immédiatement une pression pour forcer
les autorités honduriennes à libérer tous les
prisonniers politiques.
Emile Schepers est un activiste chevronné pour
la défense des droits civils et des immigrants.
Il est né en Afrique du Sud et est titulaire
d'un doctorat en anthropologie culturelle de la
Northwestern University. Il travaille comme
chercheur et militant dans des communautés
urbaines de la classe ouvrière à Chicago
depuis 1966. Il est actif dans la lutte
pour les droits des immigrants, en solidarité
avec la révolution cubaine et sur plusieurs
autres fronts. Il écrit maintenant du nord de la
Virginie.
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 27 - 10 novembre 2019
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Honduras: Les manifestations au point d'ébullition - Emile Schepers
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