Une lutte syndicale, politique et insurrectionnelle


Les sessions inaugurales de Dialogue citoyen alternatif sur la santé et l'éducation publiques
ont eu lieu dans plusieurs villes le 18 juin 2019.

Les syndicats des employés médicaux et des enseignants, qui devaient subir des mises à pied massives et des compressions budgétaires à la suite de l'imposition d'ajustements fiscaux par le Fonds monétaire international depuis la visite de ses représentants dans le pays en mars, sont descendus dans la rue pour réclamer l'abrogation des décrets de restructuration des secteurs de la santé et de l'éducation. À la mi-avril, la présence des deux syndicats dans la rue, accompagnés des étudiants d'université et des citoyens conscients, a fait bouger les choses.

 À la suite des manifestations des 29 et 30 avril, les décrets ont dû être retirés par leurs auteurs. Le président du Congrès national lui-même, Mauricio Oliva, qui la veille s’était éclaté de rire en se moquant de l’opposition à la Chambre, a dû annoncer très sobrement sa défaite.  Selon certains analystes, il s'agit d'une double défaite pour Oliva, lui qui voulait à tout prix être un bon élève du FMI pour prouver sa servilité face aux intérêts des instances financières internationales, une condition sine qua non pour ceux qui aspirent à une candidature présidentielle pour les partis représentant l'élite.

Les syndicats unis dans le Programme de lutte à la défense de la santé et de l'éducation publiques ne se sont pas arrêtés là. Ils ont immédiatement demandé l'abrogation des décrets d'urgence de la présidence et du Conseil des ministres (Décrets PCM), qui ont permis à l'exécutif d'effectuer des mises à pied massives en éducation et en santé publiques. Certains de ces décrets avaient été approuvés dans le cadre de la répression des syndicats pour leur lutte contre le coup d'État de 2009. Les mobilisations ont été massives à l'échelle nationale et ont été largement appuyées par d'autres secteurs, mais le contenu n'était déjà plus le même : il n'était plus seulement question d'exiger l'abrogation des décrets alors que les citoyens se sont mis à scander le désormais célèbre « Fuera JOH ! » (Juan Orlando Hernandez, dehors !), exprimant une revendication politique et la nécessité d'obtenir le départ du Parti national de l'administration du gouvernement.

Dès les premiers jours de juin, le régime a une fois de plus succombé aux pressions de la rue et a abrogé les décrets d'urgence existants, pour ensuite immédiatement approuver de nouveaux décrets PCM (sans une seule réunion du Conseil des ministres), tout en spécifiant qu'il n'y aurait pas de mises à pied ni de représailles massives contre les manifestants, entre autres garanties. Cependant, il existe des ambiguïtés et les nouveaux décrets sont dangereux, provenant d'un gouvernement qui, à maintes reprises, a refusé d'honorer ses engagements. Son but était-il seulement d'obtenir une démobilisation ? Pourquoi, après dix ans, la santé et l'éducation publiques au pays sont-elles toujours gérées en vertu de décrets d'urgence ? De plus, sans les PCM existants, le gouvernement serait dans l'obligation de retourner aux lois garantissant la profession d'enseignant (Loi des enseignants) et le syndicat des médecins (Loi des employés médicaux).

Pour sa part, le Parti de la liberté et de la refondation (Libre) a exprimé son appui inconditionnel à la lutte pour le Programme, faisant preuve d'une certaine prudence en raison d'une campagne intense déclenchée par le régime qui tente par tous les moyens de discréditer la lutte des syndicats, disant qu'ils sont mus par des « intérêts politiques » qui incitent les secteurs sociaux à descendre dans la rue dans le cadre d'une « stratégie de déstabilisation de l'opposition visant à affaiblir le gouvernement ». Malgré tout, les députés de Parti Libre ont déclaré être dans un état d'insurrection législative, et ont mené leur protestation sur le plancher de la Chambre et bloqué l'approbation continue de lois contraires aux intérêts du peuple.

Les rues et les routes du pays témoignent d'un autre niveau de conscience de la population : on y voit une plus grande confiance du peuple en ses moyens de changer le rapport de forces entre le régime oppresseur et les forces de l'opposition. Ce ne sont plus seulement les intérêts des secteurs populaires qui sont en jeu, mais ceux des gens d'affaires, de l'Église catholique, des partis d'opposition, des couches moyennes de professionnels, etc. qui eux aussi exigent un changement ou la fin du gouvernement et expriment la nécessité de mettre le pays sur une voie démocratique.


Premier Mai 2019, une marche à Tegucigalpa au Honduras

Ces derniers jours, le Commandement du Sud a annoncé la présence sur le territoire national de 300 marines, ainsi que sa présence militaire dans trois autres pays de l'Amérique centrale : Bélise, Guatemala et le Salvador, prétendument pour venir en aide aux forces armées nationales en cas de désastres naturels. Aussi, des images de mouvements militaires de l'armée hondurienne dans différentes parties du pays circulent dans les médias alternatifs. Les rumeurs et les spéculations vont bon train : certains disent que « ce sont les gringos qui vont expulser JOH » en raison de ses liens avec le narcotrafic (compte tenu du fait que son frère Tony Hernandez est déjà devant les tribunaux dans le sud de New York pour le trafic de tonnes de cocaïne). D'autres disent que les militaires eux-mêmes préparent un coup d'État pour éviter qu'ils soient extradés ou encore parce que le président a manqué de respect envers l'armée en faisant fi des promotions militaires 22, 23 et 24 et en confiant des postes de haut commandement à ses amis proches et à ses collaborateurs du secteur militaire.

Au Honduras, plusieurs scénarios sont possibles. Ces derniers jours de lutte indiquent que les contradictions s'exacerbent, en particulier en raison de la saine insistance des organisateurs du Programme de poursuivre la mobilisation populaire et de l'énorme appui dont ils bénéficient tant dans l'opinion publique que parmi les autres forces importantes d'opposition du pays. Un des dirigeants enseignants, interviewé dans la rue, a fait preuve d'un niveau élevé de conscience politique lorsqu'il a répondu de la façon suivante à la question à savoir si les organisateurs du Programme cherchaient à mettre fin au régime : « Nous dirigeons les masses et nous assumons notre rôle. Maintenant, c'est à l'avant-garde politique d'assumer sa responsabilité historique. »

(Traduction: LML. Photos : G. Ríos Munguía, WWSW)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 24 - 22 juin 2019

Lien de l'article:
Une lutte syndicale, politique et insurrectionnelle - Gilberto Rios Munguia, dirigeant du Parti de la liberté et de la refondation (Libre)


    

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